Justice: 100 ans au service des intérêts du peuple martiniquais

Qu’il est Iong le chemin déjà parcouru par Justice, Ie journal du mouvement communiste conçu par Jules Monnerot et dont le premier numéro fut publié le 8 mai 1920. Cent plus tard, alors que de nombreux titres parus après lui et souvent complices du pouvoir colonial ont disparu, Justice est toujours là, fort du soutien des masses populaires pour dénoncer les tares du colonialisme, l’exploita- tion éhontée des travailleurs martiniquais par les profiteurs de ce système, pour porter le message de promotion sociale et de responsabilité politique auxquelles le monde du travail aspire légitimement.

D urant ces 100 ans, Justiceest resté fidèle à l’engage- ment de son fondateur qui, dans son premier numéro écrivait :«Qu’est-ce ce que le peuple sans organisation ? Rien qu’une foule impuissante. Reste la presse. Le peu- ple des travailleurs a partout ses jour- naux à lui. Il est temps qu’il soit ici autre chose qu’une cohue électorale. C’est de ce peuple que Justice vou- drait être le journal. Dans cette vue, nous nous ferons fidèlement l’écho du peuple des travailleurs…».

Nous voilà en 2020. Certes, notre Martinique d’aujourd’hui n’est plus celle de 1920. Le quotidien de ses habitants n’est plus fait «de dénuement, d’habitat de paille au sol nu, de nourriture de carence, de lambeaux de vêtement, de dou- leurs de l’ignorance, d’impossible scolarité pour les enfants voués aux petites bandes, d’inexorables maladies...», comme l’écrivait le regretté Georges Mauvois.

Certes, depuis, d’importants pro- grès ont été réalisés grâce en grande partie au rejet, par les com- munistes et par Justice, dès sa paru- tion, de «l’alliance du capital et du travail»prônée par la bourgeoisie qui s’était mise au service des «pos- sédants». «La politique de Justice sera prolétarienne ou ne sera pas !», avaient affirmé ses rédacteurs de l’époque. Noble serment que bien d’autres ont trahi en tournant le dos aux intérêts du peuple et en se mettant au service de ceux de ses exploiteurs !

Mais Justicedoit se battre aujour- d’hui pour la survie de son peuple menacé dans son existence même par le chômage, l’exode massif de sa jeunesse, le vieillissement accéléré de sa population et son empoison- nement par le chlordécone. Il est resté fidèle à cet engagement, pour épauler les masses laborieuses dans la conduite de Ieurs luttes contre le système capitaliste et colonial et pour la défense de leurs intérêts. Il peut, à juste titre, revendiquer sa p lace dans les avancées sociales de ces dernières décennies et qui ont sensiblement amélioré le sort des M artiniquais(e)s et des plus défavo- risé(e)s en particulier.

II a été le dénonciateur acharné des abus des puissants sous le r égime des gouverneurs, mais aussi depuis la départementalisa- tion, et reste le porte-voix de ceux qui réclament justice. C’est la rai- son pour laquelle Justice a subi tant de persécutions. Mais ni l’assassi- nat de son gérant André Aliker en janvier 1934, ni son interdiction par l’amiral Robert, ni les nom- breuses censures et saisies, ni les condamnations qui frappèrent ses rédacteurs ne purent le dévier de sa mission d’éclairer le peuple.

Justicen’a jamais cherché à ruser avec l’histoire. Une dizaine d’an- nées à peine après avoir soutenu la départementalisation souhaitée par les communistes pour mettre un terme à l’arbitraire des gouver- neurs et obtenir l’égalité des droits sociaux pour sortir le peuple de son effroyable misère, Justice s’est engagé dans la lutte contre l’assi- milation et l’aliénation culturelle qui nous étaient imposées. Il s’est alors fait le porte-voix du respect de la personnalité martiniquaise et de la dignité de notre peuple. II a porté haut le drapeau de la reven- dication de notre identité cultu- relle, jetant ainsi les fondements de la reconnaissance de la nation martiniquaise. C’est avec la même ferveur queJ ustices’est investi dans la bataille en faveur de la rupture avec le vieux système néocolonial à bout de souf- f le et du droit de nos compatriotes à prendre en main la gestion de leurs propres affaires, autrement dit d e l’Autonomie.

Que de chemin déjà parcouru par ce journal qui reste le plus ancien organe de la presse de la Caraïbe et de toute l’Amérique latine ! Certes, comme tous les autres titres de la presse écrite, Justice a été et reste confronté à de multiples difficultés, a de multiples difficultés financières notamment.

Aujourd’hui, il doit affronter la concurrence des nouvelles tech- nologies de la communication et de l’information et des réseaux sociaux qui privilégient l’instanta- néité et l’émotionnel au détriment de la réflexion. Heureusement que, depuis sa fondation, Justicea choisi de donner la priorité à l’ana- lyse approfondie des faits écono- miques, sociaux, sociétaux et cul- turels qui déterminent le destin de notre peuple. Témoin et acteur de tous les moments importants de notre his- toire, Justiceconstitue un élément précieux de notre patrimoine. Ses archives restent une mine d’infor- mations pour tous ceux et toutes celles qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur l’histoire de notre pays. Ancré dans le pré- sent, justice entend toujours por- ter sa lecture critique des événe- m ents agitant notre monde sou- mis à la financiarisation de l’éco- nomie dominée par les groupes c apitalistes qui contrôlent la quasi-totalité des médias et véhi- culent une information au service d e leurs intérêts égoïstes.

Ses rédacteurs restent fidèles aux enseignements du marxisme qui avaient guidé ses fondateurs grou- pés autour de Jules Monnerot. Ils restent toujours à l’oeuvre pour maintenir cette flamme qui habite toujours ceux qui bénévolement et chaque semaine continuent de se dévouer corps et âme pour conti- nuer à faire vivre ce journal et lui assurer cette exceptionnelle lon- gévité. Merci à toutes celles et à tous ceux qui nous ont conservé leur confiance et contribuent à faire vivre le journal des travail- leurs et du peuple.

Telles sont les raisons pour les- quelles nous entendions commé- morer avec éclat ce centième anni- versaire de Justice. Nous invitons nos compatriotes à s’y associer en participant nombreux aux manifes- tations organisées à cette occasion et à nous aider à rassembler les moyens financiers pour y parvenir. Votre soutien nous est indispensa- ble pour continuer à tracer, en toute responsabilité, les voies vers un ave- nir meilleur pour notre peuple.

Longue vie à Justice et que vive encore longtemps le journal des travailleurs !