Complotisme et manipulation idéologique

Comme lors de toute crise aigüe, la période actuelle génère de multiples inquiétudes. Elles se traduisent de différentes façons, et la multiplication des théories en tous genres est une des manières de combattre ces inquiétudes qui assaillent une grande partie des peuples du monde.

P armi ces théories, celles que l’on peut qualifier de complo- tistes ont envahi les réseaux sociaux. Le principe de ces théories complotistes est bien connu. Celles- ci expliquent les évènements histo- riques, non pas à travers le hasard ou des lois historiques, comme la lutte de classes, par exemple, mais en mettant en scène des «chefs d’orchestre» secrets censés gou- verner le cours des choses.

Parmi les théories complotistes les plus célèbres, on connaît celle que diffusa l’abbé Barruel au XVIII è me siè- cle et qui attribuait la Révolution française à un complot de Francs- Maçons. Une autre théorie du com- plot, le fameux «Protocole des Sages de Sion»du début du XX ème siècle, affirmait, elle, que le monde était gouverné par une assemblée occulte de Juifs. Elle a été abondam- ment utilisée par Hitler qui voyait dans le Communisme un complot «judéo-maçonnique». Les travaux des historiens ont montré que ce fameux «Protocole» était une fabri- cation de la police tsariste. POUVOIR DÉMÊLERLE VRAI DU FAUX

Le problème avec les théories com- plotistes, c’est qu’elles ont une part de vérité. Ainsi, il est vrai que les Francs-Maçons ont participé à la diffusion des idées des Lumières qui ont amené la Révolution française. Mais loin de favoriser la Franc- Maçonnerie, la Révolution française l’a quasiment détruite. De la même façon, il y a bien dans le monde moderne des exemples de réunions plus ou moins secrètes qui rassem- blent des décideurs, pour la plupart non Juifs, comme c’est le cas avec le groupe Bilderberg. Cette réunion confidentielle qui se tient depuis 1954 aux Pays-Bas alimente les soupçons d’une entente secrète entre décideurs de haut niveau, comme peut le faire, à Paris «Le siè- cle», un club de l’élite dirigeante française. Il est, sans doute, tout à fait plausible que des orientations collectives de décideurs aient été établies dans ces groupes fermés, comme dans d’autres cénacles informels, mais la réalité de la marche de l’histoire est multifacto- rielle et beaucoup plus complexe que celle d’un gouvernement de têtes pensantes comme on en a la preuve chaque jour. Les hommes font l’histoire mais ne savent pas l’histoire qu’ils font, et cela est vrai pour les groupes dominants, contrairement à ce que nous disent les théories complotistes. Il convient de pouvoir démêler le vrai du faux.

LES THÉORIES COMPLOTISTES :UNE POLITIQUE DE MANIPULA- TION QU’IL FAUT CASSER

Le mécanisme politique des théo- ries complotistes repose en effet sur un message non formulé : les classes dirigeantes sont plus intelli- gentes que nous et elles nous mani- pulent. Seule une partie de la phrase est vraie, et les peuples ne sont pas dupes ! De fait, les médias de masse diffusent à longueur de journée une idée centrale, signe d’un profond mépris de classe : les classes popu- laires sont trop bêtes pour com- prendre. Il faut donc leur donner des explications sommaires, et lais- ser les experts travailler.

Un exemple de cette attitude poli- tique parfaitement consciente a été fourni, en 2005, par le référendum sur l’Europe. Les citoyens français devaient se prononcer sur un traité européen dont le texte était volon- tairement laissé tel quel, c’est-à-dire très technique. Le message était, on ne peut plus clair : «Vous n’allez rien y comprendre, laissez-nous faire, nous les experts». La surprise des élites françaises a été totale lors des résultats du référendum, car le texte décortiqué et expliqué dans d’innombrables réunions publiques militantes a finalement été refusé,pour être ensuite repassé en douce, dans le dos des électeurs. Face à cette politique de manipulation, les théories complotistes, sont très ambigües, car elles apparaissent comme le symptôme d’une situa- tion dans laquelle les peuples sont sans cesse tenus en marge, par un manque volontaire de transpa- rence. Les théories complotistes viennent alors remplir ce vide d’ex- plications. Mais, à leur insu, ces complotistes diffusent aussi l’idée qui valide l’idéologie des domi- nants : les décideurs sont plus intel- ligents et ce sont eux qui font notre histoire. Il y a toutefois un moyen de casser cette manipulation.LA CULTURE, UN MOYEND’ÉMANCIPATION

Pour lutter contre la domination par le savoir, en effet, il y a une solu- tion depuis longtemps mise en avant par les Communistes du monde entier : démocratiser l’accès aux connaissances, sauvegarder et développer l’école, protéger la cul- ture. En un mot, permettre à tout un chacun d’avoir un regard cri- tique, informé, rationnel, sur le monde qui l’entoure. Les Commu- nistes ont toujours défendu, en tous lieux, la culture comme un moyen d’émancipation.

Aujourd’hui, Cuba en est, sur ce point, un exemple bien connu, et les USA dont la médiocrité du sys- tème scolaire est patente, le parfait contre-exemple. Un journal, com- me le nôtre, participe, bien sûr, à ce combat pour la liberté, la culture et l’émancipation.