Le retrait des forces américaines d’Afghanistan

Les forces militaires quittent l’Afghanistan. Joe Biden met fin à la plus longue guerre jamais engagée par les USA, après presque vingt dans ce pays. Le bilan de cette présence est désastreux. Ni les objectifs ini- tiaux, faire partir les talibans, instaurer la démocratie (plus exactement leur conception de la démocratie), ni l’instau- ration d’une paix civile durable n’ont été réalisés. Après l’Irak c’est le deuxième échec cui- sant d’une intervention étran- gère en vingt ans.

UNE GUERRE DE PLUSIEURSDÉCENNIES

Lancée en octobre 2001, à la suite des attentats du 11 septembre, la guerre menée en Afghanistan a rassemblé autour des USA pas moins de 38 pays, dont une bonne partie des membres de l’OTAN. Elle a compté jusqu’à 110 000 hommes sur place, et couté des centaines de milliards de dollars. C’est dire si elle n’a pas été une simple opération de «déchoukage»des talibans, chassés du pouvoir par la force en moins d’un an.

Loin de la couverture médiatique de la guerre du Vietnam cette guerre n’en a pas moins été une vraie guerre. Elle prend la suite d’une longue période de troubles ou de situations de guerre qui ont ravagé le pays depuis 1973. Chute de la royauté, coup d’Etat, insur- rections, interventions soviétique (1979-1989) puis américaine (2001-2021) ont laissé de très profondes cicatrices dans le pays et la population.

UN PAYS COMPLEXE ET FÉODAL

L’Afghanistan est surnommé «le cimetière des empires»car aucun empire, aucune nation extérieure n’a réussi à le dominer et le «paci- fier», comme on dit. Il y a des rai- sons à cela et les stratèges améri- cains, sans doute ignorants des complexités locales comme ils le sont souvent, s’y sont cassés les dents. Le pays est en effet très mon- tagneux et très peu, voire pas du tout pourvu en infrastructure de communications (route, voie fer- rées). C’est aussi un pays extrême- ment complexe sur le plan culturel. Il y a pas moins de 40 langues, dont deux officielles le pachtoune et le dari (une variante du farsi iranien), de nombreuses ethnies dont les deux principales les tadjiks et les pachtounes qui ne correspondent pas aux définitions nationales.

Les pachtounes, par exemple, qui sont présents en Afghanistan et au nord du Pakistan (dans les zones dites «tribales») se définissent comme pachtounes et non comme Afghans (ou Pakistanais). Pour eux la frontière afghane n’a pas grand sens. Pour rajouter à cette com- plexité humaine, le pouvoir central à Kaboul, est très faible face aux diffé- rents potentats locaux qui se trans- forment, selon les circonstances, en vrais «seigneurs de la guerre». Les leaders des insurrections sont à la fois des chefs de guerre et des chefs ethniques. Massoud était tadjik, le mollah Omar pachtoune.UNE LEÇON TOUJOURSACTUELLE

La fin de la présence américaine, et la débâcle qu’elle traduit donne une impression de déjà-vu. Comme au Vietnam, où les forces sud-vietna- miennes ont été mises en déroute en quelques mois par l’armée nord- vietnamienne, les forces gouverne- mentales afghanes sont en train de s’effondrer. Signe hautement révé- lateur le gouvernement de Kaboul n’a même pas fait partie des négo- ciations entre Américains et tali- bans pour mettre fin au conflit.

C’est dire si les Américains les tien- nent en estime. En réalité le méca- nisme est toujours le même, au Vietnam ou Afghanistan et ailleurs : une intervention extérieure contre un pays mobilisé ne tient jamais.

Cela est une leçon historique que par exemple la révolution haïtienne, voire même leur propre guerre d’in- dépendance aurait pu leur ensei- gner, mais les Américains, avec l’ar- rogance qui caractérise les empires, continue de croire, avec bonne conscience, à une sorte de mission universelle.LA NOUVELLE DONNEDES MOUVEMENTS DU TIERS-MONDE

Il y a toutefois une nouvelle donne dans les mouvements de libération du tiers monde qui semble se confirmer. Là où au Vietnam, mais aussi en Palestine ou ailleurs, en Angola, en Afrique du Sud, les mou- vements de libération étaient laïcs et avaient souvent une pensée marxiste, on voit, dans les pays du sud, de plus en plus de mouve- ments avoir des fondements reli- gieux. Les talibans, mais aussi ail- leurs le Hamas ou le Hezbollah, voire même les mouvements ira- kiens, sont au départ des mouve- ments religieux.

S’agit-il d’une évolution de fond ou d’une conséquence de la perte d’influence mondiale des mouve- ments d’inspiration marxiste ? Les exactions des uns et des autres et les politiques réaction- naires et obscurantistes mises en place ne plaident pas en faveur de cette évolution qui est inquié- tante. Les Communistes quant à eux ne peuvent admettre que les droits humains et la culture soient perdants dans un mouve- ment de libération nationale. Ils continuent à soutenir les droits du peuple afghans pour la justice, l’égalité et la paix au-delà du départ des Américains.