Lettre de Michel Branchi, rédacteur en chef du journal «Justice» au directeur du journal «L"Humanité»
Cher camarade,
Quelle n’a pas été notre surprise de lire dans l’édition de l’Humanité du mardi 29 juin 2021 consacrée aux résultats des élections territoriales du 27 juin dans les pays dits d’outre- mer sous le titre “En outre-mer, la gauche fait basculer trois régions”. Victoire pour la communiste Huguette Bello à La Réunion, le député GDR Gabriel Serville en Guyane et le progressiste Serge Letchimy en Martinique”.
Le commentaire suivant : “La Martinique bascule également à gauche, avec Serge Letchimy. Le président du Parti progressiste martiniquais, fondé par Aimé Césaire, a récupéré son siège laissé à l’indépendantiste Alfred Marie- Jeanne, qu’il a battu dimanche avec 37,72%, contre 35,27% dans une quadrangulaire”.
Certes Serge Letchimy se reven- dique comme l’héritier d’Aimé Césaire, mais il y a bien longtemps que le Parti Progressiste Martiniquais (PPM) sous sa prési- dence a abandonné dans les faits le message anticolonialiste du fonda- teur de la négritude. Quant à Aimé Césaire lui-même, il a démissionné du Parti communiste français en 1956 et a combattu sans relâche les communistes martiniquais qui se sont constitués en Parti commu- niste martiniquais en 1957. Le Rassemblement dirigé par Serge Letchimy pour le récent scrutin inclut des éléments de la droite la plus traditionnelle et des macro- nistes bon teint.
Dire qu’avec lui la Martinique “bascule à gauche” est largement un abus de langage. D’autant que le clivage politique en Martinique ne se détermine pas seulement sur les notions habituelles de droite et de gauche, mais se par- tage sur la question fondamen- tale de l’identité martiniquaise et de la conquête d’un vrai pouvoir politique martiniquais. Alfred Marie-Jeanne avait conquis la présidence du conseil exécutif de la nouvelle collectivité unique de Martinique instaurée en 2015 à la tête d’une coalition dénommée le «Gran Sanblé» comprenant plusieurs composantes anticolo- nialistes, autonomistes et indé- pendantistes dont le Parti com- muniste martiniquais (PCM) alliées à une formation de droite minoritaire. J’y représentais notre parti et occupais la fonction de président de la commission des finances à l’Assemblée de Martinique.
Pendant toute la mandature 2016/2021 la coalition «Ensemble Pour une Martinique Nouvelle» (EPNM) agrégée autour du PPM de Serge Letchimy n’a cessé, à partir des positions occupées dans les diverses institutions locales dont la capitale Fort-de-France, de prati- quer le dénigrement systématique, souvent l’obstruction, voire le sabo- tage de l’action d’Alfred Marie- Jeanne et du «Gran Sanblé».
En dépit des obstacles divers et surtout du leg par l’alliance EPNM autour du PPM d’une situation financière particulièrement déla- brée des deux ex collectivités Région et Département, le «Gran Sanblé» a assaini les finances de la nouvelle collectivité territoriale de Martinique (CTM), laisse un bilan remarquable et a fait avancer la Martinique sur les plans écono- mique, social, culturel et environ- nemental.
Pendant la crise sanitaire, la CTM a fortement contribué à maintenir le pays debout malgré l’accroisse- ment de la pauvreté. Le nouveau rassemblement de Serge Letchimy de 2021, «Allians Matinik», l’em- porte de 2,5 points des exprimés à l’issue d’une campagne d’une rare démagogie s’appuyant sur la détresse engendrée dans une large partie de la population par le sous et mal-développement spé- cifique et chronique et les inégali- tés historiques d’un pays subis- sant toujours ce qu’on appelle “les séquelles du colonialisme” aggra- vées par le choc dépressif de la crise sanitaire mondiale.
Cependant, notre Parti est ferme- ment décidé à travailler à renfor- cer l’alliance anticolonialiste du «Gran Sanblé Pou Matinik» pour qu’elle constitue une alternative d’avenir pour le peuple martini- quais. Sois assuré, cher camarade, de nos pensées fraternelles et anti-colonialistes.
Michel Branchi, conseiller territo- rial sortant, rédacteur en chef de «Justice»