Le contrat de redressement des Outre-Mer (COROM)Ka sa yé ankò ?

Vous avez bien raison de vous poser cette question, surtout si vous êtes de la génération d’en- fants des parents qui, pour vous remettre dans le droit chemin du point de vue éducation, vous balançaient cette affirmation : «En ké rèdréséw». Et point n’était besoin de vous expliquer ce qui vous attendait.

Ce n’est pas tout-à-fait cela, mais presque, ne serait-ce que par la signification de ce verbe «redres- ser». Le COROM est en effet une disposition visant à sortir du gouffre financier, certaines communes des Outre-Mer, à cause de leur gestion qualifiée de «mauvaise», durant des décennies, par la Chambre régio- nale des comptes et qui n’a pas pu être rectifiée, même après la mise sous telle du préfet.

Et la Guadeloupe, colonie à statut départemental, faisant partie de l’ensemble Outre-Mer, ne saurait avoir la fierté de figurer dans ce classement que nous pourrions qualifier «Zone de redressement prioritaire (ZRP)», avec ces nom- breux élus identifiés «mauvais gestionnaires».

Nous savons néanmoins quelles en sont les différentes causes, à charge et à décharge. Certes, elles décou- lent de différentes mesures sociales prises par des municipalités pour venir en aide socialement à leurs administrés, des charges laissées à leur compte par l’Etat par diffé- rentes législations de désengage- ment de celui-ci, de la baisse démo- graphique, de la migration à l’in- terne et à l’externe de leur popula- tion, impactant considérablement les charges incompressibles, des exigences plus ou moins légitimes des administrés qui veulent avoir tout et tout de suite, sans égard souvent à un environnement qu’ils polluent en toute irresponsabilité et qu’il faut constamment nettoyer.

Mais ces causes, il ne faut pas le cacher, relèvent aussi d’une poli- tique électoraliste ayant entraîné très souvent dans les arcanes des détournements de fonds publics, de malversations, de conflits d’inté- rêt, de népotisme. C’est vrai aussi que des chefs d’édilité, non à l’ori- gine de ces dérapages, sont parve- nus à remettre le bateau communal sur le bon cap, à la grande satisfac- tion des autorités de contrôle. La commune de Port-Louis, pour ne citer que celle-ci, dans le Nord Grande-Terre, dirigée par l’équipe progressiste conduite par Victor Arthein, durant une mandature, est un bel exemple. Alors, quid aujourd’hui du COROM ?PRODUIT DE LA RÉFLEXION DE DEUX PARLEMENTAIRES

Il a été initié par le député Jean- René Cazeneuve, président de la Déléga-tion aux collectivités terri- toriales et à la décentralisation de l"Assemblée nationale, et le séna- teur Georges Patient, vice-prési- dent du Sénat, en décembre 2019, dont l’une des recommandations du rapport était la mise en oeuvre de contrats d’accompagnement spécifiques, pour accompagner les communes ultramarines faisant face à des difficultés financières.

La phase expérimentale a été signée le 15 février 2021, par les ministres Sébastien Lecornu (Ou- tre-Mer), Jacqueline Gourault (Co- hésion des territoires et des rela- tions avec les collectivités territo- riales) et Bruno Le Maire (Econo- mie, Finances, Relance). Ces minis- tres tablent, dans une circulaire publiée, sur «une mise en oeuvre effective, au premier semestre 2021»de ces contrats censés s’étendre sur trois ans, à raison d’au moins une commune par département et région d’Outre-Mer, dans la limite de trois. Le montant total est de 30 millions d’euros dans l’enve- loppe budgétaire de la loi de finances pour 2021.

«L’objectif est de débuter avec un panel d’une dizaine de communes en 2021 au maximum».Si ces condi- tions n’étaient pas fixées, on aurait pu légitimement penser que les 32 communes de la Guadeloupe ren- treraient dans ce cadre de soutien financier, tout en se rappelant que plusieurs communes n’ont pas su ou n’ont pas pu tirer profit du dispositif «COCARDE» (Contrats d"objectif communal d"aide à la restructura- tion et au développement) dont elles ont bénéficié à partir de 2004. L’exemple de la commune de Saint- Louis de Marie-Galante, actuelle- ment en «perdition financière et budgétaire», avec l’ex-équipe conduite par le maire Jacques Cornano, est un exemple flagrant.RETROUVER L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Aux termes de la circulaire ministé- rielle, la signature d"un contrat d"ac- compagnement est, «subordonnée à l’établissement d’un diagnostic partagé sur l’état des dépenses et des recettes sur l’exercice en cours et s’inscrit dans une prospective à trois ans». La commune pourra bénéfi- cier de l’appui technique de l ’Agence française de développe- ment (AFD) et le montant de la fac- ture sera supporté par l’État.

Il va de soi que, «les engagements de la commune seront définis dans le contrat avec un suivi régulier de leur exécution»aux niveaux, national, par le ministre des Outre-Mer et local, par le préfet, représentant de l’État. L’objectif final étant de retrouver l’équilibre financier pour permettre à ces communes d’être sur la voie d’une gestion orthodoxe. Trois communes de Guadeloupe, sur neuf de l’Outre-Mer, ont été r etenues, après actes de candida- tures en 2020, pour bénéficier de ce dispositif : Pointe-à-Pitre, S aint-François, Basse-Terre. Cette dernière a contractualisé le 22 juillet 2021, par sa signature, pour un montant de 800 000 €. Les deux autres devraient suivre.

Notons qu’à cette date, deux autres communes de l’Outre-Mer ont signé ce contrat : Cayenne en Guyane (800 000 €), le 27 mai 2021, Saint-Benoît à La Réunion (840 000€) le 12 juillet 2021. Le montant alloué, variable en fonc- tion de l’état de la commune pourra s’avérer, dans certains cas, une goutte d’eau d’aide, pour remplir le g ouffre financier. On peut tout sim- plement dire : «mieux vaut ça que rien», en attendant que l’Etat fran- ç ais assume toutes ses responsabili- tés, en matière de réparation, concernant tous les pans de l’écono- mie guadeloupéenne, eu égard aux richesses que lui ont values la colo- nisation. Cependant, le compter sur soi, avant tout, pour devenir et s’af- firmer Etat-nation, passe avant tout, au prix du travail, des efforts et, bien sûr, de sacrifices.