Privatisation de l’espace ?

Le lancement récent de deux vaisseaux spatiaux pour une courte incursion dans l’espace avec des passagers payants a fait la une des médias. Ce n’est pas tant la prouesse technique qui a fait parler d’elle mais le fait que ce soient deux sociétés pri- vées qui en ont assuré la réalisa- tion, Virgin de Richard Branson, et Blue Origine de Jeff Bezos.

UN TOURISME SPATIALSCANDALEUX

A l’heure où la planète a bien d’au- tres soucis, dépenser des millions de dollars pour quelques minutes en pesanteur a quelque chose de pro- fondément indécent. Par «d’autres soucis», il ne faut pas entendre la pandémie qui frappe le monde, et spécialement les pays ne disposant pas d’une infrastructure médicale. Non, il s’agit du climat, dont le dérè- glement est de plus en plus préoc- cupant. Qu’il s’agisse des inonda- tions catastrophiques en Asie (Chine, Inde), mais aussi en Europe (Allemagne, Belgique), des incen- dies en Amérique du Nord (USA, Canada), des tempêtes de sables en Chine ou des zones qui devien- nent progressivement inhabita- bles, la crise climatique s’amplifie. Dans ce contexte, faire fonction- ner une fusée qui va produire en quelques minutes une quantité de CO 2 très importante, est un sym- bole de plus de ces élites qui pen- sent «après moi le déluge».PRIVATISATION DEL’INDUSTRIE SPATIALE

Mais au-delà de ce tourisme pour amuser la galerie, il y a une réalité que tout le monde connait, l’entrée de plus en plus visible du secteur privé dans le monde de l’industrie spatiale américaine. Dans les an- nées 1960 à 1990 la NASA, respon- sable du programme spatial Apollo, sous-traitait des firmes privées comme Boeing ou Mac-Donnell. Plus tard ce sont les Russes qui ont été sollicités pour emmener dans l’espace les cosmonautes améri- cains. Mais depuis peu, les fusées et les capsules requises par la NASA pour ses vols spatiaux sont entière- ment fabriquées par Space X la société du milliardaire Elon Musk. En changeant de logique, le gou- vernement américain a peut- être laissé entrer le loup dans la bergerie. Une société privée a aujourd’hui la possibilité tech- nique d’envoyer des satellites, voire des hommes,dans l’espace.UNE ÉVOLUTION INQUIÉTANTE

On peut voir, en effet, derrière cette intrusion du privé dans un domaine réservé aux Etats une évolution inquiétante. D’autant plus que le traité international de 1967 sur l’es- pace censé empêcher la colonisa- tion de l’espace par les Etats a des failles, et qu’il n’a rien prévu au sujet des sociétés commerciales.

Une autre inquiétude vient du dé- sengagement des USA qui ont indi- qué qu’ils cesseraient de financer la station spatiale internationale (ISS) en 2025, pour la confier à des socié- tés privées. Mais il y a sans doute plus grave encore, c’est le maillage de l’espace par une quantité consi- dérable de satellites pour l’usage d’internet. Depuis 2018, dans ce but, la société Stalink d’Elon Musk (encore lui !) a lancé environ 2000 satellites, ce qui représente un tiers de tous les satellites actuelle- ment en orbite. L’HISTOIRE N’EST PAS ÉCRITE

On peut penser que ce réseau privé qui prend une place crois- sante dans la vie de tous les jours, du guidage GPS des véhi- cules, aux visioconférences, à la télémédecine etc., conduit à un contrôle de plus en plus contrai- gnant sur les individus et que les libertés sont en régression. C’est sans doute en partie vrai. Mais il est non moins vrai que de très nombreux mouvements de résis- tance se sont organisés à partir des réseaux sociaux. De fait, uti- lisé dans les luttes, Internet se révèle un redoutable moyen de diffusion, insaisissable.

La mort de Georges Floyd par exemple n’aurait pas eu le retentissement mondial si Internet et les réseaux sociaux n’avaient pas existés. On vérifie là encore qu’il n’y a pas de déterminisme historique méca- nique, comme le disait déjà Marx. Les hommes gardent tou- jours la liberté de peser sur leur devenir, en utilisant si besoin est, des outils prévus pour d’au- tres usages. Tout l’engagement des Communistes repose sur ce refus de la fatalité dans l’évolu- tion des sociétés.