Covid-19Un voyage illico presto du ministre Sébastien Lecornu

Face à la catastrophe sanitaire qui frappe la Guadeloupe et la Martinique et que des voix autorisées n’hésitent pas à qualifier «d’hécatombes», le ministre des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, est arrivé en Guadeloupe le mardi 10 août 2021.

Un voyage illico presto qui devrait lui permettre, dans un temps relati- vement court, du mardi au vendredi 13 août, de faire le point de la situa- tion sanitaire sur les deux territoires en état de confinement.

Sa visite a débuté dès son arrivée par une visite du Centre hospitalier universitaire de Guadeloupe (CHUG) où les responsables et les personnels soignants lui ont fait un point de la situation qu’il ne devait certainement pas ignorer, s’il est exact que les remontées lui sont faites régulièrement, dans leurs réa- lités : insuffisance de lits dédiés aux malades atteints du covid ; insuffi- sance d’équipements et de person- nels ; manque de matériels et de produits, notamment d’oxygène. La liste serait interminable. En tout cas, peu après avoir quitté ces murs sinistrés en locaux, équipe- ments et personnels, par incendie ou politique gouvernementale, comme pour lui lancer un défi avec son renfort de 60 pompiers et 274 soignants annoncés pour une quin- zaine de jours, dont 160 pour l’ar- chipel guadeloupéen, Saint-Martin et Saint Barthélemy, cet indompta- ble variant Delta allait exiger dans la soirée, 60 autres lits pour des nou- veaux malades arrivant dans un bal- let d’ambulances des pompiers et d’entreprises privées et qui allaient s’entasser dans le hall et les couloirs des urgences, ne sachant pas à quelle heure on allait pouvoir les prendre en charge

. Le directeur, monsieur Gérard Cotellon n’a pas caché son désarroi. D’autres méde- cins ont même évoqué l’éventuelle obligation de procéder finalement à un tri parmi les malades, entre ceux qui peuvent encore voir une chance de survie et ceux qui sont sérieuse- ment menacés par une fin de vie plus ou moins proche. «Une méde- cine de guerre» a-t-on affirmé, avec beaucoup d’angoisse.

Lors de sa tournée qui s’est poursui- vie le mercredi 11 août 2021, au Centre hospitalier de Basse-Terre (CHBT), le ministre Sébastien Lecornu a été confronté aux mêmes tableaux de malades en détresse et de personnels d’enca- drement extrêmement courageux pour tenter de sauver, autant que possible, des vies humaines.

La visite du centre de vaccination au Carmel, à Basse-Terre, l’un des 13 centres de vaccination et sa partici- pation, le même jour, au comité hebdomadaire de suivi des élus pour une expertise d’éventuelles mesures supplémentaires pour ralentir la propagation du Covid-19 en Guadeloupe, lui a permis, enfin, de trouver la parade pour répondre aux questions du journaliste Jérôme Boécasse, depuis la résidence pré- fectorale à Basse-Terre.

Très habile à faire valoir la volonté du gouvernement de répondre aux besoins du pays Guadeloupe et ne pouvant nier l’évidence face aux réalités, d’entrée de jeu, le ministre affirme, comme cela se fait depuis près de 400 ans «la Guadeloupe c’est la France, la Martinique c’est la France» en ajoutant, «la solidarité nationale est au rendez-vous». Une appartenance ou intégration que le peuple guadeloupéen réfute depuis qu’il prend de plus en plus conscience de cette absurdité, que la Guadeloupe n’est ni la France, ni l ’Europe, ni aucun autre pays, mais un territoire géographiquement implanté dans la Caraïbe, un pays c ertes administré par la France, avec une histoire singulière, une communauté multiculturelle, un peuple qui prétend légitimement à réparation, eu égard à son passé c olonial et esclavagiste reconnu «crime contre l’humanité», afin de lui permettre d’assumer, à terme, sa souveraineté d’Etat associé avec d’autres Etats, y compris la France.

Nous ne transcrirons pas le jeu des questions-réponses que tous les téléspectateurs et auditeurs guadeloupéens ont entendu ou peuvent même imaginer. Parmi les explications apportées par le ministre concernant l’aggravation de la situation en cette période de vacances, c’est évidemment le taux relativement faible de la vac- cination, l’influence des réseaux sociaux diffusant des messages négatifs o

u des fake news, les manifestations des réticents à la vaccination ou des anti-vax. Sans rejeter objectivement de telles explications, avancées d’ailleurs depuis tantôt par de nombreux Guadeloupéens, qu’il nous soit permis aussi d’ajouter que tout cela était prévisible, avec tout ce que la Guadeloupe a connu et continue à connaître.

Faut-il rappeler quelques motifs qui ont généré cette perte de confiance dans le gouvernement, la méfiance vis-à-vis des scientifiques interna- tionaux, donc les réticences ou les refus à se faire vacciner ?

- Empoisonnement coupable par le chlordécone.

- Absence d’eau dans les robinets à cause de détournements de fonds sous différentes formes.

- Fermetures de postes dans dif- férentes administrations, orga- nismes ou institutions.

- Insuffisance ou absence d’équi- pements.

- Non prise en compte de l’expertise des élus guadeloupéens et autres personnalités qui connaissent bien mieux le terrain que d’autres qui sont à 7 000 km. En témoigne encore la manifestation des pom- piers guadeloupéens au cours même de la visite du ministre, sur- pris d’accueillir des collègues d’ou- tre Atlantique qu’ils n’avaient jamais demandés, selon eux, alors que leurs revendications en maté- riels, véhicules et équipements datent de longues années.

- Désengagement de l’Etat face à ses responsabilités.

- Attitude peu verticale de cer- tains dirigeants de collectivités guadeloupéennes face à des dik- tats gouvernementaux.

L’heure n’est pas, malgré tout, à la polémique qui ne pourrait qu’hy- pothéquer plus gravement la vie des Guadeloupéens. L’heure n’est pas non plus à jouer au «sachant» dans tous les domaines On ne sau- rait non plus cautionner la destruc- tion d’équipements, y compris de centres de vaccination qui peuvent rassurer les nombreux Guadeloupéens qui y croient, pour la suite de leur existence et un retour à une vie moins stressante. L’heure est certainement à plus de pédagogie, plus d’échanges, davantage de prise en compte des réalités de ce pays, pour permettre à chacun de prendre, en son âme et conscience, sa décision, sans jamais dissocier ces deux concepts : droits et devoirs, fondements du «vivre ensemble» et qui peuvent conforter cet autre concept si cher individuellement et tant revendi- qué légitimement mais galvaudé malheureusement : Liberté.