LETTRE OUVERTE A FRANÇOIS HOLLANDE, CHRISTIANE TAUBIRA ET VICTORIN LUREL

N ous avons toujours trouvé dépla- cé, mesquin, indécent, l'argu- ment de «mou», d'indécis, d'ab- sence de «qualités d'homme d'Etat» uti- lisé par le camp de la droite sarkozienne pour invalider la candidature de François Hollande à la Présidence de la République française. A notre grand regret, nous sommes bien obligés de prendre acte que François Hollande lui-même et ses conseillers «black», Christiane Taubira et Victorin Lurel viennent d'apporter du crédit à cette ligne de communication, dans le discours prononcé par le candidat à l'a - dresse de ce qu'ils appellent encore à tort « les Outremers français». Sur le fond de cette notion de race que François Hollande s'est engagé à supprimer de la Constitution française, s'il est élu Président de la République, nous vous renvoyons à l'excellent article écrit par Emmanuel Broussillon dans le journal Nouvelles Etincelles du 15 mars 2012, que d'ailleurs nous nous faisons un plaisir de vous adresser. Seulement il y a dans cette affaire, somme toute dérisoire, au regard des problèmes de fond qui détricotent la société française, les actualités de ces derniers jours viennent de soulever un petit coin du voile, quelque chose qui dérange et nous interpelle. C'est le comportement des «élites» de chez nous, de ces hommes et de ces femmes descendants de ce peuple forgé dans les abominations de la traite et de l'esclavage qualifiés fort justement de crime contre l'humanité certes, mais on peut le dire autrement sans tomber dans un racisme à l'envers, de crime contre l'homme parce que d'abord noir et différent de l'autre qui se considérait comme le seul représentant de l'espèce humaine ou tout au moins l'espèce supérieure. Car, après les déclarations de Victorin Lurel se félicitant de cette proposition «forte» de son candidat, c'est la députée Christiane Taubira qui vient vraiment nous désarçonner quand elle écrit dans un communiqué : «Bientôt finie pour de bon la race… Il y a désormais deux rai- sons de supprimer ce mot de la loi fon- damentale : son obsolescence et la salubrité publique… Ce n'est pas qu'une affaire des Outremers, mais il est bien qu'elle vienne des Outremers». Madame Taubira, Monsieur Lurel, pensez-vous vraiment, après les débats biaisés sur la traite atlantique et les bienfaits de la colonisation, le discours de Dakar de Sarkozy, la civilisation supérieure de Guéant, les politiques de pillage et de mépris imposées aux peuples dit du «sud» dont nous sommes, que cette certitude qui nourrit le racisme qui traverse les institutions et la société françaises a disparu ? La deuxième question est : En quoi la suppression du mot race de la Constitution française va prémunir les ressortissants de nos peuples présents sur le sol de France des discriminations et des violences liées à la couleur de leur peau, à leur différence de culture et de mode de vie ? Pourquoi ne pas nous accepter pour ce que nous sommes avec notre héritage historique, notre patrimoine génétique, notre culture originale, notre ancrage dans nos territoires et nous assumer avec toutes ces richesses comme partie du monde plutôt que de nous échiner à imposer à la France de briser son cadre historique pour accueillir notre diversité ? En proposant cette affaire à François Hollande vous l'engagez dans une diversion politique qui sent à plein nez un canular politicien et vous n'aidez pas vos compatriotes à emprunter le chemin de la libération politique et sociale. Mais comme vous voulez «nettoyer» la Constitution française, nous vous donnons l'opportunité de le faire. Proposez à François Hollande de s'engager publiquement, s'il est élu Président de la République, à demander la suppression de l'article 72-3 ainsi formulé «La République reconnait au sein du peuple français, les populations d'Outremer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité». En clair, de reconnaitre l'existence de ces peuples sous domination politique de la France et leur droit à choisir librement leur destin y compris à contracter de nouvelles relations constitutionnelles avec l'Etat français. Nous vous invitons également à prolonger cette démarche salutaire en demandant de gommer définitivement dans les documents et discours officiels des institutions de la République, des expressions comme : Ultramarins, Domiens, Antillais, départements français d'Amériques, Régions Ultrapériphériques, les Outremers, Français d'Outre-mer, tous les termes et expres- sions qui nient nos réalités, notre identité et nos droits de peuple. Vous pouvez garder «métropole» parce que sa répétition nous rappelle chaque jour que nous devons continuer à lutter pour décoloniser notre pays. En vous rappelant que nous sommes dans la deuxième année de la troisième décennie internationale de l'élimination du colonialisme proclamée par l'ONU, nous vous invitons tout simplement à vous réconcilier avec votre histoire et à faire le choix de vous inscrire dans le courant mondial de la lutte d'émancipation des peuples.