Le chiendent : La riposte au «mango fil ka bay bil !»
Nous n’en avons cure de cet avertissement car, le temps pro- pice à manger ces mangues déli- cieuses, en dépit de leurs fibres ou fils restant entre les dents, était bel et bien arrivé : le temps des grandes vacances, juillet, août et septembre, jusqu’au début des années 1970.
O utre ces mangues, tout contribuait à faire déborder un estomac et une vésicule biliaire en surproduction de la bile, considérée dangereuse pour la santé. Mais, il n’était point question de laisser pourrir sur le sol, man- gues, quénettes, goyaves, cajous, surettes, surèles, sapotilles, abricots et autres fruits de saison, à travers les champs non clôturés, avec le plus souvent la bienveillance des propriétaires qui se rappelaient leur enfance.
Mais septembre allait à sa fin et la rentrée d’octobre s’annonçait. Maman savait que la vésicule gon- flée de bile due surtout à la surcon- sommation de mangues «fils», allait perturber plus ou moins l’année scolaire par des nausées et des vomissements.Alors, le moment tant redouté était aussi arrivé deux semaines environ avant cette maudite rentrée sco- laire. La purge au chiendent et à l’huile de carapate faisait son oeuvre selon un protocole légué de généra- tion en génération :
- Sept jours de tisane de chiendent à raison de trois ou quatre timbales par jour. Un morceau bien consis- tant de la tige garnie de feuilles était bouilli dans de l’eau pour la seule boisson durant la journée. - Au quatrième jour de tisane, une grande cuillerée à soupe d’huile de carapate le matin au réveil, à jeun. C’est à ce moment-là que ça se cor- sait le plus car, il fallait souvent l’aide de papa, ou d’un plus grand de la fratrie, pour faire avaler cette «mèd- sin»grand-mère salutaire, versée au fond de la bouche. Les plus petits âgés de 6 à 10 ans se débattaient, serrés impitoyablement entre les jambes de l’un ou de l’autre «per- sonnel soignant». Cette quantité d’huile pouvait être diluée dans un peu de café clair, communément a ppelé «dlo café», pour atténuer le goût de ce breuvage répugnant, une fois l’an. Une pincée des narines p our obliger la déglutition, grâce à la respiration par la bouche, s’avé- rait parfois nécessaire pour les plus r écalcitrants.
L’élimination abondante, par les selles et les urines, faisait le reste durant les jours suivants, pour débarrasser l’organisme de ce surplus de bile et même des ascaris, ces longs vers de plu- sieurs centimètres qui avaient déjà trouvé leur bonheur dans ce riche pâturage intestinal. Le tour était joué. Rafraichi et redyna- misé, on était préparé pour une nouvelle année scolaire.UNE PLANTE AUX VERTUSMIRACULEUSESC ette plante herbacée, le chiendent, plutôt rampante, est un «rimèd razié», de nom scientifique :Cynodon dactylon, encore cultivée soigneusement dans les jardins, c ours ou dans des pots. Ses tisanes sont reconnues par la médecine classique. Selon l’affection à traiter, l es anciens pouvaient l’associer à d’autres plantes ayant les mêmes effets diurétiques, pour combattre, entre autres, les inflammations diverses, les ulcères de la vessie, l’in- fection des voies urinaires, les calculs ou lithiases biliaires.
Evidemment, comme pour toutes les plantes, à la suite des recherches scientifiques, la pharmacopée demande de veiller à un surdosage pour éviter des effets indésirables.
C’est la raison pour laquelle les jeunes générations acquises à la médecine académique classique n e se sont pas approprié ce Patrimoine ancestral et doivent être conseillées par ceux qui ont encore conservé cette pratique. Elles peuvent aussi consulter uti- l ement les nombreux écrits qui existent sur la phytothérapie gua- deloupéenne.
Alors, d’une manière ou d’une autre, tâchons de préparer cet aspect de la rentrée scolaire de nos chers enfants qui, n’ayant pas été familiarisés, malheureusement, avec nos produits du terroir, sont plutôt portés vers les enseignes qui les incitent depuis la nais- sance, par différents truche- ments, à consommer ce que nous appelons, la «malbouf».Vive donc la rentrée scolaire, en dépit de la pandémie !