Une journée à La Désirade en plein confinement

C ette île, de 22km 2 de super- ficie, est peu fréquentée par les Guadeloupéens eux- mêmes. Et, pourtant, elle ne se t rouve qu’à 45 minutes de bateau. Un matin, je me dirige à la gare maritime de Saint-François. Au gui- c het de la société de navettes L’Archipel je paie 35€ pour un billet aller-retour.

Je sais que nous sommes en période de confinement alors j’ai préparé les documents qui justi- fient mon déplacement. Je suis journaliste et je dispose d’une attestation de mon employeur, le magazine Les Nou-velles Etincelles. Mais, pour autant, je ne suis pas sereine lorsque je vois les gen- darmes sur le bateau. Ils me demandent le but de ma présence à bord ainsi que mon Pass sanitaire. Je sais qu’ils ne font que leur travail, faire respecter le confinement, mais j’ai comme un sentiment d’anxiété qui apparaît. Le bateau part à 8h et la traversée est calme.

Je continue à me demander com- ment nous en sommes arrivés là, à devoir justifier de chacun de nos faits et gestes

. Mais je me rassure en me disant que je vais découvrir une nouvelle île et cela me ravit.LA SUITE DES PÉRIPÉTIES

A l’arrivée au port de Beauséjour, même scénario. Les gendarmes de La Désirade sont également de la partie. Ils me redemandent les mêmes documents et me souhai- tent une bonne journée. J’espère qu’elle le sera. Je commence à peine à souffler, à profiter du grand soleil et de ce ciel sans nuage, que le loueur de vélos m’appelle. Oui, pour visiter La Désirade sur une journée, il m’a été conseillé de louer un vélo. Ce que j’ai fait pour un tarif de 15€. Malchance, le loueur s’est fait inter- peller par les gendarmes, encore eux, sur le chemin le menant au port. N’étant pas considéré comme un commerce essentiel, il n’a pas le droit de me louer de vélo et il ne veut pas risquer une amende, ce que je comprends évidemment. Je décide donc de contacter un autre ami qui a un vélo pour moi et il est électrique ! Je suis sauvée. PERSONNE À L’HORIZON

L’île n’est pas très grande alors j’es- père pouvoir faire le grand tour ! Je m’achète un pâté viande à la seule boulangerie du bourg et je longe les petites ruelles, bordées de maisons créoles. L’offre hôtelière semble intéressante, il y a des gîtes un peu partout. Mais personne à l’horizon. Je pense que je suis la seule touriste de l’île. Je pars donc à l’Est.

Je dépasse la plage Fifi, l’une des plus touristiques (hors période covid) avec de nombreux paillotes, fermées, et je pédale. Je suis plutôt tranquille car la route principale n’est pas beaucoup fréquentée en ce moment. La Désirade compte environ 1700 Désiradiens et, au- jourd’hui, au vue de la chaleur étouffante, ils sont paisiblement assis à leur terrasse. Ils me saluent et je ressens un bel accueil de leur part. Ensuite, je m’attarde à la plage du Souffleur. Je fais un petit bain dans une mer couleur émeraude.

A quelques pas de là, il y a le res- taurant «Rose Ita». Il est fermé bien sûr mais j’aperçois leur ter- rasse et elle offre une vue de dingue, panoramique sur le lagon. Je me dis que cet endroit doit être super plébiscité hors confine- ment. Je la garde en mémoire. Alors, je continue de péd

aler. Le vélo électrique me sauve la vie car il y a du dénivelé à La Désirade ! Il faut être un peu sportif. Mon coup de coeur arrivera lorsque je découvre l’anse Petite Rivière, une plage tellement mignonne. Petit hic, cette fois-ci qui n’est pas lié à la pandémie mais à un autre problème qui gangrène les plages de Guadeloupe, les sargasses. Il y en a des tonnes et des tonnes... C’est affreux, désolant et surtout très malodorant. Cette plage semble être une perle de beauté mais elle est, encore une fois, gâchée par ses algues qui échouent et pourris- sent sur les plages. C’est un fléau dont les politiques ne semblent pas se soucier mais qui est, selon moi, très alarmant… D’ailleurs, sur la plage Fanfan, à l’Ouest de l’île, des tracteurs passeront leur journée à ramasser ces déchets naturels de mer. Allez, je ne me laisse pas abattre.DES POINTS DE VUEÉPOUSTOUFLANTS

J’arrive au bout de l’île et j’emprunte le sentier de la Pointe Doublé. Je croise des iguanes, à la peau mar- ronnée, couleur de la terre sèche et aride de cette partie de l’île. C’est un paysage complètement différent. Le littoral est sauvage, presque désertique. La végétation est pau- vre car, à La Désirade, il ne pleut pas beaucoup. Au bout, j’aperçois le phare et l’ancienne station de météorologie. Ici, le vent est frais. J’ai la sensation d’être seule au monde et j’oublie un instant tous les tracas de cette journée.

D’ailleurs, après cette épopée, je recherche à me désaltérer. Mais, sur l’île, entre midi et 15 heures, impos- sible de trouver une supérette ouverte ! Covid ou pas covid ! Je ren- contre une restauratrice qui plie boutique. Elle m’offre gentiment une boisson fraîche et me confie q u’elle a décidé, à contre coeur, de fermer son établissement jusqu’au mois d’octobre. Encore les dégâts d e cette crise.

Bon, il y a un dernier point de vue que je souhaite voir ; la Chapelle de Notre Dame du Calvaire. Elle s e situe à 200 mètres d’altitude à flanc de colline alors j’ai intérêt de ne pas perdre de temps car le bateau repart à 16h. En effet, la pente est raide. Mais quel specta- cle ! De là haut, je vois la Pointe des Châteaux. Je me sens dépay- sée et loin de chez moi, et pour- tant, je ne suis qu’à quelques kilo- mètres de la Guadeloupe.

J’aperçois également ces immen- ses nappes de sargasses, encore elles… Bref, je me dis que j’ai de la chance de pouvoir côtoyer de tels paysages et que la suite de la décou- verte de l’archipel me réserve de belles surprises.