Haïti : Une fois de plus frappé par le malheur !

Au lendemain du séisme en date du 14 août dernier, on peut tout entendre sur ce pays, lequel coup sur coup connait depuis son indépendance une situation qui fait de Haïti l’un des pays le plus pauvre dans le monde. Pour certains, c’est un sort qui a été jeté au pays. Pour d’au- tres, c’est une punition organi- sée et voulue pour avoir osé défier des grandes puissances en l’occurrence la France en obtenant par la lutte son indé- pendance en 1804.

MAIS EN RÉALITÉ, QU’EN EST-IL VRAIMENT ? COMMENT EXPLI- QUER TOUTES LES CATAS- TROPHES QUI SE SONT SUCCÉ- DÉES DANS LE PAYS ?

Pour rester dans la rationalité, la situation de Haïti est la consé- quence d’une combinaison de fac- teurs. Ces facteurs pour la plupart ne sont pas liés à une quelconque attitude, comportement ou action de la population haïtienne. Nous relatons dans cet article quelques facteurs qui selon nous expliquent le désastre haïtien.HAITI SUBIT LE POIDS DE L’HISTOIRE

Tout d’abord, il faut savoir que la France a pris des mains des colons espagnols dans les années 1600 ce pays pour y installer des Africains réduits en esclavage. La révolte de ces derniers a permis à ce territoire d’acquérir son indépendance. Nous étions en 1804. Haïti est née dans le sang, dans une terre dévastée avec des plantations et des fabriques entièrement détruites. Une indé- pendance qui anéantissait tout développement du pays car il a fallu payer une rançon imposée par la France en 1825 pour «autoriser» la reconnaissance de Haïti par les autres puissances et dédommager les anciens colons français ; ce qui a contraint la jeune nation à contrac- ter des dettes colossales.

Mais il faut aussi savoir qu’un autre frein a empêché le développement du pays : l’occupation des Etats-Unis de 1914 à 1934 afin de protéger les intérêts économiques américains en contrôlant non seulement les douanes et les finances mais égale- ment toute expression qui pourrait contrarier les affaires américaines.HAITI SUBIT UN CONTEXTE GEOGRAPHIE DEFAVORABLE

L’emplacement géographique du pays y est pour beaucoup dans ces différentes et nombreuses catastrophes naturelles.

C’est la route des failles sismiques car il se trouve à la jonction de diffé- rentes plaques tectoniques, par conséquent les tremblements de terre y sont donc plus probables. Pour rappel, des villes entières avaient été détruites en particulier en 1751 et 1770. Et plus récem- ment, en 2010, plus de 230 000 Haïtiens décédaient suite au séisme de magnitude 7,2 dont l’épicentre était situé dans la capitale Port-au- Prince (plus de 220 000 blessés). En 2018, environ 20 morts suite à un séisme d’intensité moins impor- tante. Et enfin, plus de 2200 morts dans ce séisme du 14 août 2021 qui a frappé le sud-est du pays.

Mais c’est aussi la route des oura- gans. Ils sont très nombreux à avoir créé la désolation dans le pays au niveau humain et au niveau écono- mique. Pour ne pas aller trop loin dans l’histoire, l’année 2004 fut par- ticulièrement désastreuse avec près de 8000 morts entre mai et sep- tembre. Et 4 ans plus tard en 2008, ce fut 4 ouragans qui frappaient le pays. Le dernier ouragan meurtrier date de 2016, l’ouragan Matthews, avec ses vents dépassant 230 km/h, ravageant le Sud-Ouest de l"île et faisant plus de 500 morts et 400 blessés.

Il faut dire que les causes de ces pertes humaines viennent princi- palement, des constructions ne respectant pas les normes antisis- miques ou encore d’un béton de mauvaise qualité d’où l’incompré- hension de la population sur l’in- capacité ou la mauvaise volonté du gouvernement haïtien d’enca- drer l’industrie de la construction et sur l’absence de normes gou- vernementales.HAITI SUBIT LE RAVAGE DES DESASTRES SANITAIRES

Au vu d’une réalité socio-écono- mique et d’un système de santé publique défaillants, Haïti n’est jamais à l’abri d’une catastrophe sanitaire. Certaines maladies ont provoqué de nombreux ravages dans le pays, des pertes consé- quentes de vie humaine.

Rappelons-nous du Sida qui faisait des ravages dans le pays dès le début des années 1980. Malgré tous les efforts réalisés, une estima- tion d’environ 3000 personnes parmi celles qui sont détectées, décèderaient de cette maladie en 2020, 40 ans plus tard !

Et ce n’est pas tout. Après le trem- blement de terre de 2010, le pays a é té frappé par une épidémie de choléra considérée comme la plus grave épidémie de choléra depuis le début du XX ème siècle. En août 2016, l"épidémie avait causé au total près de 10 000 décès. Devant cette situation tragique, le Secrétaire général de l"ONU a prononcé un discours où il a reconnu officielle- ment le rôle qu"ont joué les Nations Unies dans l"épidémie de choléra qui a ravagé le pays. Nous étions en décembre 2016, six ans après le début de l’épidémie !

Et maintenant, le coronavirus sur laquelle toute l’attention est por- tée dans une situation d’un pays où l’accès aux soins n’est pas opti- mal. Pour rappel, il y a eu 20 719 cas de contamination et 583 décès liés au coronavirus recensés dans le pays depuis le début de l’épidémie. Si, dans un premier temps, l’épidémie a semblé l’épar- gner, le nombre de cas a aug- menté de manière continue et rapide depuis le mois de mai der- n ier. Au moment où une intensifi- cation de l’aide d’urgence en m atière de lutte contre ce virus a été mise en place, le séisme vient compliquer la situation.

HAITI SUBIT LES CONSEQUENCES D ’UNE INSTABILITE POLTIQUE

Le pays est miné de l’intérieur par une mauvaise gouvernance, par la corruption, par la dictature autre- fois. Mais miné aussi de l’extérieur par l’ingérence de certaines puis- sances, tout est fait pour montrer au monde entier l’incapacité d’an- ciens esclaves noirs de construire une nation.

Comment dans ce contexte poli- tique incertain, contrôlé, cor- rompu, mettre en place des poli- tiques publiques et de gestion des catastrophes naturelles à la hau- teur des besoins et attentes de la population ?

D’autre part, quant à l’aide impor- tante apportée sur place par de nombreuses organisations non gouvernementales et l’aide interna- t ionale, plusieurs sources indiquent un résultat vraiment mitigé.

C omment optimiser ces aides conséquentes sans un Etat capable de réguler et contrôler sérieuse- m ent et dans l’intérêt général ?

Au lendemain de ce séisme du 14 août 2121, la crainte est bien pré- sente : comment éviter les détournements au vu des incom- pétences, des gourmandises et des inadvertances ?

L’assassinat du Président Jovenel Moïse en juillet dernier complique davantage la situation politique du pays. Dans cette crise économique, politique, financière, écologique et humanitaire, les Haïtiens trouve- ront-ils encore cette force qui les habite pour se relever ?

La réponse est sans doute oui car inlassablement ils aiment à se le répéter : «Si le soleil se lève, Haïti se relèvera !». Cependant, pour nous autres, rédacteurs de cet article, nous pensons que l’échec de Haïti, c’est d’abord et surtout l’échec du monde !