Analyses des élections à Saint-Martin/Saint-Barthélemy

Pour bien appréhender les résultats de ces élections, Nouvelles Etincelles a fait appel au politologue Georges Calixte qui nous définit d'entrée de jeu,le contexte dans lequel se sont déroulées ces élections.

Georges Calixte : S'agissant du cadre juridico-politique, il était intéressant de voir quelles ont été les incidences sur le plan économique, politique et social du passage de l'article 73 à l'article 74 de la Constitution. C'est dire que depuis la loi organique du 21 février 2007, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne sont plus régis par l'article 73 de la Constitution française, les lois ne s'appliquent pas automatiquement chez eux. Ils sont régis par l'article 74, c'est-à-dire que les lois sont votées par le Parlement français mais elles ne s'appli - quent que s'il y a une mention spéciale qui précise le contenu de la loi pour Saint Martin et Saint- Barthélemy. C'est la raison pour laquelle on dit que l'article 74 est l'article de la spécialité législative.

N.E : Ont-ils perdu certains acquis en changeant de statut ? G.C :La réponse c'est Non. Aucun acquis social n'a été remis en cause. Tous les minima-sociaux, tous les acquis sociaux qu'ils avaient lorsqu'ils étaient administrés par l'article 73 de la Constitution, on les retrouve à l'identique avec l'article 74

. Sur le plan politique, les Institutions fonctionnent correctement. Ce qui fait craindre parfois toute évolution institutionnelle à fortiori statutaire, c'est le fait qu'il puisse avoir une Assemblée, un Conseil territorial avec à sa tête un seul homme. On constate qu'à Saint-Martin comme à Saint-Barthélémy, le fait qu'il puisse avoir un Président du Conseil territorial et un Exécutif dans le cadre de ce même Conseil territorial a entraîné un équilibre des pouvoirs qui fait que la démocratie politique s'exprime correctement. Enfin, sur le plan économique, l'accès à l'article 74 a conféré de nombreuses prérogatives à Saint- Martin et à Saint-Barthélemy en particulier dans le domaine de lafiscalité. Lorsqu'on réside depuis cinq ans et que le foyer fiscal est installé depuis cinq ans à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy , ce n'est plus l'Etat qui récolte le contenu des impôts mais ce sont ces deux collectivités territoriales. Celui qui réside depuis moins de cinq ans dans ces territoires continu à être régi sur le plan fiscal par le droit commun, c'est-à-dire qu'il conti - nuera à payer ses impôts.

N.E : Comment analysez-vous les résultats des élections du 18 mars ? G.C :Il y a trois enseignements à tirer. Tout d'abord, parmi toutes les tendances et les principales listes, aucune n'a remis en cause l'accès à l'article 74 de la Constitution. Cela veut dire qu'en terme de gouvernance, c'est une avancée que les acteurs locaux reconnaissent et ne remettent pas en cause. Ensuite, il y avait plusieurs listes en com- pétition et que nous avons l'habi- tude à des élections classiques, de voir lorsqu'il y a plusieurs listes, les électeurs attendre le deuxième tour de manière à avoir plus de visibilité. Cependant, on a constaté que dès le premier tour, il y a neuf points en plus que par rapport à 2007, année du vote des premières élections territoria - les. On se rend donc compte que le taux de participation est plus important à ces élections. C'est la raison pour laquelle, j'é- mets l'hypothèse que l'évolution qui consiste à donner plus de pouvoir local, contrairement à ce que l'on pense, n'aboutit pas à démotiver l'électeur mais au contraire, l'incite à une pa

rticipation beaucoup plus importante, d'où un fort taux de participation dès le 1er tour . En tout cas, neuf fois supérieures à celui qu'on a connu lors des premières élec- tions territoriales où la population qui s'était prononcée était quand même dans une situation de spectative. La troisième conclusion qu'on peut tirer sur le plan politique, c'est que autant àSaint-Barthélemy , il y a une situation socio-économique qui est stable voire même envieuse, parce que je rappel - le qu'à Saint-Barthélemy, il n'y a pas de paiement sur l'impôt sur le revenu pour ceux qui ont plus de cinq ans. Il n'y a pas d'impôt sur les sociétés. Le produit intérieur brut par habitant est assez proche de celui de la «métropole». Donc, c'est vrai que c'est un espace où les dirigeants ayant pris en main la gouvernance, le contexte du territoire loin de se dégrader au contraire sur le plan économique s'est amélioré. Alors c'est vrai que le problème est différent à Saint-Martin lequel bénéficiait d'une certaine recette fiscale, l'Octroi de Mer, alors que sur les produits qui rentraient à Saint-Martin, il ne levait pas l'Octroi de Mer. C'est-à-dire qu'en fait, les produits qui étaient sur - tout importés à la Guadeloupe étaient taxés par l'Octroi de Mer et une partie de cet Octroi de Mer était attribuée à Saint-Martin. Cela veut donc dire qu'il y a un manque à gagner de 12 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Il a fallu que la liste arrivée en tête lors des élections de 2007, mette en place un système fiscal qui permet de pouvoir compenser ces 12 millions d'euros. La mise en place du système fiscal a amené les Saint-Martinois à payer donc des impôts qu'ils n'avaient pas l'habi- tude de payer. Je rappelle d'ailleurs, que s'agissant de Saint- Martin, le Conseil territorial a maintenu l'impôt sur le revenu alors que ce n'est pas le cas à Saint- Barthélemy. Je suppose que cet aspect paradisiaque de la fiscalité qui avait poussé dès 2003 à l'arti- cle 74 pour bénéficier de l'autono- mie fiscale pour faire rentrer un certain nombre de recette, a été remis en cause par la force des choses. D'ailleurs c'était la position de l'équipe de Louis-Constant Fléming au départ et que cette remise en cause, cette nécessité de pouvoir trouver d'autres recettes a amené tout simplement la popu - lation à un certain mécontente- ment. D'autre part, il y eu au sein même du Conseil territorial un certain nombre de soubresauts qui a entraîné certaines inéligibilités pendant un temps et tous ces éléments ont fait que la population a préféré une alternance en tout cas pour l'instant. Trois listes sont en compétition. Il y a toujours possibilité de par la loi du 21 février 2007 à ce que les listes qui ont eu plus de 5%, qu'on puisse voir des noms figurer sur les listes en compétition, celles qui ont eu plus de 10%. Donc, il y a cette possibilité de fusion dans un deuxième temps. Manifestement, en plaçant la liste qui était en tête de gouvernance en troisième position, les Saint-Martinois ont manife sté une volonté de changement.