Covid-19 : La crise sanitaire a accentué les inégalités et la misère en France
Un frère et une soeur, âgés respectivement de 65 et 54 ans, avaient été retrouvés morts dans leur domicile à Lens (Pas-de-Calais), au début du mois de mai 2021, après avoir cessé de se nourrir à cause du surendette- ment et de crédits à la consomma- tion. Cette situation n’est pas si marginale, selon le baromètre annuel de l"organisation Secours Populaire qui affirme que «la préca- rité touche cette année de nouvelles catégories de la population fran- çaise». En effet, selon ce rapport publié le 9 septembre, «le nombre de Français qui éprouvent des diffi- cultés à financer le loyer, l"alimenta- tion et autres dépenses du quotidien, a fortement augmenté du fait de la crise sanitaire».
Depuis 15 ans, Secours Populaire réalise une enquête auprès de la population pour suivre l’évolution de la pauvreté en France. L"édition de cette enquête, réalisée sur 1000 personnes âgées de plus de 16 ans par l’Institut Ipsos pour le compte de l’ONG, montre une catastrophe sociale de plus en plus importante ces deux dernières années, notam- ment à la crise sanitaire.
Cette étude, réalisée par l"institut Ipsos «montre une fragilisation sociale encore plus importante». En effet, les conséquences de deux ans de crise sanitaire ont plongé de nouvelles catégories sociales dans la pauvreté.
«Si la crise n’a pas occasionné un basculement d’ensemble de la société, elle a fragilisé, sans doute durablement, nombre de ses com- posantes. Au-delà des personnes déjà fragilisées par leur position pré- caire, salariées ou indépendantes, la ‘‘déstabilisation des stables’’ aura en toute probabilité lieu, mais de manière différée», dissèque le sociologue Nicolas Duvoux, dans le rapport qu’il a coordonné.• Pauvreté dans l’entourage
Ce qui frappe en premier dans cette étude, «c’est qu’un Français sur deux connaît au moins une personne dans son entourage, familial ou amical, confrontée à la pauvreté». En effet, des sondés affirment avoir «dans [leur], au moins une personne aux prises avec la pau- vreté». Le plus surprenant encore, c’est que cette pauvreté ne prend pas seulement forme avec des pro- blèmes financiers, mais aussi «par privation matérielle et sociale».
Cette idée est d’ailleurs confirmée par l’Institut national de la statis- tique et des études économiques (Insee) qui avait révélé que la pau- vreté touchait 21% des Français au mois de septembre 2021. Ainsi, d’après l’étude réalisée par l’Ipsos, «près d’un tiers de la popu- lation (32%) rencontre désormais des difficultés pour payer son loyer, son emprunt immobilier ou ses charges liées au logement, soit une augmentation de 7 points rapport à l’année dernière».
En matière de santé, ils sont 29% à avoir du mal à disposer d’une mutuelle santé (+8 points). Résultat : plus du tiers (36%) des Français est toujours embarrassé pour payer les actes médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale, affirme encore le Secours Populaire qui se base sur cette étude.• Des étudiants dans la tourmente
En réalité, la pauvreté touche toutes les classes de la société. Faut-il rappeler ces images de files d’attente de centaines d’étudiants devant des associa- tions qui distribuaient des aides alimentaires ?
En plus des étudiants, «dès 2020, la longueur des files aux distribu- tions alimentaires des associations avait mis en lumière l’incapacité pour une grande partie de la popu- lation de s’alimenter», affirme encore le rapport.
D’ailleurs, l"Agence Anadolu avait également relayé à plusieurs reprises les campagnes d’aides aux nourritures de plusieurs mos- quées dans toute la France. En outre, l’enquête montre qu’au niveau de l’alimentation, la situa- tion s’aggrave aussi. Ainsi, «32% des sondés ne peuvent pas consommer des fruits et des légumes frais tous les jours (+3 points et +5 points par rapport à 2018) et 30% sont dans l’impossi- bilité de se procurer une alimenta- tion saine en quantité suffisante pour faire trois repas par jour (+7 points)», explique encore l’étude.
C ette incapacité, à ne pas s’ali- menter correctement se constate également sur la quantité de nourriture, puisque «27% d’entre eux diminuent la quantité (+2 p oints) et désormais, un Français sur cinq est même obligé de sauter des repas (+6 points), en particu- l ier les jeunes (34% des moins de 35 ans)». Pour faire face à cela, le gouvernement avait décidé d’of- frir aux étudiants en situation pré- caire des repas à 1 euro par jour.
La situation est encore plus grave pour les jeunes vivant dans un foyer à moins de 1200 euros, soit en dessous du seuil de la pau- vreté. En effet, en plus de la nour- riture et de la santé, ils sont téta- nisés à l’idée de devoir faire des achats imprévus. Ainsi, «65% d’entre eux craignent d’avoir à remplacer des lunettes, un ordina- teur à réparer ou de perdre son s martphone. De plus, 64% ne savent plus sur quelles dépenses faire des compromis, car ils ont déjà tout réduit».
• Des solutions restent possibles
Si les adultes sont très touchées, l es enfants ne sont pas, non plus, épargnés. Même si selon l’étude de Secours Populaire, «64% des parents se privent de nourriture pour la donner à [leurs] enfants», ils restent quand même fragilisés. C’est à ce titre que cette année la ville de (région parisienne), consi- dérée comme la ville la plus pauvre de France avec de sa population qui vit du seuil de la pauvreté selon l’Observatoire des Inégalités, a décidé d’offrir gratuitement le petit-déjeuner à tous les enfants de la maternelle. Certes, cela ne suffit pas à enrayer la pauvreté, mais c’est un début, surtout quand cela concerne le développe- ment des enfants en âge bas.• Les riches toujours plus riches
P aradoxalement, alors que les pau- vres s’appauvrissent de plus en plus, les très riches, eux, continuent de s"enrichir. En effet, «le niveau de vie médian (la moitié des Français v ivant avec moins et l’autre moitié avec plus) a progressé de façon modérée entre 2015 et 2018, pas- sant de 20 500 euros annuels à 21 600 euros, soit une hausse de 1 100 euros», explique l’Observatoire des inégalités dans un rapport datant du 10 septembre courant.
En même temps, «le niveau de vie des 1% les plus riches, a augmenté de 6 350 euros en trois ans, tandis que celui des 0,1% de 32 000 euros, et enfin celui des 0,01% a explosé à plus de 192 000 euros ! Soit 13 fois le Smic».