Bras de fer entre les décideurs politiques et les artistes en résistance au Centre des Arts de Pointe-à-Pitre

Voilà douze bonnes années que le Centre des Arts et de la Culture de Pointe-à-Pitre est en rénovation. Douze ans aussi que le monde de la culture est en souffrance, désappointé et désorienté.

Ne voyant toujours rien venir comme soeur Anne, avec l’appui et la détermination d’une organisation politique, les artistes guadeloupéens se sont installés symboliquement au rez-de-chaussée du Centre des Arts.

Sur le coup, cette squattérisation a fait réagir le président de Cap Excellence qui a laissé entrevoir que le chantier allait être relancé de plus belle.

Cela va faire plus de trois mois que les «awtis an rézitans» ont pris pos- session des lieux. Durant la pre- mière semaine de leur occupation des lieux, l’électricité a été coupée, ensuite, ce fut le cas de l’eau potable et pour couronner le tout, les sani- settes «Algéco» ont été enlevées. Ces mesures de rétorsion sans concertation n’ont pas eu l’effet escompté et ont plutôt renforcé l’ardeur des militants qui vivent de l’art culturel et artistique.

Pour Joël Nankin, artiste peintre professionnel, interrogé sur place, il déplore le manque de salle pour l’exposition de toiles. Il reproche aux élus guadeloupéens leur manque de vision, de projection pouvant per- mettre au peuple guadeloupéen de se construire

. Joël Nankin aspire à ce que la Guadeloupe soit dotée d’ou- tils et d’éléments pour que l’indus- trie culturel puisse apporter un plus à la Guadeloupe.

L’artiste-peintre amer, invite nos décideurs politiques en charge de la culture à prendre l’attache d’autres pays qui ont déjà une longueur d’avance en la matière. Il considère que cette situation découle d’une méconnaissance flagrante de l’élu en charge de la culture, qui lui est un politique. En d’autres termes, les bonnes personnes ne sont pas aux bonnes places. Il dénonce le fait que certaines personnes passent leur temps à se déresponsabiliser, à cacher leurs insuffisances en poin- tant du doigt l’Etat français sans jamais se remettre en cause.

L’artiste-peintre a encore la nos- talgie de sa jeunesse, quand les enfants fréquentaient assidûment le Centre des Arts quel que soit le niveau des bourses et dans toutes les disciplines (peintre, musique, danse, théâtre…). Grâce aux bases qu’ils ont acquises, beau- coup d’entre eux brillent actuelle- ment à l’internationale. L’artiste s’interroge sur le vide laissé par l’absence de cette structure. Il regrette qu’il n’y ait pas «une parole guadeloupéenne».

La culture est une parente pauvre de la société guadeloupéenne puisque c’est un des secteurs qui reçoit le moins d’aide d’après les témoignages recueillis. Dans le cas de Joël Nankin, il a décidé de ne rien demander comme aide et compte uniquement sur sa santé et son acti- vité pour s’en tirer.

Pour la chanteuse Florence Naprix, le Centre des Arts a du potentiel et précise que leur installation est plu- tôt symbolique pour montrer com- ment les élus perçoivent la culture. Elle a le sentiment que la culture est considérée comme «un rien» et que c’est le dernier de leur souci.

Elle déplore que pour bénéficier d’une aide, qu’il faut être dans le réseau du «moun à moun». Elle par- tage l’idée qu’il n’y a pas de vision politique pour la culture.

Les «awtis an rézistans» appellent de leurs voeux, la création d’une ins- tance réunissant autour d’une même table les décideurs politiques et le monde culturel pour construire ensemble la Guadeloupe de demain.