Garcin Malsa :«Il faut que nous gardions espoir, la victoire est au bout !»

Pouvez-vous nous donner votreassentiment sur le procès qui vient d’avoir lieu en Martinique sur les réparations ?Garcin Malsa :Nous avions dit que ce serait un procès his- torique et ce fut le cas, par la qualité des intervenants et la quantité. Quand les avocats de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ont coordonné leurs interventions, on aurait juré que c’étaient des gens qui avaient l’habi- tude de travailler ensemble depuis longtemps, parce qu’il y avait une bonne préparation.

Cela fait un peu plus de trois mois que nous préparions ce procès par visio-conférence. Chacun a choisi son angle d’intervention, en maîtri- sant le temps imparti, la façon d’in- troduire le sujet et comment l’ache- ver. Donc, bravo pour les avocats !

En matière du droit sur les répara- tions, aujourd’hui, les meilleurs avo- cats sont de Guadeloupe, de Martinique et de la Guyane. Les gens ont pour habitude de blâmer les jeunes, puisqu’ils disent que rien ne les intéresse, qu’ils sont toujours sur les réseaux sociaux

. Cependant, ils étaient nombreux à la salle d’au- dience du tribunal à suivre le procès. Ils étaient très contents et ont même remercié les avocats.

La troisième chose importante, est le fait qu’à la demande du MIR (Mouvement International pour les Réparations), le président du tribu- nal qui représente le ministère de la Justice ait accepté que le procès soit filmé. C’est un fait rarissime. C’est important pour l’histoire, c’est un procès qui restera dans les archives.Cette demande était à l’initiativede qui ?

Elle était à l’initiative du MIR. Nous croyons que nous sommes arrivés jusqu’à terme de la première procé- dure que nous avons intentée. Nous avons épuisé toutes les juridictions françaises possibles, puis nous sommes allés à la Cour européenne des droits de l’Homme. Elle a jugé notre demande recevable. C’est un atout extraordinaire pour nous, puisqu’en retour, la France devra faire un Mémoire pour expliquer les raisons pour lesquelles elle ne reconnaît pas le droit à réparation d’un crime contre l’humanité qu’elle-même a voté.

Comme nous avons déposé une deuxième procédure avant la Cour européenne des droits de l’Hom- me, nous sommes allés en Appel, cela nous a donné un atout pour leur demander de filmer l’audience. Et puis, je crois qu’il y avait une forte participation des Guadeloupéens, des Martiniquais et des Guyanais.

S’agissant de la «récolte financière» pour l’organisation, nous l’avons nous-mêmes assurée. C’est quel- que chose de très important, puisqu’il fallait payer le voyage des avocats, le logement, et passer un bon moment avec eux pour que nous puissions nous retrouver dans de bonnes conditions.

C’est une méthode de travail que nous avions déjà expérimentée avec le CIPN (Comité International des Peuples Noirs), le MIR Guade- loupe et avec les organisations poli- tiques comme le FKNG (Fos Pou Konstwi Nasyon Gwadloup).

Pour notre première connexion avec l’Afrique, c’était au Sénégal et puis au Bénin. Nous menons des actions de solidarité très fortes sur le terrain mais aussi dans la pratique financière. Suite au procès, nous allons compi- ler, le film et l’ensemble des plaidoi- ries pour réaliser un recueil qui sera mis à la disposition des populations.Qu’attendez-vous du tribunalle 18 janvier 2022 ?

Vous savez, le colonialisme est égal à lui-même. Il fait ses affaires. Ce qui le fera changer, c’est la pression que nous continuerons à exercer sur lui. C’est notre capa- cité à nous retrouver ensemble, unis pour le frapper ensemble comme un seul homme. J’ai omis de vous préciser qu’il y a une par- ticipation financière venant des Etats-Unis.

Des avocats américains devaient participer au procès mais faute de convention entre le barreau de France et le Barreau des Etats-Unis, cela n’a pas été pos- sible, mais nous sommes en connexion avec eux.

Le 18 janvier 2022, si la France refuse de reconnaître qu’il y a lieu à «réparations», à ce moment-là, nous mettrons encore plus de pression. De toute façon, nous irons à nouveau devant la Cour européenne des droits de l’Homme et pour la deuxième fois, la France sera condamnée.

Notre stratégie c’est que la Gua- deloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, que nous mettions de la pression, en faisant des pro- cès. C’est une stratégie que nous avons adoptée depuis 2005. C’est quand on persévère qu’on gagne.Quel message voulez-vous laisseraux peuples encore colonisés ?

Il faut que nous gardions espoir. Le combat que nous livrons aujour- d’hui sur l’action sanitaire, est un combat de résistance contre le génocide et pour la souveraineté. Il est lié au combat que nous avons enclenché pour les «réparations». Il ne peut pas y avoir une pleine sou- veraineté, un respect de la dignité humaine si la question des «répara- tions» n’est pas réglée.