Nicaragua : Victoire de Ortega, quel destin ?

C’est le 7 novembre 2021 qu’ont eu lieu les élections géné- rales (présidentielles, législatives) au Nicaragua. C’est le Président du Nicaragua, Daniel Ortega, qui a remporté l’élection prési- dentielle pour un quatrième mandat. Au niveau des élections législatives (Assemblée natio- nale), le Front sandiniste de libé- ration nationale (FLSN) - parti de Maduro - remporte 75 sièges soit près de 76% des voix.

Ces élections ont mon- tré que la majorité du peuple nicara- guayen continue de faire confiance au Président Daniel Ortega après quatre mandats présidentiels et les multiples tentatives déstabilisa- trices perpétrées contre lui. Les Nicaraguayens sont descendus dans les rues pour célébrer la vic- toire. Les opposants n’ont rien fait d’autre que de critiquer la «dicta- ture ortéguiste». Et de se disputer le leadership, sans qu’aucune figure n’arrive à s’imposer. UN RAPPEL HISTORIQUE POUR MIEUX COMPRENDRE LA SITUATION

Âgé de 76 ans, José Daniel Ortega est membre du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) au sein d uquel il participe, en juillet 1979, au renversement de la dynastie des Somoza avec l’aide d’un soulève- m ent populaire.

Président de la Junte de gouverne- ment (représentants des diffé- rentes forces d"opposition au r égime renversé) de reconstruction nationale durant la première période de la révolution sandiniste, de 1979 à 1985, il devient en 1985 Président de la République. Mais très rapidement, le junte explose car les libéraux qui la composent refusent non seulement la main- mise du FLSN sur les organes essen- tiels du pouvoir et surtout par le choix fait par Ortéga d’une poli- tique inspirée du socialisme.

C’est ainsi que des nationalisations sont réalisées (compagnie d’assu- rance, banque, ressources minières et forestières). Inspiré par l’exemple cubain et salvadorien, une politique de l’Éducation et une politique de Santé sont mises en oeuvre à grande échelle dans le pays. A tra- vers ces deux exemples (taux d’al- phabétisation passant de 13% à 50%, la mortalité infantile réduite de moitié), les résultats sont impressionnants.

Devant la menace d’un Etat qui a une proximité diplomatique avec Cuba, avec Savaldor, qui installe un régime de type socialiste, la réaction des États-Unis ne s’est pas fait attendre : blocus, guerre, insurrection intérieure, asphyxiant l’économie entre autres. Ortega perd les élections en 1990. Il se représente de nouveau sans suc- cès en 1996, 2001 et 2006, année à laquelle il est de nouveau élu Président. Il prend ses fonctions le 10 janvier 2007, puis est réélu en 2011, 2016 et 2021.

Entre 2007 et 2019, le Nicaragua va connaître un développement éco- nomique important. Son produit intérieur brut (PIB) a doublé facili- tant ainsi une diminution de la pau- vreté de 30%, le plus faible taux d’homicide d’Amérique centrale, et la construction d’infrastructures de base (routes, égouts, alimentation en eau potable). En matière de poli- tique sociale, les frais de scolarité sont supprimés, tandis qu’hôpitaux et centres de santé publics rede- viennent accessibles gratuitement. Avec l"aide de Cuba, une nouvelle politique de lutte contre l’analpha- bétisme est engagée et des opéra- tions de chirurgies oculaires sont proposées gratuitement à la popu- lation. L’électrifi-cation a atteint plus de 90% de la population. Etcompte 80% d’énergie renouvela- ble, alors qu’elle était à 80% à base de pétrole en 2006. Enfin, un plan « zéro faim», consistant en une dis- tribution auprès des plus pauvres de produits agricoles et d"une somme d "argent pour permettre le déve- loppement de petites exploitations. Il y a une vraie sécurité alimentaire p uisque le Nicaragua produit plus d’aliments qu’il n’en consomme.

D’autre part, le choix fait par Ortega au niveau de la politique extérieure du Nicaragua en soute- nant le colonel Kadhafi, les revendi- cations nationales comme en Palestine, en adhérant à l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), en dénonçant les coups d’Etat menés en 2009 au Hon- duras, etc. n’ont fait que multiplier les sanctions décidées par les États- Unis contre les institutions du Nicaragua et les personnalités poli- tiques proches d"Ortéga.

UNE SITUATION GÉOPOLITIQUEQUI RISQUE DES LENDEMAINS INCERTAINS

Pour l"Union Européenne, les élec- tions «parachèvent la transforma- tion du Nicaragua en un régime autocratique».

Une réunion de l’Assemblée géné- rale de l’Organisation des États Américains (OEA) a quant à elle voté une résolution dénonçant l’ab- sence de légitimité démocratique d’Ortega. Le texte dit que les élec- tions «n’ont pas été libres, justes ni transparentes» et que les institu- tions démocratiques au Nicaragua «ont été sérieusement sapées» par le régime. Alors que 26 pays ont voté pour la résolution, 7 se sont abstenus, au premier rang desquels l’Argentine et le Mexique, pour des raisons dites de «non-ingérence». Pays auxquels il faut ajouter la Bolivie, le Honduras, la Barbade, Saint-Vincent et la Grenade. Le Congrès américain a approuvé une loi donnant le pouvoir au Président américain d’imposer des s anctions contre le Nicaragua, y compris la possibilité d’exclusion de l’Accord de libre-échange avec l ’Amérique centrale (l’ALEAC). Des premières sanctions financières ont été décidées contre des hauts res- p onsables du Nicaragua.

Le secrétaire d’État américain a déclaré que les États-Unis étaient prêts à recourir à de possibles res- trictions de visas et des actions coordonnées contre ceux qui sou- tiendraient les «actes antidémocra- tiques» du Gouvernement nicara- guayen. Tandis que Cuba, la Bolivie, le Venezuela et la Russie ont tous offert leur soutien au Président nicaraguayen Daniel Ortega.

L’isolement du Nicaragua que cher- chent les États-Unis ainsi que ses alliés, va-t-il réellement accentuer les difficultés du gouvernement dans sa politique économique déjà bien fragilisée par la pandémie ?

Rechercher l’effondrement de la démocratie afin que le peuple nicaraguayen se retourne contre son gouvernement est sans doute une éventualité souvent utilisée par les gouvernements améri- cains comme une stratégie bien souvent gagnante.

La prochaine étape que devra affronter Ortega contre la commu- nauté internationale aura lieu au plus tard le 30 novembre, lorsque l’Organisation des États Américains (OEA) aura pris une décision sur les «actions appropriées» à entrepren- dre contre le régime nicaraguayen. 2022 risque d’être une année vrai- ment compliquée pour Ortega, son gouvernement et encore davan- tage pour sa population ! Le FLSN pourra-t-il y faire face ? La popula- tion nicaraguayenne sera-elle à l’unisson avec ses élus ?