Crise sociale : Emploi, formations :Désarroi des jeunes guadeloupéens

La situation socio-économique à l’origine du mouvement social qui paralyse la Guadeloupe ne relève ni du hasard, ni d"un malentendu, encore moins d"un accident de l"histoire. La jeu- nesse est une force et non une faiblesse. Un pays qui maltraite sa jeunesse est un pays qui hypothèque son avenir. Dans ces conditions, il est facile de comprendre l’exaspération de la jeunesse de Guadeloupe dont la colère est tout à fait légitime car, c’est une jeunesse dynamique, engagée, qui souhaite créer son avenir dans son pays. La crise sociale a donc mis en exergue le manque de perspectives d"une jeunesse qui fait parler d"elle mais que personne n"écoute.

UNE SITUATION QUI SE TRADUIT EN CHIFFRES

Le chômage frappe «35% des 15- 29 ans» et «52,7% des moins de 25 ans» en 2020 selon l"Insee. Pendant longtemps, la Guadeloupe s"est caractérisée par une structure par âge très jeune. Aujourd’hui les jeunes adultes choisissent en grande majorité de partir.

Toutes les formations ne sont certes pas disponibles en Guade- loupe, mais il y a aussi un problème sérieux de l"accompagnement étu- diant. Des loyers élevés, absence de tarifs étudiants sur le territoire ou de transports publics adaptés, sont souvent des obstacles à des bonnes conditions d’étude. En clair, si on veut que nos cadres de demain soient des jeunes guadeloupéens, il faut se poser implicitement la ques- tion du devenir des étudiants.

La jeunesse diplômée s’expatrie, poussée vers d"autres territoires par le manque d"opportunités locales, et une concurrence déloyale à l’emploi. En 2010, il y avait 14 000 jeunes hommes de 37 ans en Guadeloupe, selon les chiffres de l"Insee. Désormais ils ne sont plus que 7.000. Partir à la recherche de compé- tence et d’expérience pourquoi pas ? Mais, sans perspectives de retour, d"aide au retour, ni même d"emploi, c"est problématique, alors que la loi sur l"égalité réelle de 2017 prévoyait de nombreux dispositifs pour l"aide au retour, bien après la fin de la formation des jeunes gens. Pire, ces emplois sont souvent occupés par du per- sonnel venu de l’extérieur

Les mauvais chiffres s"accumu- lent dès le plus jeune âge : 5,5% des élèves de Guadeloupe sont des décrocheurs scolaires, 30% ont des difficultés à la lecture, selon un rapport de l"Assemblée nationale de juin.

Pour rattraper ces décrocheurs, des structures ont été créées, comme l"école régionale de la 2 ème chance (ER2C), intégrée récemment à l"organisme de formation professionnelle de la Région, Guadeloupe Formation.

Cette structure est en proie à un mouvement social depuis plus de six mois, dans l’indifférence la plus totale, dénonçant des dys- fonctionnements et des condi- tions de travail déplorables. Drôle de coïncidence pour un organisme au service de la for- mation des jeunes de ce pays.

Conséquence de ce mouvement de protestation, une réduction «dramatique» du nombre de stagiaires de près de 75%, une jeunesse au pillage.

Pour tenter de porter des réponses à cette jeunesse mobilisée dans la crise sociale, des propositions de concertation, des réunions donnant la parole à la jeunesse guadelou- péenne sont lancées.

Consultation des acteurs locaux de la jeunesse (préfecture). Plan d"urgence pour la formation des jeunes (Région Guadeloupe)

Le rectorat affirme «maintenir les postes dans le 1 er degré» malgré une baisse de la population scolaire. Dans le 2 nd degré, il maintient des «taux d’encadrement» en dépit de la diminution des effectifs et des suppressions de poste. Bien des dis- positions qui étaient difficilement applicables, trouvent des solutions. On peut s’en réjouir.

Du côté des représentants de la jeunesse, tous mentionnent un élan «qui donne de l"espoir» mal- gré une réalité persistante : en Guadeloupe les dispositifs exis- tants sont déjà nombreux mais noyés dans les difficultés poli- tiques et financières du territoire.

On comprend dès lors qu’il soit important d’exprimer toute la solidarité à la jeunesse de Guadeloupe ainsi qu’au monde du travail en lutte pour de meilleures conditions de vie et le respect des libertés fondamentales.