Le statut politique de la Guadeloupe à la lueur du Marxisme-Léninisme

La question du statut politique de la Guadeloupe n'est pas une question nouvelle.

HISTORIQUE

Dès les débuts de la colonisation, elle s'est posée avec plus ou moins d'acuité suivant les diverses conjonctures qui se sont présentées au cours des 3 siècles d'histoire. C'est ainsi qu'en l'année &717, le roi de France devait intervenir pour réprimer une véritable révolte de colons débouchant sur la sécession ; que sous la Révolution, les colons contrerévolutionnaires furent partisans d'une indépendance de la Guadeloupe et que pour y parvenir , ils n'hésitèrent pas à faire appel aux Anglais. En 1848, Victor Schœlcher émettait l'idée d'une confédération des Antilles, ajoutant que cela se fera un jour car il est dans la nature des choses que cela se fasse. En 1946, les colonialistes étaient partisans du statut que, ainsi qu'il était défini par le sénatus- consulte du 3 mai 1854. Les communistes et les progressistes de l'époque luttaient au contraire pour la départementalisation. Les conclusions à tirer de ce bref rappel historique sont les suivantes : 1. Aucun statut politique de la Guadeloupe n'a été considéré comme figé et immuable. Quel que fût ce statut, il a fait l'objet de contestations. 2. Derrière ces contestations sur le statut, il y a toujours eu un intérêt de classe. Il est clair que la sécession des colons de 1792 tirait son origine de la proclamation par les révolutionnaires français de l'égalité des hommes de toutes les races et portant la suppression de l'es - clavage. L'intérêt de classe des colons était le maintien de cet esclavage. Autant se séparer de la France pour maintenir cet esclavage par le biais d'une autonomie ou d'une indépendance. Mais, l'intérêt de classe des esclaves était le maintien des liens avec la France révolutionnaire et progressiste de l'époque. Mais, en 1802, il n'existait plus dans aucune colonie française, pas plus à la Martinique qu'à la Guadeloupe ou à Haïti, de colons français partisans de la rupture des liens. La situation était renversée. La réaction thermidorienne avait finalement amené au pouvoir la classe des banquiers et des gros possédants par l'intermédiaire de Napoléon Bonaparte et, l'in - térêt de classe des esclaves fraîchement libérés, mais sur qui pesait la menace de nouvelle chaines, était dans l'autonomie, dans l'indépendance, dans lasécession. 3. Ainsi, il apparaît nettement que la question d'un changement de statut débouchant sur l'autonomie ou l'indépendance doit être toujours appréciée sous l'ange des classes en présence. Le mouvement de l'autonomie ou de l'indépendance, n'est pas un mouvement nécessairement progressiste. Il n'est pas révolutionnaire en soi. Pour apprécier son caractère progressiste, il convient de bien examiner quelle classe sociale il sert, quel contenu on entend lui conférer et, où il conduit par rapport à la lutte révolutionnaire mondiale. Cette idée est si juste que nous doutons qu'il puisse se trouver un seul progressiste digne de ce nom qui reconnaisse l'indépendance de la Rhodésie, le moindre caractère anticolonialiste. «Les dif férentes revendications de la démocratie, dit Lénine, y compris le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, ne sont un absolu, mais une parcelle de l'ensemble du mouvement mon- dial. Il est possible que dans des cas concrets, la parcelle contredi- re de tout. Alors il faut la rejeter. «Le mouvement national des peuples opprimés doit être apprécié, non point du point de vue de la démocratie formelle, mais du point de vue de ses résultats effectifs dans la balance générale de la lutte contre l'impérialisme». 4. Il résulte de cette analyse que le colonialisme, forme de l'exploitation de l'homme par l'homme, forme de l'exploitation d'un peuple par un autre, n'est pas un phénomène se situant en dehors de l'exploitation générale de la société par l'impérialisme et que les luttes à caractère plus ou moins nationales des peuples colonisés ne sont révolutionnaire que dans la mesure où elles tendent à affaiblir l'impérialisme sur le front général de lutte, en lui enlevant une partie de ses réserves. Enfin, il est évident qu'opposer la partie au tout, le quant-à-moi, à la ligne générale ne peut que servir la cause de l'impérialisme.

LA GUADELOUPE F AIT -ELLE P AR - TIE DE LA NA TION FRANÇAISE ?

La définition de la nation, la meilleure qui ait été faite à ce jour, doit pouvoir porter une réponse à cette question : «La nation, ditStaline, est une com- munauté stable d'hommes et de femmes historiquement constituée de territoire, de langue, de formation psy- chique, se traduisant par une communauté de culture». Cette définition est largement suffisante pour établir deux choses : La Guadeloupe ne fait pas partie de la nation française. Il est d'ailleurs impossible à un peuple d'en assimiler un autre. - Il est prématuré de parler de la nation guadeloupéenne. Tous les éléments constitutifs d'une nation ne se trouvant pas encore réunis à la Guadeloupe. On peut dire qu'il s'agit d'une nation enformation.

Le changement de statut poli- tique à la Guadeloupe : Position de la question actuellement Le droit à la libre disposition : Dès lors que la Guadeloupe n'est pas la France, les Guadeloupéens ont parfaitement le droit à la libre disposition. Les communistes guadeloupéens qui ont aidé au vote de la loi de circonstance dite loi de départementalisation ont été les premiers à la Guadeloupe à avoir proclamé ce droit à la libre disposition, non seulement des Guadeloupéens, mais de tous les peuples coloniaux, à une époque où il était dangereux de la faire, à une époque où cette prise de position a valu à plusieurs de leurs dirigeants de comparaitre en correctionnelle pour atteindre à la sûreté intérieure de l'Etat. Sur ce principe marxiste-léni- niste, les communistes guade- loupéens n'ont jamais transigé et ne transigeront jamais.

DEUX COURANTS : AUTONOMIE ET INDÉPENDANCE

Les deux courants d'opinion rela- tifs au changement de statut politique à la Guadeloupe, l'au - tonomie et l'indépendance sont en principe légitimés. Le PCG qui lutte pour l'autonomie n'en reconnaît pas moins la légitimité de l'indépendance. Il restera toutefois à savoir si dans la conjoncture, l'indépendance est opportune, si dans la conjoncture, elle demeure révolutionnaire et susceptible d'aboutir à unaf faiblissement de l'impérialis- me en général, où si au contraire, elle n'était pas à susbstituer un impérialisme à un autre, et de ce fait, ne traduit pas au contraire, et au regard des autres, ni leurre, une mystification. Par ailleurs, le droit à l'autodé - termination étant reconnu, reste aussi à savoir, si le pays colonisé est tenu de rompre ; si au contraire, et compte tenu des cir - constances spécifiques, et de réalités concrètes, il ne peut trouver son intérêt à s'unir à son ancienne métropole sur la base de liens nouveaux ; et si le faisan il porte une entorse au marxis - me-léninisme ; si le faisant il porte nécessaire ont de l'eau au moulin de l'impérialisme sur le plan général. Réponse par l'affirmative à ces questions, c'est prendre en la circonstance position contre lemarxisme-léninisme C'est accuser Lénine de trahison au marxisme-lininisme. On ne peut sérieusement porter contre Lénine une telle accusa- tion. Tout en se proclamant marxiste-léniniste. Or, c'est Lénine qui nous app- rend que le droit à la libre disposition n'implique pas l'obligation de se séparer. En fait, l'Union Soviétique d'aujourd'hui qui est un état multi-institutionnel est une explication vivante de cette idée de Lénine. Ici, nous répondrons par avance à une objection. D'accord, dira-t-on pour l'union avec l'é- tat soviétique. Mais, avec l'état impérialiste, expression de cet état impérialiste n'y a-t-il pas à une prise de condition paradoxale et inquiétude ? Faut-il ici rappeler, que Lénine n'exclut aucunement l'éven- tualité de l'union avec l'état impérialiste lui-même, dès lors que le peuple anciennement colonisé, mais dont le droit à l'autodétermination est reconnu, y trouve son intérêt. A cet ef fet, on notera avec intérêt, que le peuple du Vietnam qui venait de contraindre, par la forge des armes l'impérialisme français à reconnaître son droit à la libre disposition, a présenté à la conférence de Genève entre autres propositions, son appartenance à l'union fran- çaise dont le président se trouvait être le président du Vietnam au sein de l'union française ne fût «le vers dans le fruit». Le peuple du Vietnam dont le caractère révolutionnaire de la lutte ne saurait être contesté, n'avait rien inventé par cette proposition, il faisait simplement application du principe léniniste de la libre disposition.

LES DEUX TERMES DE L'OPTION

En réalité, l'impérialisme fran - çais conteste encore au peuple guadeloupéen le droit à la libre disposition. Le combat révolutionnaire du peuple guadelou - péen est avant tout la lutte pour la reconnaissance de ce droit. Une fois cette reconnaissance arrachée, notre peuple aura à voter pour l'autonomie ou pour l'indépendance. Mais, il est bonq ue d'ores et déjà, il sache pourquoi il lutte, sur quel sta- tut débouchera la reconnais- sance de son droit à l'autodétermination. Deux traits spécifiques du pays, sa politique est juste, la seule qui soit juste. Encore qu'il n'entende aucunement assigner au statut d'autonomie un quelconque caractère de fixité. L'évolution de la situation, qu'à défaut de prophétie, il ne peut prévoir, pourrait demain le conduire à envisager une autre forme statutaire au régime politique de la Guadeloupe. Mais, fouillons le problème et cherchons les motifs qui ont déterminé plusieurs congrès du parti à s'arrêter à la politique d'autonomie, plutôt qu'à celle d'indépendance. Ces motifs sont nombreux : psychiques, politiques, économiques.

L'indépendance n'est pas une aspiration réelle du peuple guadeloupéen. Les quelques intel - lectuels, les quelques étudiants qui formulent cette revendica - tion ne sauraient être confondus avec la mesure d'ouvriers, de paysans, d'employés et même de fonctionnaires qui opposent à toute idée de sécession une réelle résistance. En posant devant les masses une revendication même juste, si elle est trop en avance par rapport à leur façon de penser et de voir le problème, on risque de se couper de ces masses, d'en être isolé. Et c'est là, la pire des aventures qui puisse advenir à un révolution - naire. C'est encore Lénine qui nous enseigne cette idée premiè - re de toute révolution. Si l'impérialisme n'est pas parve- nu à assimiler notre peuple au peuple français, il n'en résulte pas moins que sa politique d'as- similation a laissé des traces profondes dans le psychisme du peu - ple guadeloupéen et ce, d'au- tant que l'ef fort en vue de la démystification est de date récente et réalisé de surcroît dans des conditions du confusion qui n'aie nt pas à la com - préhension des problèmes.