La Guadeloupe, un département comme les autres ?

Dans une interview donnée au journal Le Pointet qui circule sur les réseaux sociaux, le ministre des «Outre-Mer», Monsieur Sébastien Lecornu, prenant le ton docte, de celui qui maîtrise son sujet, a déclaré avec la suffisance des «énarques» qui vivent hors- sol, pour justifier son incapacité à entendre «l’herbe qui pousse», que la Guadeloupe est un département comme les autres.

Est-il nécessaire de lui préciser que la Guadeloupe est devenue dépar- tement français à la suite d’une loi votée à l’Assemblée nationale constituante, à l’initiative des députés des quatre vieilles colonies, le 19 mars 1946. Le département de la Guadeloupe est donc le produit d’un acte législatif.

Emporté par sa bêtise, il ne s’est même pas posé cette question :«Pourquoi il figure dans le Gouvernement français comme ministre des départements et territoires d’Outre-Mer ?». La réponse à cette question lui aurait permis de comprendre qu’il n’est pas un minis- tre comme les autres. Il n’a aucune compétence dans les départe- ments situés sur le territoire géographique de la France. Son ter- rain d’exercice se trouve en dehors du territoire français, dans des pays encore sous domination politique de l’Etat français.

C’est là un deuxième foyer de différences avec les départements fran- çais. Pour nous en tenir qu’aux aspects institutionnels, économiques et sociaux, car les caractéristiques géographiques, climatiques, environne- mentales, culturelles, parlent d’elles-mêmes. Il faut être vraiment obtus pour ne pas voir que la Guadeloupe n’est pas un département comme les autres départements français. D’ailleurs, des quatre départements issus de la loi du 19 mars 1946, il ne reste aujourd’hui que deux : La Guadeloupe et La Réunion, et ils n’ont pas la même organisation.

L’histoire des soixante-seize années de départementalisation dans les pays dits «Outre-Mer» n’est que la succession de lois et règlements relevant de dérogations, d’adaptations, de spécificités pour tenter de consacrer l’impossible intégration. On peut citer en vrac : Un droit fis- cal particulier, la sur-rémunération des fonctionnaires, le Bumidom, le SMA, la loi Bernard Pons, la loi Brigitte Girardin, La loi Jospin…

On peut également verser au dossier une organisation institution- nelle des plus abracadabrantesque. Cohabitent sur le même terri- toire : Un Conseil général et un Conseil régional avec des compé- tences qui se chevauchent, une administration préfectorale à dou- ble casquette (le même fonctionnaire est à la fois préfet de Région et préfet du département), assistée de tous les services déconcen- trés de l’Etat, six conseils communautaires.

Monsieur Lecornu peut-il nous citer un seul département sur le territoire français, présentant une telle configuration ? La preuve la plus évidente que la Guadeloupe n’est pas un département comme les autres est donnée par ces indicateurs sociaux écono- miques : Le taux de chômage est de 30% en Guadeloupe en 2021. Il est de 9,4% en Occitanie, le département qui compte le plus de chômeurs en France. Le seuil de pauvreté est de 790€ en Guadeloupe, alors qu’il se maintient à 1113,00€ en France. Le revenu fiscal moyen par foyer est de 17.692€ en Guadeloupe et s’élève à 27.637€ en France.

Ce qui a conduit le ministre de l’Outre-Mer, Victorin Lurel à porter au Parlement français, une loi pour aboutir à l’égalité réelle entre les départements dits des «Outre-Mer» et les départements fran- çais, le rêve fou des constituants de 1946.

Mais, c’est la loi d’orientation Jospin de décembre 2000 et la révi- sion constitutionnelle de 2003 qui consacrent le fait que la Guadeloupe n’est pas un département comme les autres.

Le ministre de l’Outre-Mer Sébastien Lecornu ferait bien de revisi- ter ses fondamentaux avant d’afficher à la face du monde des affir- mations démenties par la réalité.