Hommage à Jean Adélaïde

Le camarade Jean Adélaïde,militant de la Section Communiste de Pointe à Pitre,mem- bre de la Commission de Contrôle Politique du Parti,ancien Président de Radio Gayak est décédé dans la nuit du dimanche 25 mars des suites de maladie. C'est une grande perte pour toute la famillecommuniste. Jean Adélaïde était un modèle d'engage- ment,un militant et un dirigeant communiste d'un haut niv eau de conscience et affi- chant une détermination à toute épreuve. Jusqu'à son dernier souffle il a continué à dénoncer l'exploitation,l'oppression et toutes les formes de discrimination qui affectent la vie des hommes,en nous exhortant à poursuivre le combat pour l'avènement ducommunisme. Sa mort nous afflige,mais son message gui- dera nos luttes. Le Parti Communiste Guadeloupéen lui a rendu un hommage public le jeudi 29 mars par la voix de Christian Céleste,Secrétaire du Comité Central du Parti.

HOMMAGE DU PARTI COMMUNISTE GUADELOUPEEN AU CAMARADE JEAN ADELAIDE Membre de la Commission de Contrôle Politique du PCG

Lorsque les camarades m'ont demandé de présenter l'hommage du Parti à notre regretté Jean Adelaïde, ils ont certaine- ment pensé que j'étais le com- muniste le mieux placé pour parler du militant avec lequel j'ai dirigé le Parti Communiste Guadeloupéen pendant de longues années. J'ai accepté cette demande non pas comme une nouvelle tâche, mais comme un devoir, une exigence morale.

UN HOMME AU SERVICE DE LA LIBERATION DE L'HOMME

«Il n'y a de richesse que d'hom- mes» a écrit le philosophe et économiste français du 16e siècle, Jean Bodin. Je veux vous parler de l'homme ! Car, celui qui nous réunit ici aujourd'hui, désormais enfermé dans son silence, était un militant et un dirigeant communiste, mais avant tout un Homme. Le monde dans lequel nous vivons, qui accorde plus de place aux biens matériels, aux oripeaux, au superficiel, a aussi cette tare qui consiste à catalo- guer, étiqueter, stigmatiser l'homme, surtout s'il ne se plie pas aux «canons» du système social dominant

. Mon camarade et ami Jean Adelaïde, nous étions plus que des compagnons de lutte, il exis- tait vraiment entre nous, pardelà la camaraderie, une grande fraternité, de l'affection même, sans aucune complicité. Je peux affirmer ici qu'il n'était ni un illuminé, ni un agité du «bocal», ni un ignorant des réalités de la société, ni le dernier des«Staliniens». J'ai rencontré l'homme, sous la carapace qui était tout simplement, d'après mon expérience et la longue collaboration que nous avons eue, une sorte de protec- tion qu'il avait installée pour tra- verser le champ de bataille parsemé de tant de chausse-trappes, qu'il avait décidé d'occuper. Jean était un homme d'une grande sensibilité, ce qui était un élément structurant de sa personnalité. Il aimait naturellement les gens, sans calcul, sans arrière-pensée, pour ce qu'ils étaient. Cette aptitude se manifestait d'abord dans sa famille pour qui il vouait, ce n'est pas trop fort de le dire, un véritable culte. Attentif, prévenant, il apportait à chacune et à chacun ce qu'il avait de meilleur en lui : sa disponibilité, sa générosité, son sens du vivreensemble. Si on avait tendance à se hisser sur son piédestal ou à s'enfermer dans son quant-à-soi, on pouvait se sentir offusqué, agressé par l'insistance qu'il pouvait mettre à débusquer nos faiblesses, nos feintes. Mais, il n'y avait jamais rien là de«méchant». Il y a que, Jean Adélaïde ne supportait pas la pwofitasyon sous quelles que soient les formes, il avait en horreur le parasitisme, il ne comprenait pas la passivité des victimes, ni la facilité avec laquelle ceux qu'il qualifiait d'élite, se vautraient dans les méandres du système. Il exprimait cela avec force, colère des fois, mais sans rancune, ni condamnation au bucher. Son seul et unique adversaire était le système d'oppression qui nie le droit légitime des peuples à la liberté et le capitalisme qui exploite sans vergogne les travailleurs, accumule des richesses, élève des citadelles sur la misère de l'homme. C'est précisément son amour de l'homme, sa prise de conscience des souffrances infligées aux tra- vailleurs, son expérience person- nelle de la répression et de la discrimination qui sont à la source de son engagement sous la bannière du communisme. Toute sa vie d'homme social s'est bâtie sur la conviction, qu'il devait se battre jusqu'au bout avec ses frères de classe pour : la justice sociale, les libertés, la dignité, la totale libération des peuples, le renversement du capi- talisme prédateur pour le remplacer par une société sans exploitation, sans violence, sans racisme et sans discriminations. C'est aussi cette conviction forte qui permet de comprendre son niveau d'engagement et le militant passionné et intrai - table qu'il a été jusqu'à ces derniers jours de vie.

UN MILITANT ACTIF DANS L'IMMIGRATION EN FRANCE

Arrivé en France en 1959 pour travailler au service de douane à la gare Saint-Lazare à Paris, il fait connaissance avec le syndicalisme. Il ne tarde pas à adhérer au syndicat CGT et un peu plus tard au PCF. Il trouve là un terrain privilégié pour exprimer son envie de servir l'homme et la justice et devient bien vite un militant actif, visible avec un potentiel d'entrainement qui inquiète sa hiérarchie. Il connait sa première répression et est licencié. Réintégré, la douane l'exil dans le Nord de la France, loin de sa famille. Le rebelle qui sommeille en lui démissionne à son tour et retourne à Paris pour préparer un concours d'électrotechnicien aux arts et métiers, qu'il réussit. Au chômage, il passe un deuxième concours et rentre comme technicien à l'aviation civile où il a pris sa retraite. Cette bataille dans un milieu hostile pour exister et faire vivre sa famille a renforcé son engage - ment et sa détermination à lutter pour «déchouker» le système capitaliste et colonialiste.T out en continuant à militer au PCF , il a rejoint le cercle marxiste Amédée Fengarol animé par Rosan Girard à Paris et L'A T AG (Association des travailleurs antillo-guyanais). Les informations qui me sont parvenues de ceux qui ont milité avec lui à cette époque portent la confirmation d'un camarade engagé en première ligne dans le combat pour la défense des compatriotes victimes de discriminations en France et d'un militant totalement disponible pour les taches politiques qui lui étaient confiées, notamment l'organisa - tion du stand de l'Etincelle à la fête de l'Humanité. Muté à la Martinique, profondé - ment imprégné des idées inter - nationalistes il prend sa place à la CGTM et au PCM pour poursuiv - re le combat anticapitaliste et anti-impérialiste.

UN DIRIGEANT COMMUNISTE REMARQUABLE

Je l'ai rencontré quand, arrivé en Guadeloupe il rejoint naturellement les rangs du Parti Communiste Guadeloupéen. Bien vite ses qualités et son expérience de militant le conduisent à assumer des responsabilités dans le Parti. Il est choisi par ses camarades comme secré- taire politique de la section de la périphérie pointoise et est élu au Comité Central du Parti. Je connaissais le militant mais, c'est lors d'un voyage d'étude avec lui en Roumanie en 1980 que j'ai rencontré l'homme. On ne s'est jamais plus lâché jusqu'à ce jour du dimanche où sa vie s'est arrêtée. On ne s'est pas lâché dans les moments fastes, ni dans les moments de grandes difficultés. Je dois ici, lui exprimer ma reconnaissance personnelle pour avoir fait partie de cette garde rapprochée qui m'a accompagné jour et nuit, tous les jours pendant des années dans cette tâche titanesque pour préserver l'existence du Parti, face à l'offensive des déserteurs déclenchée à la fin de 1990. Je sais que cette période difficile lui a causé une grande souffrance. La blessure est restée ouverte jusqu'à sa mort parce qu'il n'a jamais accepté ce qu'il considérait comme une forfaiture venant de personnes qu'il estimait et en qui il avait placé sa confiance. Les qualités que l'homme portait dans la famille et la société, il les portait aussi dans le Parti : Rigueur, discipline, disponibilité, générosité et loyauté. Il avait des multiples capacités et s'acquittait de chaque mission avec un sens aigu des responsabilités. La dernière que nous lui avons confiée était le redresse- ment de Radio Gayak, en le pro- pulsant comme Président de l'association. Mission accomplie. La radio émet toujours pour le plus grand bien de ses auditeurs. Jean assumait toutes ses taches y compris les plus difficiles sans autre satisfaction que celle du devoir accompli. Il n'attendait ni médaille, ni titre mais seulement le respect qu'il méritait pour le travail fait.

UN REVOLUTIONNAIRE GUADELOUPEN

Le Che nous enseigne que la révolution se fait grâce à l'homme, mais l'homme doit forger jour après jour son espritrévolutionnaire. Je crois pour ma part que Jean Adélaïde avait les qualités d'un révolutionnaire, qu'il s'identifiait totalement à la cause révolutionnaire et qu'il s'est forgé dans l'action un esprit vraiment révolutionnaire. C'est toujours le Che, que Jean aimait bien, qui dit encore : «Un grand révolutionnaire est guidé par de grands sentiments d'a- mour. Il est impossible d'imaginer un révolutionnaire authentique sans cette qualité». Jean Adélaïde, avec ses convictions communistes, portait en lui beaucoup d'amour. Il avait les qualités d'un révolutionnaire. Nous rendons donc hommage aujourd'hui à un révolution- naire guadeloupéen. Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui l'ont aidé et accompagné sur ce chemin qui n'est pas toujours un long fleuve tranquille. A son épouse Annie, à son fils Patrick, à ses frères et sœurs, à toute sa famille et aux alliés, je renouvelle les condoléances du Parti Communiste Guadelou- péen, mon sentiment de profon- de affliction et vous assurent à tous de notre indéfectible amitié et solidarité. Jean, an bois Gayak, s'est couché pour nous faire un pont. Un autre se lèvera à sa place pour porter le drapeau qu'il n'a jamais laissé tomber.

Le combat conti- nue. Adieu vieux frère, adieu noble cœur, adieu le plus noble d'entre nous !