Etre Communiste en Guadeloupe

Dans le Parti,le militant,de la base au sommet a la responsabilité première de travailler à l'organisation du Parti,c'est-à-dire,à garantir par son comportement et son accord avec la discipline,un fonctionnement correct des structures où il milite, à créer et à maintenir une solidarité active basée sur l'idée d'appartenance au groupe et d'acquérir le réflexe qu'il compte pour un dans la réalisation de toutes les tâches du Parti.

E n se livrant à une lecture dogmatique de la théorie de Marx et à une analyse de la société guadeloupéenne à travers les loupes de la pensée unique, quelqu'un pourrait conclure à l'inutilité d'un Parti Communiste en Guadeloupe. Cela voudrait dire que les objec - tifs pour lesquels il a été créé ont tous été résolus, n'existent pas ou n'ont jamais existé en Guadeloupe : • Est-ce que le colonialisme a disparu ? • L'impérialisme n'existe-t-il plus ? • Il n'y a plus de classes sociales en Guadeloupe ? • Les travailleurs et le peuple guadeloupéen bénéficient-ils déjà de tous leurs droits, ne sont ni opprimés, ni exploités ? • Le communisme n'a plus d'avenir ? Croire en cela ce serait retomber dans l'erreur commise par tous les nouveaux idéologues et théoriciens qui ont chanté que le monde allait changer après la «chute du mur de Berlin», que la démocratie et la liberté allaient triompher à l'échelle de la planète. Le Parti Communiste Guadelou- péen, qui est toujours une organisation de travailleurs ouvert à tous ceux qui acceptent ses prin- cipes et son programme, se proclame toujours l'organisation du mouvement révolutionnaire des travailleurs à la Guadeloupe. Etre communiste aujourd'hui, ce n'est pas simplement disserter sur les «plaies» de la société guadeloupéenne ou sur les grands évé - nements qui dominent le monde, mais c'est surtout s'engager , travailler dans les rangs de l'organisation pour apporter aux côtés des autres communistes sa contribution à l'avancée des tâches que le Parti s'est fixé. Etre communiste en Guadeloupe aujourd'hui, c'est se sentir héritier des générations de mili- tantes et de militants, des dirigeants communistes qui nous ont précédé. C'est se plonger dans l'histoire et les racines de ce Parti qui a été créé par la seule volonté des Guadeloupéens ayant accédé par leur propre expérience de syndicalistes, d'opposants à la guerre et au fascisme de Pétain, de Sorin, à une certaine conscience de classe. Ils n'ont reçu aucun ordre, ni du PCF, ni d'aucune internationale. Etre communiste aujourd'hui, c'est aussi se sentir garant et défenseur de toutes les avancées apportées par les communistes : la protection sociale, l'éduca- tion, la santé, les droits syndicaux, la retraite, la protection de la terre agricole, etc… C'est l'héritage que nous ont légué tous les communistes qui nous ont précédés. Voilà ce qui explique, même quand elle n'est pas toujours exprimée au grand jour, la profondeur de l'enracinementcommuniste. La fidélité ne conduit pas seule - ment à reconnaître sa portée. Elle nous appelle à savoir fairepre uve ici et maintenant, d'une même capacité d'auda- ce créatrice et de novation politique pour les développer sans jamais perdre de vue la tâche essentielle qui est la libération nationale et sociale.

UNE RÉVOLUTION DE LA MENT ALITÉ DES MILIT ANTS COMMUNISTES

Le Parti Communiste Guadeloupéen forme un tout, un groupe qui vise en permanence à l'unité dans l'action. Il est composé de ses adhérents, femmes et hommes avec leur personnalité, qui fonctionnent sur la base d'une organisation, de principes acceptés par tous, des lieux d'expression qui sont engagés sur une ligne politique adoptée démocratiquement par tous. Cette organisation est cimentée par une relation humaine et une solidarité parta- gée qui ne devraient pas connaître de partis pris. En tout cas, c'est vers cela que nous devons tendre en permanence. Le Parti n'est pas une auberge espagnole ou chacun vient prendre ce qui lui convient, ce qui correspond à sa vision per- sonnelle, sans jamais se préoccuper de la vie et de l'avenir de l'organisation. Le 11ème Congrès a défini très clairement la conception démo- cratique de la vie du Parti, sans pour autant renoncer au centralisme nécessaire à la cohésion pour une action ef ficace. Mais, la démocratie, c'est d'abord le respect de son organisation, de ses camarades, de ses engage - ments. Le désaccord sur une ou des questions n'est jamais une raison suffisante pour ne pas assurer sa responsabilité de militant ou de dirigeant. Il ne peut en aucun cas conduire à un travail fractionnel, encore moins à dénigrer son propre Parti. Dans une société où l'anti-com - munisme est institutionnalisé, chacun doit veiller par son com- portement, ses expressions, à ne pas affaiblir davantage son organisation, sans être pour autant complice de pratiques qui seraient condamnables. Il n'est nullement question de priver un militant de son droit de critique ou de défendre son opinion. Mais, s'appliquer à cultiver sa dif férence, refuser la moindre tâche, la moindre implication dans la mise en œuvre des décisions centrales, privilégiées des actions locales et extérieures sur les tâches de l'or - ganisation, participent quelque part à affaiblir le Parti. Sans tomber dans les travers de la mode, des canons de vie et tous les appâts que nous impose le système capitaliste, il est vital d'organiser une vie de famille équilibrée et épanouie de son choix, sans pour autant céder aux concepts de la bourgeoisie qui développent l'individualis - me, l'égoïsme, l'instinct de consommation qui poussent à profiter de sa chance et à vivre selon les valeurs du système. Le Parti n'a jamais considéré la famille comme séparée par une cloison étanche de la vie du Parti, ce qui d'ailleurs, a fait sa force, son attractivité et son efficacité. Revenir à cette conception aide- ra certainement à une amélioration du fonctionnement du Parti, à redynamiser ses activités. Le redressement du Parti souhaité par tous les militants ne peut se contenter de belles idées et des seules paroles. Il exige l'engagement physique de chaque militant dans toutes les batailles politiques, sociales, culturelles qui se déroulent dans le pays. Il demande surtout à chaque mili- tant, le courage d'assumer la politique et les choix du Parti. Il faut bannir définitivement cette dérobade qui consiste à dire pour masquer ses insuffisances et échapper à la critique collective : «Je ne sais pas, c'est la direction». Enfin, il faut cesser d'opposer le Parti d'hier à celui d'aujourd'hui. La seule chose qui change, ce sont les époques et le quotient personnel de chacun. Mais, le Parti d'aujourd'hui est toujours dans la filiation de l'appel au peuple de 1944. Il assume les succès et les échecs de toutes les époques comme son choix de poursuivre la construc- tion d'un Parti Communiste adap - té à notre temps. Quelques douze ans après l'effondrement du système commu - niste en Europe de l'Est, les Communistes guadeloupéens tout en poursuivant leur réflexion pour tirer d'autres leçons utiles pour leur propre lutte, devaient se libérer de leur déception et de leur sentiment d'échec. Leur responsabilité, c'est le retour à l'étude des thèses des théoriciens duMarxisme pour en faire une application origina - le dans le contexte de la Guadeloupe afin de construire le succès politique par leur propre travail et non par les retombées du prestige de l'URSS et du camp socialiste sur notre Parti. Cette révolution de la mentalité doit aussi conduire les communistes à s'attacher aux objectifs fondamentaux du programme du Parti et à cesser de le regar - der uniquement par rapport à ses résultats électoraux, au nombre de mandats électifs détenus et des municipalités gérées par des communistes. Cette conception qui est aussi vieille que l'existence du Parti peut conduire des militants fragiles à cesser toutes activités au Parti.

MILITER AUTREMENT DANS LE PARTI ET DANS LE PAYS

Nous avons suffisamment dit que le Parti n'est pas un cercle d'initiés, un club de loisirs, encore moins une chapelle ou une organisation clandestine. Le Parti est une organisation des travailleurs et du peuple guadeloupéen qui agit au grand jour pour défendre les intérêts de toutes les victimes de l'oppres- sion et de l'exploitation capitaliste ; un outil pour organiser la révolution nationale démocra - tique et anti-capitaliste. Cela signifie que le Parti n'est pas un corps à part, il est partie inté - grante de la société guadelou - péenne, il doit se mêler de tout et être présent dans tous les secteurs de vie du pays. Un Parti Communiste de notre temps, tel que nous voulons le construire, est composé de militants actifs, ouverts à la société ; qui dialoguent partout avec tous les Guadeloupéens, qui sont solidaires et participent à toutes les luttes justes, orientées contre le système colonial et contre l'impérialisme. Des militants qui ne se conten - tent pas de parler et de soutenir, mais qui prennent des initiatives pour organiser concrètement les actions de protestation ; qui interprètent une déclaration de la direction du Parti comme une feuille de route pour agir et pour construire. Il est plus que temps que les mili - tants communistes sortent de leur tanière et partent à la rencontre des travailleurs et des Guadeloupéens pour leur présenter les orientations du Parti et expliquer le fondement de sa politique. Ils ont surtout la responsabilité de travailler pour élever le niveau de conscience des Guadeloupéens en organisant des cercles de discussion, des manifestations qui peuvent réunir les gens pour leurs donner l'occasion de faire part de des idées du Parti. Sans ce travail méthodique, planifié, continu de chaque militant, les adversaires se feront toujours le plaisir de nous dénigrer en faisant savoir que le Parti connaît un «déclin irréversible». Dans le Parti, le militant, de la base au sommet a la responsabilité première de travailler à l'organisation du Parti, c'est- à-dire, à garantir par son comportement et son accord avec la discipline, un fonctionnement correct des structures où il milite, à créer et à maintenir une solidarité active basée sur l'idée d'appartenance au groupe et d'acquérir le réflexe qu'il compte pour un dans la réalisation de toutes les tâches du Parti. Par delà le fonctionnement de sa structure, il doit se sentir concerné par le renforcement global du Parti : le fonction - nement de toutes les structu - res internes et les associations relais, l'implantation du Parti sur tout le territoire, l'aug- mentation de son ef fectif. A ce propos, il faut rompre avec une vieille pratique qui consiste à attendre le nouveau mili - tant. Non ! Le recrutement doit relever d'un plan élaboré avec précision qui indique l'objectif à atteindre, les caté- gories de militants à recruter, la formation à dispenser… Il y a lieu de mener une campagne bien ciblée en direction des jeunes, des femmes, des travailleurs, des intellectuels, des artistes et des cadres. Militer autrement, revient à dire qu'un militant ne peut pas se contenter de vivre à l'interne, de participer à to utes les réunions, les manifestations entre camarades, de payer ses coti- sations pour avoir la conscience tranquille. Mais, si, ce même militant ne dif fuse pas un numéro du journal les Nouvelles Etincelles, ne participe pas à une vente de masse, décline toute invitation à venir présenter la politique du Parti sur les médias ou à représenter le Parti dans une rencontre poli- tique avec d'autres organisations, ne participe à aucune action publique du Parti, quel est son apport militant au développement de la politique et de l'organisation du Parti ? A-t-il le droit de revendiquer le titre de Communiste ?

LE PARTI PEUT-IL ÊTRE EFFICACE SANS MILITANTS FORMÉS ?

Le 20e siècle a été celui de l'ex - plosion des connaissances avec toutes les nouvelles découvertes scientifiques et le boum des nouvelles technologies. Cela conti - nue avec le 21e siècle. T out ce mouvement à changé le rapport de l'homme à l'instruction. Aujourd'hui, plus qu'hier, il faut savoir pour agir et surtout, il faut se tenir en permanence à jour parce que les choses vont vite. Les sciences sociales, l'histoire, l'économie, la culture, ont pro - gressé avec rapidité, boulever- sant les lieux communs et les cer - titudes établies une fois pour toute. Le Marxisme-Léninisme après les événements de l'Est sont sujets à une relecture en y intégrant les conditions de notre époque qui n'était pas celles de Marx et de Lénine. Dans ces conditions, un militant communiste qui prétend lutter pour changer le monde, doit disposer d'une bonne base de connaissance personnelle et d'une formation communiste reposant sur l'étude de la théorie marxiste-léniniste en rapport avec l'histoire, l'économie, la politique, bref, de la réalité guadeloupéenne diagnostiquée par la théorie de Marx. Cette formation doit être à la fois théorique et pratique, préparant les militants pour l'action. Elle doit dépasser le simple cadre de la formation militante pour s'intéresser à l'éducation populaire avec pour objectif de faire émerger la conscience nationale et sociale des Guadeloupéens. La dernière école de formation vraiment sérieuse a été celle dirigée par feu le cama - rade Serge Pierre-Justin, dans les années 70/80. Depuis, pas grand chose. En 1988, nous avons créé une école de formation, le CEPES (Centre d'Education Politique,Economiqu e et Sociale) pour laquelle nous avions de grandes ambitions. Elle a fonctionné moyennement pendant une année, mais, depuis le départ de son premier directeur , Albert Leroy , elle n'a jamais pu redémar - rer. Malgré la présence de diri- geants ayant le profil et la forma- tion, nous n'avons jamais pu trouver lui en trouver un autre. A la veille de ce Congrès, nous avons un très gros déficit de formation. Le pire, c'est que nous avons un certain nombre de diri - geants et de militants qui vivent sur leurs acquis, d'autres, refusant toute formation au prétexte que leur diplôme d'étude universitaire leur donne toutes les clés de la compréhension du mouvement social. Certains, se contentent de recevoir comme formation toutes les informations de propagande que leur distillent les différents médias au service du capitalisme. Une des exigences de ce 13e Congrès, c'est de réfléchir pour apporter des réponses sérieuses et réalisables pour régler cette question de la formation qui reste une tâche capitale pour tout tra vail de redressement du Parti.

Source : Projet de document d’orientation du XIIIeCongrès du PCG (sept.2003)