Pour éviter la mort de Marie-GalantePérennisation de l’usine de Grand-Anse

Nous ne reviendrons pas sur l’histoire de cette Grande Galette dont l’économie fut très fluctuante, en dépit de sa super- ficie réduite, 158 km 2 (15 800 ha), de son relief pas élevé qui lui a conféré l’appellation de Galette avec pour corollaire, un climat plutôt aride.

M algré tout, jusqu’à la fin des années 1960, cette économie centrée sur l’in- dustrie sucrière, l’agriculture, l’éle- vage et la pêche, a contribué consi- dérablement à celle de l’archipel guadeloupéen, en particulier celle de la Guadeloupe dite continentale. Malheureusement, elle connait un déclin continu dû, certes à la conjoncture économique mondiale ayant entraîné un exode massif fai- sant passer sa population de 30.213 habitants en 1946 à 15.870 en 1967 et seulement 10.565 au 1er janvier 2019. Il en résulte, que la double insularité de cette île fait que pratiquement, tous ses besoins, même en fruits et légumes, vien- nent de l’extérieur et dépendent des transports maritimes. Fort heu- reusement, jusqu’ici, ces derniers arrivent à faire face à la demande. Contrairement à ce qui se passait donc jadis, par un accourci, on peut affirmer que Marie-Galante vit à contre-courant de son histoire, depuis les années 1970.

Incontestablement, cette situation relève du fait que l’île a toujours été considérée comme un appendice du papillon guadeloupéen. Aucune volonté de développement, de la part des politiques en responsabi- lité des affaires de la Guadeloupe et encore moins de l’Etat français ne s’est réellement manifestée, sinon que par des constats.

L’explosion, le 14 avril 2021, de la chaudière de l’usine de Grand Anse a été une catastrophe pour les familles des planteurs de cannes et celles des 150 salariés, dont deux tiers sont des saisonniers. Elle a porté un coup d’arrêt brutal au fonctionnement de l’usine, nécessi- tant un transfert momentané des cannes vers l’usine de Gardel par voie maritime, Ce désastre restera, qu’on le veuille ou pas, un motif réel d’inquiétude pour l’avenir. Certes, d’une part, l’enquête du «Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels (BEA-RI)) pour le compte du ministère de la Transi- tion écologique, diligentée par le gouvernement ayant pour seul objet de prévenir de futurs acci- dents, a apporté des réponses et des recommandations. D’autre part, une «Etude et évaluation des perspectives d’évolution de la filière sucrière à Marie-Galante», établie par Antoine de Château Thierry et Jean-Pierre Guérin pour la société CGEFI, Didier Koller pour la société CGAAER, Michel Py pour la société CGEDD, a tiré des conclusions sur la maintenance de la filière sucrière. Trois scénarios sont avancés :

1) L’implantation d’une centrale de cogénération dossée à l’usine pour un coût de 500 millions d’euros.

2) Le transfert par voies maritimes e t terrestres des cannes produites à Marie-Galante vers l’usine de Gardel à Le Moule.

3) La modernisation de l’usine pour un coût de 30 millions d’euros.

Quand on sait les enjeux du sys- tème ultra libéral et capitaliste, on doit s’inquiéter sérieusement. Pourtant, ne serait-ce pas une occasion de réparation dans les anciennes colonies de la France, «quoi qu’il en coûte» ? Que de sang d’hommes et de femmes en effet, réduits ou nés dans l’escla- vage, a fertilisé la terre et huilé les moulins des habitations sucrières !

En outre, ces scénarios sont asso- ciés à onze recommandations, en direction de toutes les parties concernées : le sous-préfet de Pointe-à-Pitre, l’Etablissement public Guadeloupe port Caraïbe, les Sucreries rhumeries de Marie- Galante (SRMG) propriétaires de l’usine, le ministère de la Transi- tion écologique et celui des Outre-Mers, l’usine Gardel et Iguacanne, l’ensemble des Collec- tivités concernées.

L’usine de Grand Anse recommen- cera à fumer vers la mi-mars, pour le grand bonheur des planteurs de Marie-Galante. En ce qui nous concerne, au Parti Communiste Guadeloupéen, nous disons, que l’hypothèse d’un transfert de cannes en Guadeloupe dite conti- nentale doit être abandonnée définitivement. Marie-Galante ne peut se concevoir sans une industrie sucrière avec un outil remis complètement à neuf ou mieux, remplacé. De plus, son développement doit être conçu de façon globale pour inciter ses forces vives à retourner vers la terre, vers la mer, vers tous les métiers d’autrefois regroupés sous l’appellation d’artisanat.

Préserver la terre pour le dévelop- pement agricole, en imaginant des dispositions à prendre pour son exploitation, sans déposséder leurs propriétaires, de façon à assurer la transmission, est une condition indispensable. Car, à défaut d’une telle politique, prenant en compte uniquement l’intérêt de la popula- tion, on arrivera d’ici à 10 ou 20 ans, à la transformation complète et définitive de l’île aux cent mou- lins en un eldorado de retraités exogènes ayant trouvé un havre de paix et d’un lieu d’escale pour des plaisanciers passionnés d’exo- tisme. Il faudra alors, tout comme pour l’époque précolombienne, simplement se référer aux pro- ductions d’historiens, sociologues et anthropologues, pour savoir ce que furent les Marie-Galantais. Un véritable SOS est lancé.