Jimmy Laporal-Trésor en lice pour les Césars 2022

Le court-métrage «Soldat Noir», du réalisateur franco- guadeloupéen Jimmy Laporal- Trésor, est nommé dans la catégorie «Meilleur film de court-métrage de fiction» lors de la 47ème cérémonie des Césars, qui aura lieu le 25 février. Ravi de l’engouement autour de ce projet, il entend poursuivre cette belle lancée.

Vous attendiez-vous à faire partiedes films nommés aux Césars ? Jimmy Laporal- Trésor : Honnête- ment, pas du tout, et j’en suis d’au- tant plus fier que ce court-métrage«Soldat Noir»a fait un petit bout de chemin très surprenant. Cette nomination est un super coup de projecteur pour ce projet qui s’est vraiment défendu tout seul. Depuis sa sortie, en sep- tembre, j’ai un peu la tête concen- trée dans mon prochain film et je l’avais présenté, uniquement, lors de la «Semaine de la Critique». Il semblerait qu’il ait plu et, bien au- delà, de mes espérances. Cela mon- tre qu’il ne laisse pas indifférent et que nous pouvons prendre le risque de raconter autre chose et, surtout, différemment. Qu’évoquez-vous dans «Soldat Noir» ?

L’histoire se passe en 1986 à Paris. Dans la ville des Lumières, des groupes de skinhead commettent de nombreux actes racistes. Un jeune antillais, Hugues, en plein questionnement sur sa place dans la société, intègre un gang de chas- seurs de skins et se bat, la nuit, contre eux

. C’est ma vision du racisme des années 80. Je me bats contre le racisme ordinaire et c’est un sujet très sensible que j’avais envie d’évoquer car il est aussi uni- versel. Ce film est emprunt de faits réels, des souvenirs d’enfance et de témoignages que j’ai récolté. Ça reste ma vision de ce sujet, et en qualité d’auteur, il était important pour moi de créer une vision singu- lière et presque viscérale des faits de racisme qui sont encore trop nombreux. Le film n’a pas pour objectif de faire la morale mais d’amener à réfléchir sur ce que cer- tains ont pu ressentir ou peuvent ressentir. Il y avait beaucoup de colère dans ces chasseurs de skin qui, pour la plupart, étaient des gamins très cultivés et conscients de leurs comportements violents, mais l’ambivalence de l’être humain n’est parfois pas maîtrisable. Comment ce filma-t-il été accueilli ?

Très bien ! Le format court-métrage était idéal pour démarrer un projet comme celui-ci. J’avais besoin de savoir si le public allait adhérer au message et à ma réalisation. Nous avons travaillé sur l’esthétisme du film pour que le visuel et le support soient à la hauteur du sujet. Nous avons étudié notre propos, nous nous sommes documentés pen- dant des mois pour créer ces per- sonnages si radicaux et à la fois si b lessés. Cette période des années 80 et les événements de racisme qui se sont déroulés à Paris ont rare- m ent été abordés dans le cinéma, ce qui est dommage d’ailleurs. Certains spectateurs ont été émus q ue leur histoire soit à l’écran. Le projet est valorisé par le public. C’est ma plus grande fierté. Ce genre de narration, très tranché, sombre et historique, est rare en France. Le «Soldat Noir» vient bousculer par mal de choses…Notamment par la langue.Le personnage principal parle créole. Pourquoi ce choix ?

Hugues est Antillais, comme moi. Il est né à Paris mais il a été élevé avec le créole, c’est sa langue maternelle, comme moi. Nous sommes des négropolitains. A l’époque, ce mot n’était pas péjoratif, mais étonnam- ment, il l’est devenu. J’ai vécu avec ma grand-mère et, à la maison, n ous parlions le créole. Les Antilles étaient toujours avec nous. Je suis très attaché à mes racines et il était i mportant que mon personnage ait ce même lien. Tous mes person- nages ont toujours eu ce lien avec les Antilles et ce n’est pas la pre- mière fois que j’inclus du créole dans m es projets. C’est un parti pris qui marche. Cela met en lumière cette langue et la culture de nos îles. Je pense que c’est aussi ma respon- sabilité en tant que créateur d’his- toires de mettre de l’histoire et de la culture dans mes projets (Jimmy était le scénariste des films : «La Cité rose»et «Mon frère»). Souvent, on parle créole dans les comédies françaises pour amuser la galerie. Souvent, l’acteur antillais est un gag à lui-même. Je trouve cela très réducteur et je trouve qu’il faut donner davantage de place aux acteurs créolophones. Quels sont vos futurs projets ?

Je termine le mixage de mon pro- chain long-métrage, «Rascals», q ui sortira en novembre. De nou- veau, j’y évoque une jeunesse parisienne immigrée, en 1984, qui se retrouve en conflit face aux Boneheads. Ces tribus font entrer e n confrontation. De nouveau, je crée une fiction tirée d’événe- ments historiques, je nourris mon art de cette diversité. Les ten- sions qu’il y a en Guade-loupe sont les mêmes depuis 50 ans. La violence sociale est omnipré- sente parce que l’ordre social n’a pas changé depuis le XVII è me siè- cle. Parler du passé nous permet de faire des analogies avec le pré- sent, qui est une matière très sen- sible, mais nous réalisons, triste- ment, que les problèmes socié- taux aux Antilles sont inchangés.