Honneur à la femme poto mitan «Fanm, nourris toi de tes racines et prends en main ton futur»

En ce jour du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, j’exprime mon entière solidarité aux femmes de mon pays et du monde engagées depuis le début de l’humanité aux côtés des hommes, et souvent, en forçant la résis- tance de ces derniers, dans la construction d’une société de justice, d’égalité et de plein épanouissement pour tous.

De l’indienne Taïno, Anacaona, de l’île d’Hispaniola à l’ère de la société précolombienne, en passant par Nanny de la Jamaïque, esclave née au Ghana, Mariella Grajellas Cuello, mère de la patrie cubaine, à la mulâtresse Solitude, la combattante anti-esclavagiste guadelou- péenne, les femmes de notre espace caraïbéen ont participé à cette grande épopée qui a rendu possible l’entrée dans le monde de la modernité.

Ce sont des femmes debout, des héroïnes, des «fanm poto mitan»! Des femmes qui por- taient les valeurs de courage, de vaillance, de résistance, de stratégie et de détermination qui fondent notre identité et notre culture.

C’est avec cet héritage que les femmes de Guadeloupe sont entrées dans la société matriarcale post-esclavagiste qu’elles ont marquée, modelée, en puisant dans leur riche expérience de luttes multiformes contre la violence de l’esclavage pour survivre, défendre leurs enfants, protéger leurs compagnons d’infortune.

La dénomination de «fanm poto mitan»tire son origine de cet héritage et symbolise le rôle majeur de la femme dans le fonctionnement de la cellule familiale, l’organisation de l’espace social, l’engagement dans la recherche d’un meilleur avenir pour les siens dans une société de solidarité. Ce rôle, les femmes l’ont assumé méthodiquement, en conscience, en toute sérénité, sans chercher à réveiller les vieilles blessures de l’esclavage infligées à la masculi- nité et au statut de l’homme.

Je ne dis pas que la situation de la femme était idéale et la meilleure du monde dans une société basée sur la domination, l’exploitation, les discriminations, le racisme et la violence. Cette idéologie dominante imprégnait la conscience de toutes ses victimes et déterminait leur comportement. C’est pourquoi, il n’est pas question ici de nier les formes de violence et de domination qui pouvaient exister dans les rapports hommes-femmes.

Mais, j’affirme que les héritières des «fanm doubout»et des héroïnes qui ont livré bataille contre les envahisseurs et pour briser les chaînes de l’esclavage, n’ont jamais, dans les conditions de leur époque, choisi délibérément ou par faiblesse, la situation de soumission, de maltraitance, de négation de leur liberté.

La «fanm doubout», n’a jamais été une serpillère. La famille matriarcale doit être regardée dans sa dualité. Elle reposait, au fond, sur une division de rôle assumée : à l’extérieur, c’était la sphère d’influence de l’homme ou le machisme jouait à fond ; à l’intérieur c’était la femme, l’organisatrice en chef du présent et de l’avenir du foyer, des enfants, du mari ou compagnon. C’est dans cet équilibre que notre société a avancé positivement.

La «fanm poto mitan»ne sort pas de l’imaginaire. Ce n’est pas une construction purement intellectuelle. Son existence s’inscrit dans la lutte de classe dans notre société, en ce sens qu’elle participe, depuis l’origine, à la transformation de cette société, par son engagement dans les luttes sociales, politiques et culturelles. Elle a évolué. Elle est sortie de la maison familiale pour se placer en poto mitan dans la maison Guadeloupe.

La femme «poto mitan»d’aujourd’hui a fait depuis longtemps sa métamorphose. Elle est femme dans son corps, la mère de ses enfants, la femme de son homme, la professionnelle dans son métier, la militante politique et syndicale, l’acteur des arts et de la culture, la défenseuse de la nature.

Je m’oppose et je m’opposerai toujours à toutes tentatives de falsification de l’histoire de la Guadeloupe poursuivies par le système et ses affidés afin de présenter l’image de la femme «poto mitan» comme une tache, une malédiction à effacer.

Honneur à toutes ces femmes «poto mitan»de la Guadeloupe qui poursuivent l’engage- ment de Solitude, de Gertrude, de Gerty Archimède et toutes les autres, qui défendent les valeurs de la famille, qui luttent sur tous les fronts pour leurs droits de femmes et de tous les citoyens !

Honneur à ces femmes «poto mitan»des services de santé, interdites d’exercer leur pro- fession depuis plus de six mois, par des institutions de l’Etat français !

Honneur à man Bébé, «fanm poto mitan»qui, en totale harmonie avec son mari Bébé, a mis ses enfants debout, bien verticalement, dans la société !