L’ABSTENTION :Causes, conséquences

L’abstention phénomène socio-politique qui a cours certes sous toutes les latitudes et qui met en relief le caractère spécial de la chose électorale dans les pays colonisés, singu- lièrement dans le pays Guadeloupe non encore par- venu à la décolonisation.

C ette composante de la vie civique n"a pas fini d"alimen- ter les conversations, et aussi susciter interrogations chez les commentateurs politiques. Elle se motive par la décision de l"élec- teur, suivant qu’à l"expiration de son mandat l"élu aura satisfait les doléances de ses mandants, ou qu’il promet de le faire au cours d’une mandature ultérieure.

L’on s’aperçoit que l"abstention prend des proportions grandis- santes à mesure que s’accentue le différentiel entre nos spécificités et les évolutions de la société capita- liste. À cela s"ajoute au sein du pay- sage politique guadeloupéen les insuffisances politiques de nos représentants, la disparition du dés- intéressement, de la rectitude, du courage politique. Il y a de toute évi- dence un lien de causalité entre la désertion croissante des bureaux de vote par le citoyen et l"irresponsabi- lité des élus.

LES MEDIAS INFLUENCENT NEGATIVEMENT LES ELECTEURS

On observe notamment en pays colonisé que l’information 4ème pouvoir après le Législatif, l’Exécutif et le Judiciaire, est orientée, diffusée dans le sens d"une appréciation par- tisane des faits, dépouillée de toute neutralité. Elle influence négative- ment l’électeur qui ne se soucie point de savoir de quelle classe sociale se réclame le candidat qui sollicite ses suffrages ; à savoir s"il représente la classe bourgeoise, ce qui est souvent le cas, ou s’il repré- sente les masses populaires. Il se réfugie le plus naturellement du monde dans le sentimentalisme, sans s"interroger. Le mal-être per- siste et s’amplifie au grand dam du citoyen. Il est de la plus haute importance de mettre à nu le calcul des politiciens.

Pour ce qui concerne la psycholo- gie de l"électeur, ce n"est pas en vouant une gratitude infinie à un chef d’édilité à chaque élection, en échange d"une faveur à lui accorder, que son sort changera, si les intérêts que défend l’élu sur la scène politique sont diamétra- lement opposés aux siens.

Voilà qui entrave le jeu démocra- tique et c"est ce qui se produit à l"oc- casion des échéances électorales dans la plupart des cas, et provoque les désillusions, l"indifférence de l’administré, et, à terme, son éloi- gnement des bureaux de vote.

La crise sanitaire a mis en pleine lumière la déconcentration en renforçant la mainmise du pouvoir central sur la marge de manoeuvre déjà réduite dévolue aux collecti- vités locales. La répression syndi- cale étant un épiphénomène, fait partie intégrante des ingrédients du régime.

Comme les institutions départe- mentales sont dépassées et inadap- tées, parce que symbolisant une législation propre à la France, et de surcroît l"affiliation à l"Europe qui bouscule nos habitudes de vie, l’électeur n’éprouve de ce fait aucun engouement à se déplacer pour aller voter, se référant principale- ment aux conduites de nos politi- ciens : on prend les mêmes et on recommence.

Aussi longtemps que nous nous résignerons à placer les mêmes hommes, les mêmes chevaux de retour à la tête des Assemblées locales ou en leur substituant d"autres individus de la même mouvance, les choses resteront toujours en l"état, et le corps élec- toral dans sa majorité sera légiti- mement insatisfait. LE DENOMINATEUR COMMUN L’IRRESPONSABILITE DES ELUS

En tout état de cause le dénomi- nateur commun à toutes les dérives que nous connaissons est l"irresponsabilité des élus. En réa- lité, nos représentants ne cessent de faire étalage de leur docilité, leur complaisance, leur légèreté politique, et sont l"objet d"une attention négligeable de la part du Pouvoir qui les infantilise, mais ils persistent malgré tout à évacuer la question du statut politique. Face à ces volteface impardonna- bles, ces retournements incessants de veste, l’électeur guadeloupéen désemparé, las de se laisser couillonner, croit donner libre cours à son mécontentement, exprimer son dégoût de la chose électorale en boudant les urnes. Mais le fait de ne pas aller voter nous condamne à l"immobilisme et bloque, à plus ou moins long terme, toute mutation des institutions.

Soyons donc réalistes, mettons un terme à nos états d"âme en priori- sant la raison, à savoir : choisir le candidat qui ne nous gratifie pas d"un verbiage stérile, mais qui paraît le plus réceptif à nos souffrances ; sous réserve qu’il se réclame claire- ment du courant progressiste car, l’élu que l"on croit être son ami dans la vie quotidienne est peut-être son ennemi en politique. Comme quoi, les faits quotidiens confirment la véracité du vieil adage : «Fò pa ou pwan dlo moussach pou lèt !».