Burkina Faso : L’ex-président Blaise Compaoré condamné pour l’assassinat de Thomas Sankara

Mercredi 6 avril 2022 : le ver- dict est tombé. L’ancien chef d’État Blaise Compaoré, accusé de l’assassinat de l’ex-président du Burkina Faso Thomas Sankara en 1987, a été condamné à la prison à perpé- tuité par le tribunal militaire de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. En exil en Côte d’Ivoire depuis 2014 où il a été accueilli par le président Alassane Ouatara, Blaise Compaoré a été condamné par contumace.

FAITS HISTORIQUES

Le Burkina Faso, anciennement nommé la Haute-Volta, a obtenu son indépendance en août 1960. Depuis son indépendance, il a connu une certaine instabilité du fait des coups d’Etats à répétition le plus souvent militaires. C’est ainsi que lors des évènements du mois d’août 1983, un nième soulève- ment d’une partie de l’armée va provoquer la constitution d’un nou- veau gouvernement avec comme chef d’état le capitaine Thomas Sankara (33 ans) et son bras droit le capitaine Blaise Compaoré.

Reconnu comme un homme d"État anti-impérialiste, révolution- naire, socialiste, panafricaniste et tiers-mondialiste, le président Thomas Sankara a mené jusqu’en 1987 une politique d"émancipa- tion nationale, de développement du pays, de lutte contre la corrup- tion ou encore de libération des femmes. Il a été aussi à l’origine du changement du nom de Haute- Volta issu de la colonisation en un nom africain : Burkina Faso, qui signifie Pays des hommes intègres

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La programmation de l’élimination de Thomas Sankara par le pouvoir français a abouti le 15 octobre 1987. Avec douze autres de ses camarades, lors d’une réunion au siège du Conseil national de la révo- lution (CNR) dans la capitale (Ouagadougou), il fut assassiné par les putschistes aux ordres de Blaise Compaoré. Puis on connaît la suite, Blaise Compaoré exercera le pou- voir avec la complicité des com- manditaires (français et africains aux ordres de Paris) de cet assassi- nat pendant près de 27 ans !

Le peuple du Burkina Faso n’a jamais cessé d’exiger que toute la vérité soit faite sur l’assassinat de Thomas Sankara et que soit jugé les coupables. C’est ainsi que 34 ans après sa mort, en octobre 2021, un procès s’est ouvert ans la présence de Compaoré devenu citoyen de la Côte d’Ivoire. Et quelques mois plus tard, le 8 février 2022 plus exacte- ment, 30 ans de prison ferme avaient été requis par le parquet du tribunal militaire de Ouagadougou pour attentat à la sûreté de l’État et complicité d’assassinat. Puis le 6 avril 2022, il sera condamné par contu- mace à la prison à perpétuité.QUEL A ÉTÉ LE RÔLE DE LA FRANCE DANS CE CRIME ?

Malgré la condamnation prise à l’en- contre de Blaise Compaoré et de ses amis, il n’en demeure pas moins que ce procès n’a pas livré toute la vérité sur l’assassinat de Thomas Sankara. Trente-cinq ans après, une question hante tous les esprits : Quel rôle la France a-t-elle joué dans l’assassinat de Thomas Sankara ?

À cette question, impossible aujourd’hui d’apporter des réponses définitives. Car il n’existe pas, à ce jour, de preuve d"une implication française. Mais le doute persiste. Il est renforcé, trois décennies plus tard, par de nouveaux témoignages. Des confidences d’acteurs de l’époque qui éclairent cette période, évoquent le rôle qu’aurait joué la France dans l’organisation du putsch aux côtés de Blaise Compaoré, des présidents de l’époque de la Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny et duGabon Omar Bongo. Les télé-

grammes de l’ambassade de France a u Burkina Faso aujourd’hui accessi- bles aux archives du ministère des Affaires étrangères attestent des sujets de tension entre Paris et Ouagadougou, dès l’arrivée de T. S ankara au pouvoir. Ce dernier dénonçait sans relâche la France, l’exploitation et la domination impérialistes jusqu’à demander au sommet de l’OUA (Organi- sation de l’Unité Africaine) l’an- nulation de la dette de l’ensem- ble des pays africains. Nous étions en juillet 1987.

Les dirigeants de la Françafrique à l’époque ne permettaient pas qu’un chef d’État africain soit indé- pendant et développe sa propre politique étrangère. Ce système ne s upportait pas la dissidence pana- fricaine que représentait Thomas Sankara, qui risquait de faire des é mules auprès d’autres chefs d’État. Trois mois plus tard, après la déclaration fracassante sur l’an- nulation de la dette, c’est-à-dire en octobre 1987, Sankara est éliminé lors d’un putsch.

En dépit de ne pas avoir permis de faire la lumière sur l’éventuelle res- ponsabilité de la France dans cette sombre affaire, la condamnation de Blaise Compaoré va-t-elle lais- ser la place à une nouvelle aire au Burkina Faso. Celle de la réconcilia- tion nationale !