Le vote Le Pen un électrochoc salutaire

Les 69,60% de voix obtenus par la candidate du Rassemblement National au 2 ème tour des élections présidentielles alimentent depuis la clôture du scrutin, un débat cinglant et méprisant qui divise et dresse les Guadeloupéens les uns contre les autres.

De mémoire d’observateurs, jamais, depuis la décentralisation, les électeurs n’ont été aussi décriés, montrés du doigt pour leur vote exprimé démocratiquement. Même, lorsque des Guadeloupéens ont voté pour élire Ibo Simon, un activiste raciste, xénophobe, anti-nègre aux élections régionales de 1998, les censeurs d’aujourd’hui n’ont rien trouvé à dire. Mieux, ils affichaient leur satisfaction parce que Ibo était à égalité avec les communistes dans les urnes. Malgré l’activisme musclé de «Ti-George», ses frasques à la télévision et son soutien grandissant dans une large fraction de la population, les donneurs de leçons d’aujourd’hui regardaient ailleurs et ne voyaient aucune menace fasciste qui se mettait en place contre les immigrés venant de la Caraïbe et les syndicalistes guadeloupéens.

Les partis de la gauche communiste, les forces sociales, les honnêtes gens du pays, ont fait front pour dévitaliser «la bête immonde» et l’empêcher de s’incruster dans notre société. Nous reconnaissons qu’il y a des comportements racistes dans notre communauté, mais il n’y a pas, à notre connaissance, de foyers d’actions racistes et xénophobes organisés qui agissent ouvertement.

Cependant, la progression à chaque élection des voix obtenues par le Rassemblement National et par Marine Le Pen nous oblige à réinvestir politique- ment le champ de la lutte contre le racisme, la xénophobie et la négrophobie, pour désactiver cette bombe à retardement sur le terrain.

Maintenant le vote pour Marine Le Pen, qui n’a pas encore de véritables racines dans le pays, soulève d’autres problèmes que la lutte contre les idées du Rassemblement National qu’il faut mener sans concession, sur tous les terrains. D’ailleurs, les pourfendeurs du vote Le Pen au second tour ne s’attaquent pas aux idées et programme de cette candidate, mais sont plutôt dans une démarche d’accusation des électeurs qui ont fait ce choix, en se positionnant à partir des valeurs morales et éthiques en mettant en avant des arguments sociaux histo- riques. On ne peut pas brûler les Guadeloupéens qui n’ont pas les mêmes rapports dans leur vécu avec le fascisme, la xénophobie, le nazisme. Alors que les Français qui ont l’expérience des «croix de feu», du nazisme, du pétainisme, de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), votent à 42% pour Marine Le Pen.

Les arguments moraux ou philosophiques ne répondent pas aux questions que pose le vote du 1 er et du 2 ème tour des élections présidentielles. Pour tout analyste lucide, il est clair que ces votes en faveur de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen ne procèdent d’aucun choix politique et idéologique. Ce sont des votes sanctions. Mais, c’est surtout, un électrochoc qui entraîne un véritable séisme dans la vie du pays, surtout après le vote massif du 2 ème tour pour Marine Le Pen, malgré le choix du vote par un bulletin manuscrit «Guadeloupe» proposé par le Parti Communiste Guadeloupéen (PCG).

Une grande faille s’est ouverte dans le champ politique guadeloupéen, et il faut s’atteler à la refermer ensemble, avec respect et humilité. Cela passe par un travail long et patient de reconstruction des partis politiques utiles à la Guadeloupe et le renouvellement du personnel politique qui a perdu toute crédibilité.

Cela commande d’engager la véritable révolution culturelle portant sur le changement de mentalité et de comportement pour sortir de la crise aujourd’hui consommée afin de rétablir la confiance dans la politique.

Le message principal délivré par ces élections est clair. Il nous faut revenir aux fondamentaux de la politique, à la lutte des classes, fermer les portes du théâ- tre où se joue la négation de la politique avec des mauvais acteurs enchaînés à leurs ambitions malsaines, plaquées sur un vide idéologique lequel sert toutes les compromissions.