Pour l’éternité… Le mois de Mai en ce péyi-Guadeloupe

Jamais marqueur n"a autant forgé de son empreinte à travers les âges, l"émergence d"un peu- ple nouveau sur la scène du monde : le mois de Mai... Ce mois du peuple guadeloupéen.

H éritier de l"immense civili- sation amérindienne insu- laire, qui durant des millé- naires circonscrit la première humanité caribéenne de cette terre, le peuple guadeloupéen moderne surgit de l"enfer esclava- giste et colonial, palpitant de la déportation massive d"Africains, deux siècles durant, à partir de 1635 au XVII ème siècle.

Un enfer dont la déflagration de l"inattendue guerre de Guadeloupe au cours du mois de Mai 1802, atteste de l"irruption d"un peuple spécifique, doté d"une force de caractère singulière. Cette guerre du mois de Mai qui s"achèvera par les sacrifices suprêmes des 25 (bataille de Baimbridge et mort d"Ignace), 26 (les 100 fusillés de La Darse), 27 (les 150 fusillés de Fouillole) et 28 mai (bataille et explosion de Danglemont, mort de Delgrès), tel le point d"orgue lumi- neux d"une naissance nouvelle au coeur de la Caraïbe. Unique et exceptionnelle, au mois de Mai...

Un enfer, dont l"un des leviers, le mode de production esclavagiste, s"écroulant sous de multiples coups de boutoirs (internes à la Guade- loupe et à la Caraïbe, externes venus d"Europe et monde), ne tarde pas à s"abîmer dans les flots de la liberté humaine, moins de 50 ans après la guerre de Guadeloupe

. Une fois de plus au mois de Mai, le 27 mai 1848 où le gouverneur de la Guadeloupe sous la contrainte bouillonnante des «masses ser- viles» guadeloupéennes est obligé d"abolir l"esclavage dans une incroyable atmosphère de liesse populaire. Encore un 27 Mé... Tel le fruit mûr d"une incroyable énergie, rebelle et tenace...

Ainsi le mois de Mai, qui au début puis au milieu du XIX ème siècle inscrit ce jeune peuple dans une dyna- mique historique sienne reliée au reste du monde, entrouve alors l"écriture d"un récit lui appartenant. À lui et lui seul...

Récit qui, un siècle plus tard, peu après le milieu du XX ème siècle, s"en- richira des apports politiques et sociaux de la «révolte ouvrière de Brest» à Capesterre Belle-Eau le 16 mai 1950 et encore au mois de Mai les 26 et 27 Mé 1967 d"une épreuve sanglante alors sidérante, improm- ptue, pour nombre de contempo- rains comme inimaginable… Telle une nouvelle page du récit collectif amorcé au coeur de l"enfer esclava- giste en 1802... Mais pour cette fois, du coeur de l"enfer colonial, par les morts et les blessés de Pointe-à- Pitre, ainsi que les nombreuses arrestations de Guadeloupéens sur tout le territoire.

Angélus sacré du mois de Mé pour le peuple guadeloupéen. Ce mois existentiel témoin d"une expérience au monde propre à sa terre, mois de combattants, d"épreuves, de luttes multiformes, de don et d"affirma- tion de soi, de sacrifices, d"aspiration à la Liberté, au delà des siècles et des systèmes imposés par le colonia- lisme français…

Mois de souffrance et d"espérance, de croyance. Croyance en ce «Nou sé Gwadloupéyen». Pour l"Éternité... En ce péyi-Gwadloup !