Une préfète déléguée pour sauver Marie-Galante Faut-il rire ou pleurer ?

Une telle annonce aurait été faite un premier avril, à coup sûr, personne n’aurait été piégée : C’est un gros poisson d’avril aurait-on affirmé.

F aite donc au mois de mai, alors oui, c’est une réalité. Mais on, se demande pour- quoi pas également un préfet pour La Désirade et un pour Les Saintes. Car, un SOS pour le salut des îles du Sud se renouvelle chaque année par les socioprofessionnels et des chefs d’édilité, depuis une cinquantaine d’années, sans qu’aucune réponse sérieuse en ait fait écho. Pourrait-on penser à une tentative de division, élections législatives obligent ?

Il semblerait que l’explosion de la chaudière de l’usine de Grande- Anse, le 14 avril 2021, et la tension sociale qui s’en est suivie, auraient motivé cette décision, pour ce qui concerne Marie-Galante, cette île de 150 km 2 . Pourtant, depuis plu- sieurs décennies, on assiste à l’exode de sa jeunesse, le vieillisse- ment de ses forces vives, la dispari- tion de toutes ses productions rele- vant de la terre ou de la mer, et en conséquence, le déclin, sans doute irréversible, de son économie, alors que jadis, elle fut l’un des greniers de l’archipel guadeloupéen

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Il est vrai aussi que de campagnes électorales en campagnes électo- rales, de conseils municipaux en conseils municipaux, souvent plu- sieurs fois reconduits, de syndicat intercommunal de Marie-Galante créé le 21 décembre 1965 à Com- munauté des communes de Marie-Galante, créée le 18 janvier 1994, les Marie-Galantais ont été seulement hypnotisés par des tristes constats, gavés de bonnes paroles d’espoir. Ils ont toujours attendu désespérément le début d’un redressement.

Malheureusement, la nature ayant horreur du vide, ce déclin profite de façon très accélérée à d’autres spé- culateurs venus d’ailleurs qui par- viennent à devenir propriétaires du foncier bâti et non bâti et bien déci- dés à faire comprendre : «Ôte-toi que je m’y mette», dans ce pays paradisiaque. Certes, on peut tou- j ours le regretter mais, les Marie- Galantais sont aussi confrontés à leur survie, dans des conditions a cceptables.

Il convient donc de se demander, si ce salut de la Grande-Galette devait passer par la nomination d ’une préfète, fut elle guadelou- péenne, Chantal Ambroise, avec pour mission, l"évaluation du po- tentiel et l"élaboration d"un projet de territoire pour Marie-Galante. Une fois de plus, cette décision s’apparente à une volonté de démontrer l’incapacité des élus et socioprofessionnels à élaborer en toute responsabilité un projet pour leur territoire et le faire accepter par le gouvernement.

Elle relève de la même dynamique de réquisitionnement par l’ex-pré- fet de Guadeloupe Philippe Gustin pour les travaux d’adduction d’eau potable, ou de la stratégie du minis- tre des Outre-Mer Sébastien Lecor- nu, consistant, d’une part, à donner par lettre, des directives aux prési- dents de Région Ary Chalus et du Dépar-tement Josette Borel Lin- certin pour la création d’un Syndicat mixte ouvert (SMO) ; d’autre part par parlementaires interposés, Justine Bénin et Dominique Théo- phile, de la présentation d’une pro- position de loi pour la création d’un tel syndicat, selon sa vision.

Nous respectons l’espoir exprimé, une nouvelle fois, par le Collectif des îles du Sud, à la suite de la mission confiée par le préfet de Guadelou- pe, Alexandre Rochatte, à Chantal Ambroise, en tant que préfète de Marie-Galante. Depuis 2000, pré- cise le Collectif, dans un communi- qué daté du 12 mai 2022, «de mul- tiples dossiers ont été adressés aux différents gouvernements».

En vérité, du point de vue gouver- nance, la Guadeloupe va très mal. Il est insupportable de constater que rien ne peut être construit sérieuse- ment sans qu’un technocrate ne vienne superviser et avaliser le diag- nostic d’hommes et de femmes de terrain, en contact quotidienne- ment avec les réalités de leurs admi- nistrés. Une situation qui pourrait être évitée d’ailleurs si ceux qui sont en charge des affaires du pays, au niveau de toutes les collectivités ne faisaient pas preuve d’autant d’iner- tie, de tergiversation ou de manque de courage, pour réclamer avec force, la prise en main de leur pays, en toute responsabilité. Car, c’est bien de cela qu’il s’agit. L’heure est d onc plus que jamais à l’autodéter- mination.

E n effet, il est opportun de rappeler que la Guadeloupe attend un projet de société depuis plus de trente ans et, en dépit des dix huit mois de sur- sis accordés par le président de la R épublique Nicolas Sarkozy en 2008 à la demande des élus, ce pro- jet n’a jamais vu le jour. Le 16ème Congrès des élus qui s’est soldé par quatre articles signés par le prési- dent Ary Chalus le 20 décembre 2019 n’a été qu’un Congrès de plus que l’on peut qualifier, selon nos coutumes : «an ti-lélé pou gaga vwè». D’ailleurs, dans une situation aussi critique, à la demande de la présidente de la Communauté des communes de Marie-Galante, Maryse Etzol, l’article 3 de la fameuse résolution se terminait par un volte-face : «Une organisation territoriale spécifique sera à définir pour les Iles du Sud».

La question cruciale qui se pose aujourd’hui : plus de deux ans après ce Congrès, les conseillers communautaires de Marie-Galan- te seront-ils en mesure de présen- ter à la préfète Chantal Ambroise cette «organisation territoriale spécifique», avec un projet de gouvernance politique, écono- mique et social bien ficelé, en concertation avec le Collectif des îles du Sud, pour le salut de l’île de Marie-Galante, ou attendront-ils que celui-ci leur soit tout simple- ment dicté ? L’avenir nous dira alors s’il faut rire ou pleurer.