Haïti : Après les catastrophes naturelles, celle des gangs fait des ravages !

Si Haïti, la première République noire, le premier État noir des Temps modernes et le deuxième État indépendant d"Amérique (après les États-Unis), connaît depuis des lustres, une multipli- cation de catastrophes natu- relles (cyclones, tremblements de terre), il connaît aussi mal- heureusement d"autres catas- trophes toutes liées d"une façon à une autre.

C itons tout d"abord, la catas- trophe humanitaire, laquelle est une conséquence de ces catastrophes naturelles. Il est estimé qu"environ 43% de la population du pays aurait besoin d"une aide humanitaire pour cette année en cours.

Comme d"habitude, des confé- rences internationales promettent monts et merveilles, mais l"on sait que parallèlement, la corruption est tellement importante que Haïti n"arrive pas à sortir la tête de l"eau.

D"autre part, l"instabilité politique a aggravé fortement la situation du pays. Depuis la fin du mandat du président artiste M. Martely, le pays n"a jamais connu d"accalmie. Suite à la présidence provisoire de Privert à partir de février, c"est Jovenel Moïse qui lui a succédé en devenant le pré- sident élu en novembre 2016 et prise de fonction en février 2017. Et depuis, c"est le désarroi.

Élections législatives repoussées, affaires de corruption, augmenta- tion du prix de carburant, insécurité alimentaire, situation sanitaire, gou- vernance du président par décret

. Des mouvements de protestation ont depuis 2018 se sont multipliés quoiqu"un peu mis en veilleuse par l"apparition du covid. Finalement, cette situation s"est soldée par l"as- sassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. A ce jour, malgré les tentatives de mise en place d"un président et d"un gouvernement, Haïti reste dans l"incertitude totale. Le Premier ministre haïtien, Ariel Henry, qui occupe la fonction de président provisoirement a renou- velé son projet d"organiser au plus tôt des élections ainsi qu"une consultation populaire pour l"adop- tion d"une nouvelle Constitution.

Dans un pays sans gouvernance réelle, la loi du plus fort prend le des- sus. C"est ainsi qu"une nouvelle catastrophe est apparue. Elle est hors de contrôle à ce jour, meur- trière, n"épargnant ni les étrangers et ni les haïtiens, touchant les hommes comme les femmes. C"est la guerre des gangs !

Ce n"est pas un phénomène nou- veau en Haïti mais cette fois la situation est explosive depuis plu- sieurs semaines.

Selon les autorités haïtiennes, les combats opposent principalement le gang de «Chyen méchan» à celui des «400 Mawozo». Le théâtre de ces violences sème la terreur non seulement dans les quartiers du Nord-Est mais également dans le reste de l’agglomération de Port- au-Prince. La population vit sous la peur en raison de rafales d’armes automatiques de gros calibre.

La communauté haïtienne appelle à un placement du pays en situation d’état d’urgence pour tenter de ramener le calme. Le constat est clair aujourd’hui, l"ad- ministration du Premier ministre Ariel Henry ne peut juguler la vio- lence qui s’installe à travers Port-au- Prince… malgré l"aide de la commu- nauté internationale pour renforcer les services de police.

Et pendant ce temps-là, le chaos perdure avec cette crainte de voir ces combats se déplacer dans d’au- tres zones de la capitale.

L’ONU a annoncé qu’au moins 75 personnes avaient été tuées, dont des femmes et des enfants tandis que le Réseau national de défense des droits humains a dénombré au moins 148 personnes tuées en l’espace de seulement 13 jours, du 24 avril au 6 mai. Une violence extrême caractérise la situation : tués par balles ou à l’arme blanche, certains habitants brûlés vifs, dans leur maisons ou en pleine rue, avec des pneuma- tiques. L’organisation rapporte l’existence d’une fosse commune où l’une des deux bandes armées aurait enterré 30 cadavres, car les corps, laissés en pleine rue sous le soleil, entraient en décomposi- tion ! Des rapts, des séquestra- tions, des enlèvements, des crimes sexuels, y compris des viols collectifs sur des enfants âgés d’à peine 10 ans sont égale- ment cités dans ce rapport.

QUID DE LA RÉACTION INTERNATIONALE ?

Face à la grave situation que tra- verse Haïti, plusieurs rencontres i nternationales se sont tenues. La dernière en date s"est tenue d"ail- leurs en France. Pour quels résul- t ats ? Va t-on continuer à annon- cer des dons colossaux pour offrir de «l’aide humanitaire» devant appuyer soi-disant le «développe- ment international» ?

Ira-t-on vers une collaboration moins paternaliste afin de contri- buer à établir et à garantir la paix civile; afin de traiter la situation d’in- sécurité à sa source; afin de dialo- guer directement avec le Conseil national de transition incluant les représentants des divers accords et le chef intérimaire du gouverne- ment provisoire haïtien, Ariel Henry, dans le but de réaliser une feuille de route visant la mise en oeuvre des élections présidentielles et générales selon un calendrier d’action concret ?

Mais en fait, même avec une autre approche internationale, il sera urgent et capital pour les représen- t ants haïtiens que la crise de confiance soit résolue afin d"enta- mer un vrai dialogue. Dans un pré- c édent article, nous évoquions le symbole que représentait le dra- peau haïtien : celui de l"union, n écessaire pour la transformation et le développement du pays. Cette union est forcément basée sur confiance. Or, la recherche de cette confiance se bâtit par le respect d’autrui, par la construction du vivre et travailler ensemble pour le bien commun.

Et pourtant en Haïti, une note d"es- poir existe bien car des expériences locales sont entamées comme par exemple dans la région des Palmes, l"initiative de coopération munici- pale exercée dans un climat de transparence et de confiance basé sur la collaboration intercommu- nale haïtienne. Nous pouvons citer aussi la création du Comité inter régional des citoyens en 2018 qui a servi d’interface entre les mairies et les communautés, incluant la parti- cipation des citoyens aux réunions avec les autorités locales. Gageons que ces expériences puissent per- mettre aux représentants haïtiens de franchir ce cap de la mise en confiance, de l"union des forces pour sortir le pays dans cet engre- nage et dans cette spirale qui conduit le pays vers sa destruction.