Revenons à la politique !
«La politique n’est pas là pour faire le bonheur des hommes. Elle est là pour combattre le malheur et, elle seule, à l’échelle d’un pays ou du monde peut le faire efficacement». André Comte-Sponville (Le capitalisme est-il moral ? - 2004).
Le trou noir qui s’est ouvert après les résultats du 2 ème tour des élections présidentielles s’est élargi au premier tour des élections législatives le 11 juin 2022, en Guadeloupe. Les acteurs de la politique, les analystes et autres politologues se tritu- rent les méninges pour proposer une lecture crédible des résultats sortis des urnes. Ils ont du mal, parce qu’il n’échappe à personne que la roue de la politique tourne de plus en plus folle en Guadeloupe et la visibilité est de plus en plus basse.
Face à cette situation, il serait trop simpliste de penser et de dire que la politique ne sert à rien, que l’on n’a plus besoin de politique. Il faut plutôt avoir le courage de se livrer à une introspection, sans conces- sion, du champ de la politique en Guadeloupe, depuis l’avènement de la départementalisation. On se rendra compte que la défiance et le rejet de la politique qui se sont aujourd’hui ancrés dans le comporte- ment et la mentalité des gens se nourrissent des pratiques et choix politiques mis en oeuvre par les partis, les élus politiques, les institu- tions depuis 1946 jusqu’à ce jour, à travers des slogans tels :
- «Lotonomi sé zasièt vid», avec un chien dévorant un os en 1ère page de France-Antilles. - «Nou pa fwansé, nou pa ka voté» - «Elèksiyon, on bwèt a krab», du «Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe (Gong)». -«Pati Kominis Gwadloupéyen, «La grande imposture», du Collectif Tyok. - «Guadeloupéen, mais Français !»: de Lucette Michaux-Chevry en 1980. - «Nou pa ka acheté chat an sak»: de la Fédération du Parti Socialiste Français, en 2003.
A quoi il faut ajouter les choix impardonnables dictés par la concupis- cence et le désir malsain de monopoliser un pouvoir éphémère qui ont conduit les clans Henri Bangou et Dominique Larifla à démante- ler simultanément en 1991, les premières forces politiques organi- sées en Guadeloupe : Le Parti Communiste Guadeloupéen et la Fédération du Parti Socialiste, devenus majoritaires depuis 1985, dans le cadre d’une alliance historique.
Cette stratégie de liquidation politique a abouti naturellement à la trahi- son, en plein jour, de l’électorat de gauche par le PPDG et La Fruit.G deve- nue le GURS. Ces derniers, ont offert sur un plateau d’argent, la prési- dence du Conseil régional à Lucette Michaux-Chevry en 1992, ouvrant ainsi les portes de l’enfer à la Guadeloupe.
En invitant quelques années plus tard, le représentant du Front National qui n’avait alors aucune légitimité en Guadeloupe à la tri- bune du Congrès des élus, le président du Conseil régional apportait sa couche au processus de dénaturation et de pourrissement de la sphère politique en Guadeloupe, entraînant la fuite de l’électorat par- ticulièrement de gauche.
Tous ces manquements et ces déviances des politiques ont bénéficié du silence et des masko d’une élite profondément marquée par le mimétisme aux «maîtres blancs» et devenue adepte du maskoper- manent dans les rouages des administrations départementales, le cadre idéal de sa promotion.
Dans cette atmosphère polluée, la politique a perdu ses lettres de noblesse, sa raison d’exister, pour devenir un lieu de spectacle ou les poli- ticiens-acteurs jouent de plus en plus mal devant des salles vides. La poli- tique est-elle finie pour autant ? Nous disons franchement non ! Il y a rejet de la politique, telle qu’elle est pratiquée, et des politiques tels qu’ils se comportent. Il faut libérer la politique des vieilles pratiques, des perver- sions politiciennes, et revenir à la vraie politique, celle qui est là pour com- battre le malheur, comme l’a dit le penseur André Comte-Sponville.
La politique n’est pas un jeu. Cessons d’être les spectateurs de la poli- tique et devenons-en-des acteurs, en décidant demain quels doivent être nos combats ! Reconstruisons des formations politiques de conviction et d’engagement !