L’enseignante Gladys Francis à la tête d’une université américaine
Elle prendra ses fonctions d’ici quelques jours. La Guadeloupéenne Gladys Francis, installée aux Etats-Unis depuis plus de vingt ans, a été nommée Doyenne de la Faculté des Lettres, Langues et Sciences de l’Université d’Howard à Washington DC. Une recon- naissance inestimable pour cette femme engagée et inspirante qui a l’ambition de favoriser et d’étendre l’accès à l’enseignement académique à travers le monde.
E nseignante et chercheuse à l’Université d’Atlanta dans le domaine des études franco- phones et des théories culturelles, Gladys Francis a été courtisée par de nombreux établissements à plu- sieurs reprises mais elle n’avait jamais répondu par le positif étant très attachée à l"État de Géorgie.«J’ai des souvenirs indélébiles dans cette ville et il m’était difficile de la quitter. J’y ai créé mon réseau, établi un cercle privilégié d’étudiants et de collègues et j’y ai découvert énormé- ment de diversités culturelles qui ont nourri mes recherches»assure-t-elle. Mais l’opportunité de se lancer dans une nouvelle aventure était trop belle. «Lorsque je suis allée à Washington pour mon entretien pour ce poste de doyenne, j’étais à la fois anxieuse mais également très déterminée et volontaire. Je voulais réellement intégrer cette université qui est l’une des plus réputées des Etats-Unis et je savais qu’elle me donnerait les clés pour réaliser de grandes choses». L’émotion fut grande quand Gladys apprit la bonne nouvelle. «Je n’y croyais pas ! Les larmes ont coulé toutes seules et, aujourd’hui, je déballe mes cartons à Washington pour entamer un nou- veau chapitre de ma carrière. Je suis très heureuse !».UN PARCOURS AUDACIEUX
Gladys Francis intègre la filière Lettres modernes à l’Université des Antilles de Guadeloupe. Passionnée de littérature francophone, elle est une jeune femme pleine de vie et d’envies. Elle dévore les livres et a soif de découvertes. «A l’école, j’étais passionnée de tout et par tout. Je n’arrivais pas à décider quoi faire mais je savais que j’avais des besoins d’ailleurs. Lorsque vous êtes insulaire, l’horizon est à porté de main. Il me fallait le dépasser». Elle part alors étudier dans l’Indiana aux Etats- Unis. «Je devais partir pour une année. Je ne suis finalement jamais rentrée au pays. J’ai été séduite par les méthodes d’enseignement améri- caines et elles m’ont permis d’orien- ter mes choix avec clarté». Gladys Francis s"épanouit dans le melting- pot culturel américain et dans l’in- terdisciplinarité des cours universi- taires. «J’ai étudié tellement de sujets, abordé tellement de points de société, que cette vision transversale m’a sorti de ce conformisme, très pré- sent dans la culture française. Aux Etats-Unis, nous faisons cours dans des parcs. Nous parlons de sociologie tout en parlant d’économie. Les choses sont entrelacées et non seg- mentées comme en France. J’ai découvert que l’on pouvait ensei- gner dans un cadre beaucoup plus ouvert et rendre ainsi l’école d’au- tant plus captivante».Gladys se destine ainsi à devenir professeur.«Je voulais perpétuer ce décloison- nement de l’éducation et je ressentais ce besoin de transmettre».UNE VOLONTÉ DE DÉVOTION
Investie et curieuse, elle n’hésite pas à lever des barrières et se lance à corps perdu dans la recherche. «J’ai cette envie inaltérable de compren- dre le monde. En France et notam- ment aux Antilles, nous vivons encore avec les marques de notre lourd passé alors qu’aux Etats-Unis ils se sont servis de celui-ci pour avancer et regarder devant. Il y a des discussions critiques, il y a des lieux de débat, il y a des espaces de dia- logue. La vie activiste s’est dévelop- pée justement pour avancer sans hypocrisie. C’est tout ce dont nous manquons cruellement en France. A travers mes travaux, je m’intéresse aux questions de transgression, aux tabous sur la sexualité, à la place des femmes… Les Antilles sont une sorte d’éponge qui n’arrive pas à essorer ses blessures et à panser ses plaies.Or, sans cela, la guérison est impossi- ble. Dans mes écrits, je n’hésite plus à évoquer les sous-entendus car nous devons arrêter de faire semblant d’être prêts à tourner la page quand nous ne le sommes pas car ces pro- blèmes sont structurels de notre société et ressurgiront dans l’avenir».UN ENTHOUSIASMESANS RETENU L ’énergie que déploie Gladys Francis dans son travail est exemplaire et l"a amené à ce poste de prestige à Washington. «Il y a 3500 étudiants qui comptent sur moi. Je veux être à l a hauteur et je vais mettre les bou- chées doubles pour leur offrir l’ensei- gnement le plus adapté et le plus i nternational possible». Elle a désor- mais pour mission de créer des pas- serelles tangibles en développant un réseau académique à l’étranger pour l’Université d’Howard. «On m’offre les ressources humaines et financières pour étendre notre ensei- gnement dans de multiples campus partout dans le monde. Comme Harvard le fait, nous aimerions que nos étudiants évoluent dans d’autres s phères et d’autres territoires symbo- liques, gratuitement, grâce à des pro- grammes, stages et bourses. J’ai à c oeur que l’accès aux études soit faci- lité mais également que l’accès aux voyages le soit. D’ailleurs, la Zone Caraïbe est tellement diversifiée. Je veux me servir de mes racines pour é tablir un réseau d’échanges fiable et solide». La sensibilité et l’attache- ment de Gladys Francis envers son archipel la conduira à développer des projets de grande ampleur sur le territoire. «La Guadeloupe reste ma maison et je saurais trouver une porte d’entrée pour l’intégrer à mon nouveau projet professionnel».