Albert Beville, alias Paul Niger : un homme d’engagement péri dans le crash de 1962

Il y a certes une médiathèque qui porte son nom à Basse-Terre, sa commune de naissance, et quelques rues baptisées de son nom en Guadeloupe. Mais, Albert Beville, reste une personnalité peu connue dans l’histoire du pays. Jusqu’à ce jour, le nom d’Albert Beville, alias Paul Niger, son nom de plume, est évoqué surtout en lien avec l’accident du Boeing qui a explosé dans la montagne de Deshaies en juin 1962, l’entrainant dans la mort avec 112 autres passagers et membres de l’équipage.

Cette méconnaissance tient certainement au fait que cette personnalité éminente a fait l’essentiel de sa carrière professionnelle et de son engagement politique à l’extérieur de la Guadeloupe.
Il a suivi des études brillantes en France, est devenu docteur en droit, et après s’être illustré sur le terrain de la guerre en 1940, il a été diplômé de l’Ecole Nationale de la France d’Outre-mer (L’ENFOM) en 1942, puis a regagné l’Afrique comme administrateur de la France d’Outre-mer.
Ses fonctions d’administrateurs l’ont mis face aux réalités de l’exploitation et du colonialisme de la France sur le continent africain C’est au contact de ces rapports de domination que s’est forgé sa conscience anti-impérialiste. Sa rencontre avec les intellectuels africains engagés comme Alioune Diop, l’a naturellement conduit sur le chemin de l’anticolonialisme. Compte-tenu de sa position d’administrateur de la France et de son obligation de réserve, c’est à travers la poésie et l’écriture qu’il a d’abord choisi de s’exprimer et de dénoncer, notamment dans la revue «Présence africaine». Il publie son premier recueil de poèmes «Initia-tion»aux accents fortement anticolonialistes en 1954.
En 1961, il fonde à Paris avec l’écrivain Edouard Glissant et l’avocat Marcel Manville tous deux Marti-niquais, le Front Antillo-Guyanais pour l’Autonomie.
L’expérience acquise en Afrique l’a convaincu que «l’Autonomie était commandée par la marche irrésistible de l’histoire».
Son implication en première ligne du Front pour l’Autonomie, lui attire les représailles des autorités françaises. Il est d’abord rétrogradé dans ses fonctions d’administrateur, puis consigné à Paris, sans pouvoir rentré en Afrique où il est en poste.
Le 22 juin 1962, il déjoue la surveillance dont il fait l’objet, et arrive à prendre un avion pour rentrer en Guadeloupe.
La rencontre avec sa terre et son peuple n’aura pas lieu. Dans l’explosion du Boeing sur les hauteurs de la commune de Deshaies, il périt le 22 juin sans avoir pu fouler la piste du Raizet pour livrer son message de lutte, de libération, d’autonomie pour la Guadeloupe.
Souhaitons que la commémoration du 60e anniversaire de ce drame puisse contribuer à renouer avec les rêves d’émancipation qui habitaient l’esprit d’Albert Beville.