Un front de lutte pour les temps actuels

La création d''un front de communication des peuples est une nécessité urgente pour contrer l''offensive antipopulaire et anti-nationale qui balaie l''Amérique latine et les Caraïbes, au service des intérêts impériaux des États-Unis.

Le philosophe, essayiste et professeur mexicain Fer-nando Buen Abad affirme qu''il est urgent -à l''heure actuelle, peut-être comme jamais auparavant- de comprendre et de mener à bien la bataille des idées à l''échelle internationale, mais aussi dans chaque pays, en tant qu''une forme de lutte communicationnelle efficace et efficiente.
Pour ce faire, à n''importe quelle époque et avec n''importe quelle technologie, les médias dits de masse ont joué un rôle fondamental, et le contrôle, la maîtrise et la propriété de ces médias sont donc décisifs pour disposer des instruments permettant au message émancipateur d''atteindre les grands groupes de population qui le reçoivent.
Les idéologues de l''impérialisme et du capitalisme ont beaucoup théorisé sur ces questions afin de trouver leur justification pratique. Ils appellent la manière d''imposer leurs matrices «la manière de conquérir les esprits et les coeurs», et dans cette entreprise ils ont récolté des échecs retentissants comme au Vietnam ou au Laos, et des succès relatifs comme en Europe de l''Est.
Fernando Buen Abad prône la création d''un front de communication des peuples qui, dans les nouvelles conditions historiques, répondrait à l''offensive antipopulaire et antinationale qui déferle sur l''Amérique latine et les Caraïbes, au service des intérêts impériaux inaltérables des États-Unis, intensifiant «la réduction au silence, l''invisibilisation et la diabolisation» de tout ce qui s''oppose à leurs diktats.
À cette fin, l''empire ne dispose pas seulement de gouvernements serviles, d''oligarchies compromises et de bases militaires ; il possède également ce que l''auteur appelle des «bases médiatiques», installées pour accomplir la besogne la plus sale en provoquant le doute, l''égarement et la paralysie, conduisant à l''oubli et à l''individualisme, comme cela leur convient.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, ces «bases médiatiques» abondent,
représentées par les grands groupes médiatiques privés, pratiquement monopolistiques dans certains pays, regroupés dans ce que l''on appelle le Groupe des quotidiens étasuniens, ou dans des structures qui incluent les Étasu-niens, comme l''Association de la presse interaméricaine (iapa), bien connue pour ses liens avec la cia, publiquement dénoncés, y compris au Congrès des États-Unis.
Au développement technologique des communications, aux liaisons par satellite et à l''émergence de l''internet s''ajoutent désormais les réseaux dits sociaux, une vaste arène où se déroule la lutte des idées la plus féroce et la plus compliquée qui ait jamais eu lieu à l''ère de l''humanité interconnectée.
LE NOUVEL ORDRE
INTERNATIONAL
Faisons appel à la bonne mémoire, qui nous rappelle l''émergence en 1976 du Nouvel ordre international de l''Information et de la Communi-cation (noiic) en tant que concept, et plus tôt encore, en 1925, à la Société des Nations, lors de l''adoption de la Convention internationale de radiodiffusion pour la cause de la paix. Aussi bien la sdn que la Convention furent écrasées par la montée du nazi-fascisme, tout comme l''impérialisme étasunien semble maintenant le faire avec les Nations unies, mais surtout avec l''Unesco, dont il s''est déjà retiré deux fois en guise de représailles et de chantage, bien qu''il n''ait pas été en mesure de provoquer la disparition de cette organisation.
Quant aux Nations unies, à l''Unesco et à l''Union internationale des télécommunications (uit), plus de 40 documents ont été adoptés depuis 1945 dans la recherche d''un nouvel ordre international de l''information plus juste, plus objectif, plus équilibré et plus propice au développement et à la paix. Même l''Acte final de la mémorable Confé-rence d''Helsinki de 1975 fait largement référence au sujet, bien qu''il dissimule sa reconnaissance en tant qu''Ordre nouveau, et tente ainsi de l''introduire comme un élément favorable aux idées du capitalisme en Europe, déformant ses objectifs.
Les efforts de l''Unesco et de nombre de ses États membres furent renforcés par la création, par la 19e Conférence générale à Nairobi, au Kenya (octobre 1970), de la célèbre Commission MacBride, sous la bannière de «Voix multiples, un seul monde» qui devait entreprendre une étude indépendante et détaillée des problèmes de communication et d''information dans le monde, étude qui n''avait jamais existé ou été tentée auparavant.
Cette commission était composée de dizaines d''universitaires, de spécialistes de toutes sortes, de techniciens, de journalistes et même d''autres personnalités du savoir et de la connaissance, et était présidée par le prestigieux homme politique irlandais (aujourd''hui décédé) Sean MacBride, lauréat du prix Nobel et du prix Lénine pour la paix et ancien ministre irlandais des affaires étrangères.
À partir de ce moment, et pendant plus de quatre ans, les travaux de la Commis-sion MacBride furent menés à bien, avec plusieurs révisions intermédiaires, tandis que l''Unesco traitait largement le sujet lors de réunions régionales organisées en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Le rapport final fut adopté à Paris en janvier 1980 et converti en une résolution par la 22e Conférence générale à Belgrade (octobre 1980). Le document final, qui constitue les conclusions de cette étude indépendante, reste pleinement valable et fait autorité -même avec les limites qu''il peut présenter- pour toute analyse actuelle de la situation du monopole de l''information, des réseaux de communication dans le monde et de la recherche d''un équilibre possible avec objectivité.
Source : Granma