Hommage aux femmes noires résistantes de Guadeloupe et d’ailleurs

On dit souvent que derrière chaque grand homme se cache une grande femme. La plupart des grandes femmes ne sont pas derrière des hommes. Elles sont tout simplement de grandes femmes. Je vais développer mon intervention par zones géographiques en m’excusant d’avance de l‘absence éventuelle de grands figures féminines connues, mon choix étant forcément arbitraire, devant être limité.

AFRIQUE
En Angola la reine Nzingha (1581-1663), Reine du Royau-me du Ndongo et du Matamba, s’est consacrée à la lutte contre les Portugais et contre l’esclavage. Elle offrit refuge aux fugitifs et créa une armée composée en partie de femmes. Elle a développé une nouvelle forme d’organisation militaire appelée Kilombo, et formait des alliances avec les peuples voisins comme les Imbangalas pour être plus forts face aux Portugais, symbole de la résistance africaine à la pénétration européenne et source d’inspiration pour tous ceux qui ont choisi de lutter contre le colonialisme et l’esclavage.
En Afrique du Sud : Dulcie September, militante anti-apartheid, née en 1935 à Cap Town en Afri-que du Sud, représentante de l’ANC, assa-ssinée le 29 mars 1988 à 10h15 à Paris par les Services secrets sud-africains, qui ont fait appel aux mercenaires français dirigés par Bob Denard.
CARAIBES
Saint-Domin-gue : Anacaona, souveraine du peuple Taïno sur l’île d’Haïti, (Hispaniola) soeur et épouse de Cacique, Anacaona (1474-1503) s’illustre par sa résistance contre la colonisation espagnole

. Anacaona épousera Caonabo, Cacique du Caciquat de Maguana, et aura une fille nommée Higuemota. Elle a tout juste 18 ans lorsque Colomb met pied en Amérique en 1492.
Le Fortin La Navidad est laissé par Christophe Colomb en 1492, avec une petite garnison de 39 soldats : lorsqu’il revient en 1493, lors de son second voyage, il trouve les 39 Espagnols tués : ceux-ci s’étaient montrés violents et cupides envers les Taïnos et ont commis de nombreux viols.
Les forces emmenées par Chris-tophe Colomb vont combattre le Cacique Caonabo et sa compagne Anacaona. A l’issue de ces combats, Caonabo va être arrêté et déporté en Espagne où il mourra. Anacaona rejoindra alors son frère lui-même Cacique du Caciquat de Xaragua. A la mort de ce dernier, elle le remplacera et deviendra dès lors la figure emblématique de la résistance contre les Espagnols.
En 1502, Nicolas de Ovando est nommé nouveau gouverneur de Hispaniola, et arrive avec une flotte de 30 bateaux et 2500 soldats qui vont faire montre d’une grande cruauté à l’égard des Taïnos.
Nicolas de Ovando se rend avec 350 hommes dans le Caciquat de Xaragua dirigé par Anacaona pour célébrer soi-disant les bonnes relations qu’il entend instaurer entre Espagnols et Taïnos. Pendant la fête, il fait mettre le feu dans un bâtiment où sont réunis de nombreux Taïnos, et massacre l’entourage d’Anacaona.
Refusant de devenir la concubine de Ovando, elle est exécutée par pendaison en 1504. Nicolas Ovando à Saint-Domingue a agit comme Lienard de l’Olive en Guadeloupe, qui a tué le chef Kalina Yance à coups de pagaie, à Rivière Sens le 26 janvier 1636.
Haïti : Sanité Belair (1781-1802) : Héroïne de l’Indépen-dance d’Haïti a pris les armes contre l’Expé-dition Leclerc, envoyée par Napoléon Bonaparte arrivée en février 1802 et venue restaurer l’autorité française sur l’île, après que Toussaint Louverture ait rédigé un projet de Constitution faisant de lui l’homme fort du pays et dotant Saint-Domingue d’une quasi-indépendance vis-à-vis de la France.
En 1798, Sanité épouse Charles Belair, officier de Toussaint Lou-verture sera contraint de capituler trois mois plus tard

, en mai 1802. On se souvient qu’il sera capturé par traitrise par les Français et déporté en France où il mourra de froid au Fort Dejoux.
A l’initiative de Sanité, son époux et elle prennent les armes en août 1802 dans les montagnes entourant la ville de Verrettes. Ils rallieront la population et une partie des troupes de Leclerc et obtiendront quelques succès militaires.
Mais ils seront défaits : jugés ensemble ils sont condamnés à être fusillés en octobre 1802. Octobre 1802, c’est le mois et l’année de l’exécution en Guade-loupe de Marthe-Rose dite Toto. Sanité Belair est l’une des héroï-nes les plus vaillantes de l’indépendance de Haïti, proclamée le 1er janvier 1804.
Jamaïque : Nanny, protectrice de marrons de la Jamaïque. Née libre vers 1686 au coeur du Royaume Ashanti (Gha-na), elle est en-levée enfant et réduite en esclavage en Jamaï-que. Avec ses quatre frères elle va marronner. Ils vont se disperser pour créer plusieurs «Communautés de marrons» : Nanny avec sa soeur Quao va créer Nanny Town au coeur des Blue Mountains. Plus de 800 marrons vont y vivre. Stratège militaire, elle attaque les anglais et leur inflige de lourdes pertes : elle libère des Afrès (Africains réduits en esclavage) qui rejoignent les différentes communautés crées par elle ou ses frères. Grande prêtresse de la religion OBEAH, elle possède la science des plantes médicinales. Elle meurt en mars 1773. Héroïne de la Jamaïque, vénérée par tous les habitants comme un symbole de dignité et de courage.
Martinique
Marie-Philo-mène Roptus, dite Lumina Sophie, dite Surprise. En 1848, année de la seconde abolition de l‘esclavage, naît en Martinique Marie-Philomène Sophie, dans la commune du Vauclin située au Sud de l’île. L’avènement du Second Empire va retirer les bribes de citoyenneté octroyées aux anciens «esclavagisés». Les anciens «Maîtres» deviennent les nouveaux patrons qui paient des salaires de misère à de nouveaux travailleurs tout aussi exploités. L’esclavage n’est plus légal, mais il a structuré la société martiniquaise et imprégné durablement les relations entre les hommes des deux camps.
C’est dans ce contexte qu’en 1870, un Martiniquais bon teint du nom de Léopold Lubin, se fait rouer de coups de cravache par un béké gonflé d’arrogance, pour lui avoir refusé le passage. Léopold Lubin se venge quelques jours plus tard en rendant les coups. Il est alors arrêté et condamné à cinq ans de prison.
Le peuple martiniquais se révolte alors et tout le Sud de la Martini-que s’embrase : C’est l‘insurrection du Sud de 1870 qui fera trembler sur ses bases la société coloniale française.
La foule des humiliés va d’habitation en habitation, flambeau à la main et brûle les symboles de la domination coloniale, des siècles d’esclavage sans réparation.
A la tête d’un groupe de 600 insurgés, on retrouve Marie-Philomène, dite Lumina Sophie, dite Surprise. Elle exhorte en créole les autres à retrouver, par le feu, un peu de dignité. L’insurrection du Sud va durer cinq jours et sera durement réprimée. Plus de 500 émeutiers sont arrêtés, des dizaines sont tués.
Cela suffira cependant à Lumina qui s’est illustrée par son courage et sa détermination à devenir une légen-de et un symbole à abattre. Lors de son procès, elle est présentée com-me une cheffe de bande, rageuse et incendiaire. Enceinte de deux mois (tout comme Solitude), Lumina est condamnée au bagne et déportée à Cayenne : elle donne naissance à son fils dans sa geôle dans des conditions épouvantables. Son enfant ne vivra que quelques mois et elle-même mourra en 1877 à l’âge de 31 ans.
Depuis quelques années le peuple martiniquais redécouvre cette héroïne dont les portraits fleurissent un peu partout dans le pays. Elle symbolise la dignité et le courage. On lui prête cette déclaration : «Le Bon Dieu aurait une case sur la terre que je la brûlerais, car Dieu n’est sûrement qu’un vieux béké». Une Tour moderne, la plus haute de la ville, porte son nom aujourd’hui à Fort-de-France, la Tour Lumina.
Amérique du Nord
Harriet Tub-man, la Moïse du peuple noir aux Etats-Unis. Harriet Tub-man, née sous l’esclavage vers 1821, est exploitée dans le Sud des USA jusqu’en 1849. Battue et traitée en bête de somme, elle s’enfuit seule en 1849. Elle intègre le réseau de l’Underground R

ailroad, chemin de fer clandestin organisant la fuite des Afrès du Sud vers le Nord des USA ou vers le Canada. En dépit du danger, elle effectue 19 voyages dans le Sud profond pour libérer ses frères et soeurs de la misère). Sa fierté c’était de déclarer qu’elle avait libéré plus de 300 personnes de leur condition de servitude, sans jamais en perdre un seul.
En 1861 c’est le début de la Guerre de Sécession : elle s’engage dans l’armée de l’Union (Etats du Nord, abolitionnistes, aux côtés du Colo-nel James Montgomery et fera libérer plus de 500 Afrès qui se battront au sein de l’armée du Nord contre les Sudistes esclavagistes. Elle meurt en 1813 avec les honneurs militaires. A consacré toute sa vie à l’émancipation de ses frères et soeurs noirs, d’où son surnom de Moïse Noire. Bien que décorée pour ses exploits militaires, elle mourut néanmoins dans la pauvreté.
Guadeloupe : Rosalie Solitude, Marthe-Rose, Gertrude, Lucile, Woz Faisans-Renac, René Elise, Gerty Archimède, Mona Cadoce et Marie-Christine Mirre-Quidal
Marthe-Rose (1762-1802) : blessée à la jam-be lors de l’évacuation du Fort Saint-Charles le 22 mai 1802 par Delgrès et Ignace, elle sera capturée par les Français. Incapable de marcher, elle sera amenée sur un brancard et pendue le 2 octobre 1802. Elle était originaire Sainte-Lucie et compagne de Delgrès. Avant son exécution elle railla les Français en les qualifiant de bandits sans foi ni loi.
Solitude (1772-1802) pendue le 29 novembre 1802, après avoir accouché.
Gertrude, dite l’empoisonneuse, accusée en 1821 d’a-voir empoison-né l’épouse et le beau-frère de Monsieur de Fougères. Pro-cès les 17 et 25 janvier 1822 : le 8 février 1822 à 17h pendue, puis brûlée, devant 500 Afrès. Tentatives du procureur restées vaines. Morte en femme digne.
Gerty Archimè-de (26 avril 1909 à Morne-à-l’Eau-15 août 1980 à Basse-Terre). Avocate et femme politique guadeloupéenne, elle fut la première femme inscrite au barreau de la Guadeloupe et la première femme noire avocate des colonies françaises. Elle intervint lors de l’affaire Srmsky, en mars 1967 à Basse-Terre pour s’adresser à la foule révoltée par le comportement de cet Européen qui avait proféré des propos racistes et avait lancé son chien contre un petit cordonnier.
Elle assura en 1951 à Bordeaux la défense des «16 de Basse-Pointe» (Martinique) accusés de l’assassinat lors d’une grève d’un béké du nom de Guy de Fabrique. Grace à elle, au sein d’un consortium d’avocat, les 16 de Basse-Pointe furent acquittés.
Elle est restée dans les mémoires comme une brillante avocate, plaidant avec ferveur, au service de plus humbles.
C’était aussi une élue de terrain, qui visitait la population et lui rendait compte de son activité parlementaire. Elle fut députée de 1946 à 1951 représentant le Parti Commu-niste Guadeloupéen.
René Elise : Figure de jeune patriote courageuse, aujourd’hui disparue, membre du Groupe guadeloupéen de libération armée. Elle est arrêtée le 16 avril 1981 et déportée en France le 18 avril où elle sera incarcérée à Fleury Merungis. Elle avait alors 30 ans. Elle mourra de maladie au Moule à l’âge de 40 ans. C’était une jeune femme dynamique et généreuse pour qui la liberté du peuple et du pays comptait plus que tout.
Mona Cadoce, née le 6 décembre 1945 à La Désirade, membre de la Direc-tion du Parti Communiste Guadeloupéen, enseignante de profession, elle fut conseillère régionale en 1986, 1992, 1993 et 1998. Elle fut également vice-présidente de l’Association des femmes guadeloupéennes (AFG). Femme de conviction et véritable tribun qui défendait et défend encore bec et ongles les causes qui lui sont chères. Il nous faudrait toute la soirée pour évoquer ces femmes noires vaillantes de chez nous et d’ailleurs et sans doute des jours entiers pour raconter et célébrer toutes celles qui ont consacré leur vie à la cause de la justice et de la liberté.
Marie-Christine Mirre-Quidal, fut durant des années, la dirigeante de l’UP-LG (Union pour la libération de la Guadeloupe). Elle fut la première femme à occuper cette fonction.