Hommage à la vétérante Céluta Francillette Béllier
Permettez que je vous dise le plaisir qui est le mien d’avoir à dire à Céluta, ma grande soeur de combat, ce que nous pensons d’elle, et de lui rendre un hommage bien mérité, en votre nombreuse et amicale présence.
C’est une tâche militante qui m’honore et j’en tire une immense fierté. Rassurez-vous, je ne vais rien inventer. Je vais simplement évoquer les traits de sa personnalité que j’ai eu la chance de partager depuis plus d’un demi-siècle, soit 52 ans précisément de vie militante au sein du Parti Communiste Guadeloupéen (PCG) et à l’Union des Femmes Guadelou-péennes (UFG).
Pour ne pas être trop longue, je me bornerai à souligner ce que je trouve d’exemplaire et de fort dans la vie de Céluta. Ce petit bout de femme que vous voyez encore bien debout à 80 ans, n’a pas été gâtée par la vie, et c’est peu dire !
Orpheline depuis l’âge de 18 mois, elle est élevée par sa tante qui, malheureusement doit lutter contre un cancer, alors que Céluta arrive à 14 ans, l’année de préparation au Certificat d’études primaires
. C’est depuis cet âge-là, qu’elle doit s’occuper des soins de sa tante, tout en allant à l’école et dans une situation matérielle très précaire.
Cependant, elle passe son Certi-ficat d’études et rentre au collège, pour malheureusement le quitter plus tôt, afin d’aller travailler comme femme de ménage.
A 19 ans elle a son premier fils, et estime très rapidement que ce qu’elle gagne ne peut suffire à nourrir une famille. Alors elle se démène pour trouver un travail qui lui permet de nourrir ses trois enfants. Cependant, elle passe en même temps des concours, notamment celui de «travailleuse familiale».
Malheureusement, quand elle se présente à l’embauche, elle a la douleur d’apprendre qu’elle ne peut exercer la fonction de travailleuse familiale car elle a trois enfants et n’est pas mariée. Elle encaisse ce coup dur et se débrouille comme elle peut à l’aide de petits boulots. Mais ce faisant, elle se fait connaître par son ardeur et son courage dans les tâches les plus dures.
Elle travaillera en garderie d’enfants en bas âge, comme glaneuse dans les champs de cannes pendant la récolte, comme transporteur de régimes de bananes (un régime sur la tête, payé 17 centimes de francs le voyage, souvent sur un terrain en pente). Elle devra aussi multiplier les voyages et transporter deux ré gimes à la fois pour gagner 1,70 franc par jour.
Elle s’inscrit à l’école hôtelière, mais après sa formation on lui offre de partir en France par le Bumidom. Alors elle s’offusque, refuse l’offre, et choisit de rester au pays avec ses trois enfants.
Elle trouve une place de servante et prépare en même temps le concours d’auxiliaire de puériculture. Elle a la chance d’obtenir une bourse et elle sort première de sa promotion, ce qui était censé lui garantir son embauche.
Mais cela ne s’est pas réalisé, alors elle a accepté un travail de femme de ménage au lavoir municipal de Capesterre. Grâce à son médecin traitant qui connaissait parfaitement sa situation, elle est appelée pour un remplacement à la maternité de l’hôpital de Capesterre. C’était déjà mieux, mais elle reste toujours en quête de formation. Alors elle apprend qu’un concours sur titre est ouvert pour un poste d’auxiliaire de puériculture. Elle se présente au concours, sort en tête, et cette fois elle est recrutée le 6 octobre 1976 à l’hôpital Ricou de Pointe-à-Pitre.
C’est à ce poste qu’elle terminera à 60 ans sa carrière, après avoir gravi tous les échelons et être arrivée en classe supérieure. Elle a été reconnue dans son travail pour sa grande conscience professionnelle et ses qualités de coeur.
Militante syndicale à la CGTG, au PCG, à l’UFG, elle a mené pendant très longtemps un combat pour élever dignement ses trois enfants et, jusqu’à aujourd’hui, elle participe avec constance et conviction aux luttes qui se mènent pour améliorer la vie dans notre pays.
Si j’ai parcouru sa vie avec souvent le souci du détail, ce n’est point pour en faire l’étalage, mais seulement montrer ce qui me parait exemplaire chez Céluta : sa force de caractère, son combat sans merci contre l’adversité, sa quête permanente de formation, ses qualités humaines, son courage, sa détermination à se battre pour exister dignement dans une société qui n’a pas été tendre avec elle. Mais ce que je trouve superbe chez elle, c’est sa grande humilité, son penchant pour aider l’autre, essayer de l’écouter.
C’est sa capacité à tout entendre, à arriver à concilier ce qui apparaît au départ difficilement conciliable. C’est aussi sa capacite à maintenir la cohésion dans le groupe, à se dévouer pour des taches difficiles, à trouver le temps de se pencher sur le sort de ses parents, de ses camarades et de ceux qui souffrent.
Céluta est une soignante née : elle visite ses camarades âgés, donne de leurs nouvelles au groupe et ne néglige ni veillées, ni enterrement, ni visites de condoléances.
Céluta n’est pas une pleureuse. C’est dans le combat collectif pour améliorer la vie, qu’elle puise la force de se battre et aussi de s’amuser. Deux exemples peuvent en témoigner :
Le 1er mai c’est la date de son anniversaire, mais pour elle la priorité de ce jour-là, c’est avant tout, de prendre part au défilé syndical.
En 2005 elle se marie, mais après quatorze ans de vie conjugale elle connaît le veuvage : elle ne se laisse pas aller, au contraire elle redouble d’effort et d’ardeur dans sa pratique militante.
En 1987 Céluta a fait partie de la délégation de femmes qui a participé au Congrès mondial des femmes à Moscou. Elle a tenu avec brillance son rôle au sein du groupe pour faire connaître la situation politique et sociale de notre pays ainsi que ses caractères naturels, sa culture, ses atouts…
Céluta Francillette, épouse Bellier, «nou pé di ou sé on ti hach ki ka koupé gwo bwa. Ou sé on egzanp de kouraj é de fos pou nou tout mensitou pou fanm é jennes gwadloup. Ou sé on fanm poto mitan ki goumé èvè lavi é ladévenn pouw té lévé 3 timoun’aw dan la dignité.
La mizè pa fèw fébli, i pa rann ou égri. Ou sèvi èvèsa kon motè pouw té vansé dan lavi, san janmé twonpéw direksyon. Ou resté fidel a lidéal kominis. Ou sé on gran sè ki fè mwen pléré gwodlo lè ou téka détayé ankijan fanm téka travail an bannann, lè ou téka palé dè lit a yo, dè soufwans a yo, é apa mwen tousel sa rivé».
Céluta «madoulè», «petite four-mi», ton exemple doit éclairer toutes nos femmes qui n’ont pas encore pris le chemin de la lutte pour l’amélioration de nos conditions de vie et pour la participation effective au combat libérateur des énergies de notre peuple.
Nous sommes contents de t’avoir avec nous et de savoir que nous pouvons encore compter sur tes immenses qualités de coeur.
Tu es bien l’l’héritière de Gerty Archimède, de Suzette Bajot Neocel, de Turlet Anita de Qnes-ta, mais aussi de Paul Lacavé, d’Amédée Fengarol… Et de tous ces vaillants hommes et femmes qui ont fait les grands jours des luttes ouvrières et paysannes dans notre pays.
Honneur et respect à toi
Camarade Céluta !