Encore et toujours à propos de l’autonomie

Non, notre peuple n’est frappé d’aucune malédiction et n’est pire qu’aucun des autres peuples du monde. Il est ce qu’il est, avec ses défauts et qualités, avec ses forces et ses faiblesses, ses jaillissements et ses engourdissements.
C’est d’accord, il est un produit du colonialisme et cela constitue un lourd fardeau dont on ne se débarrasse pas aisément. Mais depuis longtemps déjà, il a franchi un pas décisif. Par ses luttes incessantes, il est passé de peuple en soi pour devenir le peuple pour soi qu’il est désormais.
Comment expliquer alors que depuis plus de soixante ans qu’est posée la question fondamentale de son émancipation du joug colonial français, notre société reste plongée dans une sorte de putréfaction et perdure un système anachronique en inadéquation avec ses besoins et ses intérêts supérieurs ?
Il faut, en premier lieu, prendre en compte la puissance de feu du colonialisme français le plus retors qui use et abuse de ses appareils idéologiques des plus sophistiqués pour lui infliger autant des violences psychologiques que celles ordinaires de la répression et même celles de l’empoisonnement physique.
Et face à cette pwofitasyon sans limite, au lieu de l’incontournable union des forces anticolonialistes, la division. Une division tenace, mortifère, nourrie principalement de l’anticommunisme, entretenue artificiellement par une surenchère opposant l’indépendance nationale à la revendication de l’autonomie. Ce qui a fait très visiblement le jeu du pouvoir colonial puisqu’elle a entrainé un affaiblissement durable des forces anticolonialistes.
Et depuis deux décennies, ce que l’on désigne comme la classe politique, nos élus des assemblées dites majeures, amusent la galerie en organisant congrès après congrès sans jamais aller au fond des choses, sans décider du changement décisif indispensable dont le pays a besoin : l’érection d’un pouvoir guadeloupéen de responsabilité véritable, la dotation de notre pays d’un statut de «Large Autonomie».
Il ne faut donc guère attendre de ces derniers qu’ils montrent le chemin à notre peuple. Ils bégaient en prononçant le mot «domiciliation» en pensant simplement à une Assemblée unique. Cette responsabilité de montrer le chemin revient dès lors à tous ceux qui se prononcent clairement pour un changement qualitatif garantissant le développement multiforme du pays Guadeloupe sur la base d’une solide fondation politique nettement anti-impérialiste.
Quant à l’offre gouvernementale de discuter de l’autonomie, il faut bien admettre que ceux qui dirigent la France ont enfin compris l’inanité du système départemental qui, depuis longtemps, constitue un artifice juridique caduque en contradiction avec les aspirations de notre peuple et qui ne doit non plus réellement les servir comme ils auraient souhaité. Ils ont surtout pris la mesure du caractère inéluctable de l’autonomie. «Yo ka pwan douvan avan douvan pwan yo».
Mais il y a autonomie et autonomie. Celle qu’ils comptent concocter avec notre représentation d’élus actuelle à leur botte est une autonomie à l’eau de rose, une autonomie octroyée dans laquelle leurs intérêts seraient préservés. Mais celle que préconisent les forces du progrès réel de notre pays est une large autonomie dont l’axe central doit être un développement économique endogène mixte qui allie le monde du travail avec l’intervention de la collectivité autonome de Guadeloupe dans les domaines prioritaires des ressources énergétiques comme celles de la production alimentaire.
Les forces qui luttent au quotidien, celles des travailleurs qui s’opposent à la pwofitasyon de toutes sortes, celles de tous les Guadeloupéens responsables, doivent s’accaparer de cette lutte pour une «Large Autonomie», la lutte pour le changement réel.