Les Français ont tourné la page, écrivons la nôtre !

L es Français l'ont voulu : François Hollande est depuis dimanche 6 mai le nouveau Président de la République française. Il bat d'une cour- te tête le sortant, Nicolas Sarkozy. On ne saura peut-être jamais combien l'ont choisi parce que ses promesses furent convaincantes, ni combien l'ont estimé le mieux placé pour chasser celui qui fut porté en triomphe il y a cinq ans, et devenu si impopulaire au fil des ans, aux yeux de beaucoup. Une chose est sûre, ce fut l'aboutissement de la chronique d'une victoire annoncée, et minutieusement préparée, bien avant les primaires socialistes mêmes. S'il en était besoin, l'occasion fut donnée, cette fois encore, de mesurer un instant le pouvoir que peut avoir une certaine presse sur l'opinion publique… Sa capacité tant à fabriquer qu'à défaire ! En Guadeloupe, plus François que les Français même, c'est une écrasante avance qui fut donnée à Hollande. Le voilà donc à la fois à son apogée, mais surtout au pied du mur France, par la volonté du peuple français, avec le soutien de nombre de Guadeloupéens, dont beaucoup «instrumentalisés» par des chantres assimilationnistes bon teint de chez nous. Le nouveau Président français aura cinq ans pour réussir, là où son prédécesseur a échoué, pour impulser «maintenant», le «changement», tant annoncé et qui a séduit jusque sur nos rives. Mais le chef d'Etat de la colonie peut-il changer résolument le sort du colonisé ? Est-ce sa vocation de conduire à plus de responsabilités notre peuple ?Sans doute pas. De plus, le social n'a jamais apporté de solution de part le monde, et ici encore moins, qui puisse changer fondamen - talement la situation des peuples qui souffrent et qui croupissent sous le joug des capitalistes-pwofitans et opprimants. A chaque fois, «cautère sur jambe de bois», sans jamais s'attaquer aux sources du mal quigangrène. Certes, des lois en faveur des travailleurs sont parfois établies, une certaine souplesse dans divers domaines peut être remarquée ; quelques avan - tages sociaux distribués… ; mais tout cela pour un temps, et jamais en prenant dans les poches de ceux qui amassent des fonds colossaux sur le dos des plus démunis. Jamais en s'attaquant résolument au système capitaliste. Autant dire que le peuple guadeloupéen doit compter sur lui-même pour construire son demain. Le 6 mai 2012, le peuple français a donné une chance à François Hollande pour aider le pays France à résister dans une Europe de plus en plus lézardée, et un monde capitaliste en pro- fonde crise. Il a tourné la page Sarkozy. Il a fait à sa façon son mai. Mais, pouvons-nous interminablement nous mettre à la table de l'autre, en kokangnyè ? Dans une Guadeloupe qui assiste à la déliquescen- ce de son économie de production, qui voit sa jeu- nesse livrée à elle-même, faisant croître chaque jour un peu plus le thermomètre du chômage; où les travailleurs sont en lutte constante pour l'amélioration de leurs situations ; un pays où nos aînés, ne peuvent aujourd'hui se nourrir décemment, se soigner convenablement après avoir, des années durant, tant donné à notre société. Dans cette Guadeloupe là, l'heure à plus que sonné pour que nous soyons nous-mêmes ! OUI ! JOU LA RIVE ! Pour que nous nous mettions plus nombreux autour de la table afin que le mai fait de la sueur et du sang de nos illustres ancêtres de Matouba, de Petit-Bourg, de Baimbridge, des Grands-Fonds, de Marie- Galante et d'ailleurs soit fructifié, devienne source d'inspirations et le nourricier de notre lutte d'émancipation afin que notre pays, avant longtemps, accède à une large autonomie. C'est la voie la plus raisonnable à prendre, aujourd'hui, si nous voulons enrayer l'hémorragie qui, devenue persistante, pourrait à tort, nous conduire à l'inertie. Aucun autre peuple, aucun «sauveur suprê - me» venu d'ailleurs, fut-il le plus grand des révolutionnaires, ne pourra à notre place donner les armes nécessaires à notre pays pour assurer son développement. Il appartient donc à chacun de nous de s'in- vestir résolument dans ce combat là, afin de décoloniser notre pays. C'est ce qu'ont compris les FPAC (Forces Patriotiques Anticolonialistes et Anticapitalistes) qui travaillent depuis un peu plus d'un an à l'é- mergence d'une nouvelle conscience guadelou- péenne pour, avec le peuple guadeloupéen, aller vers plus de responsabilités passant inexorablement par l'émergence d'un statut de large auto - nomie pour notre pays. Ce mois de mai, marqué de manifestations commémoratives des luttes et combats menés par nos ancêtres, ne doit pas être le théâtre d'un simple rituel devant permettre à certains de se donner bonne conscience. Il doit être la conscience de tout un peuple qu'il a une histoire jalonnée de sévices, d'oppressions, mais aussi de luttes émancipatrices, telles celles menées par Ignace, Delgrès, Solitude, Massoto, Marie-Rose Toto et tant d'autres, après… Nous qui sommes aussi les dignes fils et filles de Gerty Archimède, Rosan Girard, Hégésippe Ibéné, Paul Lacavé, Sabin Ducadosse, Raphaël Félix-Henri, Amédée Fengarol, Herman Songeons…, en savons quelquechose. OUI ! JOU LA RIVE ! Et encore plus au moment où le peuple français a tourné la page. Le jour est venu ! Pour que nous écrivions à notre tour, notre page dans le grand livre de l'histoire guadeloupéenne. Puisse ce mois de mai, forgé dans l’acte fondateur des glorieux de Matouba et de Baimbridge, soit le détonateur d’une plus grande prise de conscience de notre peuple.