Jérémy Deloumeaux, une étoile polaire qui montre le cap !

En plagiant le célèbre chanteur guadeloupéen, «Pédalé ! En di zòt pédalé, pédalé, sé pédalé nou ka pédalé pou nou rivé !», on peut imaginer les mots d’encouragement de Jérémy Deloumeaux, coureur de la Jeunesse cycliste des Abymes (JCA), à l’adresse de ses compagnons d’échappée, Cédric Eustache de la Team Madras cycling et Axel Carnier de la sélection de la Martinique, sur la route de cette 7e étape qui devait conduire le peloton, de Vieux-Fort, à Le Moule, le jeudi 11 août 2022.
Quelques dizaines de kilomètres seulement leur restaient à parcourir avant la ligne d’arrivée. «Il vaut mieux mourir avec nos armes à la main», prononça Jérémy Deloumeaux car, le peloton, lancé à leur trousse avec tous les prétendants à la victoire finale, grignotait des minutes, puis des secondes, et se rapprochait, inéluctablement.
N’y croyant plus, Cédric Eustache et Axel Carnier préférèrent abdiquer, laissant Jérémy Deloumeaux poursuivre sa folle aventure, avec une détermination à nulle autre pareille. La Guadeloupe retenait son souffle pour vivre enfin une victoire d’étape, sans trop y croire cependant. Des commentateurs sur Guadeloupe la 1ère télévision sont allés jusqu’à souhaiter qu’il y ait une attaque de circonstance, au sein du peloton, par des Guadeloupéens, pour désorganiser ce peloton et favoriser ainsi l’échappée en solitaire de Jérémy Deloumeaux.
Un geste qui pourrait légitimement être interprété comme une conspiration, une collusion, alors que toutes les équipes sont logées à la même enseigne du point de vue effectif. Nous avons eu d’ailleurs à condamner un tel comportement, lors d’une émission interactive sur une station publique de radio avec Luc Morand, grande figure du cyclisme guadeloupéen, deux ou trois ans avant son décès accidentel.
Il avait en effet regretté que des cyclistes guadeloupéens ne l’eussent pas aidé à vaincre des invités étrangers, lors d’une compétition en Guadeloupe. Il nous avait rétorqués qu’il était favorable à ce principe car, les cyclistes guadeloupéens en sont victimes quand ils vont dans la Caraïbe : «Sé sa yo ka fè nou», avait-il dit.
D’autres supporters, en pleine souffrance et espérance de la victoire, évoquèrent sans doute La Madonna del Ghisallo, la déesse particulièrement vénérée des cyclistes en Italie, et consacrée en 1948 par le Pape Pie XII : «patrone universelle des cyclistes». Cette 7e étape, la plus longue du tour, se révélait interminable mais, Jérémy Deloumeaux affichait sa rage et sa détermination de vaincre, les fesses bien posées sur la selle, les mains empoignant solidement le guidon, les pieds calés sur les pédaliers, le cerveau en toute lucidité et sérénité.
Encore quelques minutes et il franchissait la ligne d’arrivée, après 174 km et une échappée en solitaire d’une vingtaine de kilomètres, avec deux secondes d’avance sur le second, faisant exploser la joie de tous les Guadeloupéens. Il venait de démontrer, par une victoire à la régulière, loyale, «claire, nette, propre et sans bavures», pour employer un langage trivial, que la Guadeloupe n’est pas une terre de conspiration cycliste mais bien une terre de champions et d’excellence. Jérémy Deloumeaux s’avère une étoile polaire qui montre le cap et son héroïsme, a sa place sur le marbre de ces autres héros ayant proclamé : «Vivre libre ou mourir !». Salut le champion !