Impacts de la politique de Michaël Gorbatchev dans le monde

Michaël Sergueïevitch Gorbatchev est né le 2 mars 1931 à Privolnoïe et décédé le 30 août 2022 à Moscou. Il a été le dernier Secrétaire général du Parti Communiste de l’URSS et le dernier président de l’Etat Soviétique. A la suite de son décès, nous avons voulu connaître le point de vue de Christian Céleste, ancien Secrétaire général du Parti Communiste Guadeloupéen, sur l’impact qu’a pu avoir sa gouvernance politique, dans le monde.

Quels impacts a eu la politique de Michaël Gorbatchev sur le mouvement communiste international ?
Christian Céleste : J’étais en URSS lorsque Michaël Gorbatchev est arrivé au pouvoir en Union Sovié-tique. C’était une période marquée par des débats passionnants et une très forte mobilisation idéologique à l’institut de sciences politiques où je me trouvais.
Gorbatchev est arrivé avec une nouvelle pensée politique qui reposait sur deux concepts : La Perestroïka ou restructuration en Français et la Glasnost qui, pour lui, signifiait la démocratie et la transparence. Le débat était intense dans le PC de l’URSS et dans la société. Il y avait un certain consensus sur la nécessité d’apporter des améliorations au fonctionnement du système, mais dans la perspective du développement et du renforcement de la société socialiste soviétique.
Le Parti Communiste Guadelou-péen qui avait, de longue date, des relations et des échanges très étroits avec le PCUS suivait avec attention l’évolution de la situation

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Au début, je pensais sincèrement et le PCG aussi, que la ligne prônée par Gorbatchev pouvait être une réponse pour surmonter les difficultés réelles que nous constations dans le fonctionnement de la société soviétique.
Mais on s’est rendu compte très vite que l’approche de Gorbat-chev était déconnectée par rapport aux réalités de l’Union Soviétique et aux aspirations profondes des travailleurs de l’URSS.
Donc, on a commencé à regarder les choses de plus près et on a constaté, on a vu, que Gorbatchev était plus attentif à ce que pensait l’Occident capitaliste de sa politique.
Il était plus soucieux de se présenter comme un partenaire fiable, inoffensif, face à l’Occident capitaliste.
Au fond, on a vu qu’il ne défendait pas assez fortement les intérêts de l’Union Soviétique, face aux Occi-dentaux, et qu’il se souciait encore moins des intérêts des pays du camp socialiste et des luttes que menaient les Partis communistes dans le monde.
Alors, les questions ont commencé à se poser sur l’objectif réel poursuivi par Michael Gorbatchev. Voulait-t-il vraiment rénover l’URSS dans la perspective d’un redéploiement de la révolution communiste ? Ce que l’on constate, c’est que sa politique a plongé l’URSS et le monde dans le chaos avec l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991, le démantèlement des pays socialistes en Europe, et la contre-révolution capitaliste a triomphé à l’Est de l’Europe.
Personnellement, je pense que la disparition de l’URSS, après 70 ans de révolution socialiste, est la plus grande tragédie du 20e siècle. Je ne suis pas le seul à le penser. Le monde unipolaire sous la domination des Etats-Unis qui a régné au cours de ces trente dernières années a placé l’humanité au bord de l’abîme. Il n’y a jamais eu autant de guerre, de misère, de destruction massive sur la planète. Pour moi, le bilan de l’air Gorbatchev est négatif parce qu’il n’a pas fait avancer le monde.
Quelles sont les répercussions sur le Parti Communiste Guadeloupéen ?
Les Partis communistes ont tous subi les dommages collatéraux de cette contre-révolution capitaliste en URSS. Certains ont disparu en Europe de l’Est, d’autres ont changé de nom, abandonné les fondamentaux du communisme, dans l’espoir de ne pas disparaître dans la déferlante anti-communiste.
Cette implosion de l’URSS a entrainé des conséquences considérables pour les Partis communistes et le Mouvement communiste international qui ont connu une longue période de recul. Aujour-d’hui, on peut penser que les choses commencent à changer, la roue de l’histoire tourne dans l’autre sens. Les Partis communistes reprennent le chemin de la lutte sur tous les continents, le mouvement communiste international se réorganise.
En ce qui concerne le PCG, il a fait face à la plus grande scission depuis sa création en 1944. Des gens qui se disaient communistes dans le Parti mais qui avaient déjà des antagonismes, des désaccords avec la ligne du Parti, ont saisi cette opportunité pour tenter, dans un premier temps, de changer ses fondements et son organisation.
Ils ont été battus sur ce terrain-là, par la force de conviction des communistes, leur confiance dans l’idéal communiste, indépendamment de ce qui se passait en URSS et ailleurs.
Comme ils ne sont pas arrivés à modifier l’organisation du Parti et à dévoyer son objectif, ils sont arrivés à la position ultime de la scission.
Ils ont organisé la scission pour créer un nouveau Parti, qu’ils pensaient pouvoir développer sur les ruines du PCG. Ils ne sont pas arrivés, parce que les communistes guadeloupéens ont résisté, se sont opposés à cette trahison.
Le Parti est toujours là, affaibli par cette scission, par les attaques anticommunistes certes, mais, il est toujours présent et assume sa responsabilité dans la lutte du peuple guadeloupéen pour sa libération nationale et sociale.
Poutine ne serait-il pas en train de payer les errements de la politique de Gorbatchev ?
Je pense plutôt qu’aujourd’hui, l’Occident capitaliste se rend compte qu’il n’est pas arrivé à sa fin. L’URSS a disparu, mais, aujourd’hui la Russie s’impose comme une puissance incontournable. La haine contre Poutine tient du fait qu’il agit avec détermination pour redonner à la Russie sa place dans le concert mondial.
Poutine dit que, ce qui s’est passé en URSS, sa liquidation, c’est quelque chose d’inacceptable, de dramatique. Non seulement, cela a créé des conséquences terribles en Russie mais également dans le monde et donc il prend le contre-pied de ce désastre laissé par Gorbatchev et son comparse Eltsine. Il dit à l’Occident, non, vous n’êtes pas seuls, vous n’allez pas dominer le monde, il y a d’autres voies.
Je ne rentre pas dans le débat, Poutine dictateur ou pas, ce que je vois, c’est que Poutine est sur une position où il dit que l’Occident n’a pas le droit moral de dicter sa loi au monde. C’est-à-dire, le monde unipolaire que voulait imposer les Etats-Unis, ce monde-là est terminé.
Il faut un monde multipolaire avec d’autres puissances telles que : les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Il y a un autre monde qui se met en place.
Autrement dit, il n’y aura plus de gendarme du monde ?
Non, c’est terminé ! La guerre en Ukraine par exemple, est née de la volonté de l’Occident de réduire la puissance de la Russie et de casser le mouvement qui monte des peuples et des Etats qui font entendre leurs voix dans le développement de l’humanité, alors que les Etats-Unis pensaient qu’ils étaient seuls.
Ils ont pensé, avec la guerre en Ukraine, qu’ils auraient anéanti la Russie avec les sanctions, alors que la Russie est encore debout et que ce sont eux qui sont dans le pétrin.
Ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que l’évolution du monde est un véritable pied de nez à Gorbatchev et à tous ceux qui lui tressent des lauriers en Occident.
Aujourd’hui, le monde est dans une autre situation. Les forces de progrès, les forces anticapitalistes, les forces démocratiques, les forces communistes sont en train de se réorganiser pour donner un autre essor à la lutte pour l’émancipation humaine.