L'industrie sucrière et cannière à l'épreuve de l'accord Bino

Jamais l'adage diviser pour régner ne s'est révélé aussi juste que dans la grève à l'usine de Gardel.

C e conflit social entre la direction de Gardel SA et les ouvriers, s'est transformé en une confronta- tion entre travailleurs salariés et planteurs guadeloupéens au plus grand bénéfice de l'Etat colonial et des capitalis - tes français.

Il est indéniable que l'arrêt de la campagne sucrière consécu - tive à la grève des ouvriers cause un lourd préjudice aux planteurs, la responsabilité en incombe à la direction de Gardel SA qui refuse d'honorer sa signature.

Les ouvriers de l'usine Gardel sont entrés en grève pour obtenir de leur employeur, l'application de l'accord Bino qu'il a signé dans le cadre d'un accord d'entreprise comme toutes les entreprises de la filière canne.

Cet accord interprofessionnel sur les salaires, signé par l'en- semble des organisations syndi- cales de salariés et 5 organisa- tions professionnelles d'employeurs, à l'exception du MEDEF, de la CGPME, de la FDSEA a acté une augmentation de salaires de 200 euros net pour tous les salariés dont la rémunération ne dépassait pas 1,4 smic, soit 1849,46 euros brut au mois de mars 2009.

L'article 5 de l'accord, intitulé clause de convertibilité, prévoit l'intégration de cette augmentation dans le salaire de base au 1er mars 2012. L'attitude de la direction de Gardel n'est que la traduction de la stratégie du rapport de forces que le Medef a choisi en accord avec le gouverne- ment, pour remettre en cause l'accord Bino dans toutes les - branches et secteurs d'activi- tés, au préjudice de tous les travailleurs concernés.

Il faut se rappeler que le Medef et la CGPME n'étant pas signataires de l'accord Bino, et l'arrêté d'extension du gouvernement du 3 avril 2009 excluant la clause de convertibilité prévu à l'article 5, l'augmentation de salaires de 200 euros net pour tous les salariés ne dépassant pas 1,4 smic ne s'appliquent que dans les seules entreprises signataires d'un accord d'entreprises ou adhérentes à un des cinq syndicats d'employeurs signataires de l'accord Bino. On comprend dès lors, que la prorogation du dispositif des aides de l'Etat (RSTA) sur sollicitation du patronat, est une manœuvre du gouvernement destinée à rendre caduques ces accords d'entreprises en invitant et en incitant les entreprises signataires à ne pas les appliquer, alors même qu'elles continuent à bénéfi - cier des exonérations de char - ges patronales.

En réalité, la grève à Gardel ne concerne pas les seuls salariés de cette entreprise mais la totalité des travailleurs salariés en Guadeloupe relevant de l'accord Bino.

Si la revendication du respect de l'accord Bino est tout à fait justifiée, la grève des ouvriers de Gardel s'est avérée contre productive. Elle a mis dos à dos les ouvriers de l'usine et les planteurs, alors qu'elle ne pénalise pas les capitalistes usiniers qui bénéficient jusqu'en 2014 d'ai - des et de subventions diverses de l'Etat et de l'Union européenne, dans le cadre de la réglementation actuelle de l'Organisation communautaire de marché du sucre (OCM Sucre). Au delà de cette échéance de 2014, la filière canne sucre de la Guadeloupe est gravement menacée par les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) auxquelles souscrivent la France (premier producteur de sucre en Europe avec le sucre de betterave).

En fait, la fabrication de sucre de canne n'a pas d'intérêt pour les propriétaires des usines Gardel SA et la Société Anonyme Sucrerie et Rhumerie de Marie- Galante (SMRG) en l'absence des subventions de l'Union Européenne et de l'Etat.

Autrement dit, la disparition de la filière canne sucre en Guadeloupe est programmée depuis longtemps déjà par l'Etat, et les capitalistes usiniers qui veu- lent en faire porter la responsabilité aux travailleurs. L'option du rapport de forces est un piège tendu par le pouvoir colonial consistant à opposer et à diviser les Guadeloupéens pour liquider la filière.

C'est ce piège qu'il convient de déjouer, en élaborant un plan de sauvegarde, de res - tructuration et de développe- ment de la filière canne. Ce plan doit avoir pour objectif d'optimiser et de valoriser tout le potentiel industriel et agro industriel de la canne dans tout l'archipel guadeloupéen, en plaçant la filière sous le contrôle et la gestion d'un établissement public.

Pour mener à bien cette tâche qui relève de l'intérêt supérieur de la Guadeloupe, nous appelons l'ensemble des acteurs à se réunir dans les meilleurs délais : syndicats de planteurs, syndicats de salariés, partis politiques et élus guadeloupéens. La canne constitue la colonne vertébrale de l'homme et du peuple guadeloupéen, elle commande à tous les Guadeloupéens qui ont le sens du pays, un devoir de responsabilité, d'unité et une obligation de résultat.