Jean-François Carenco passe après Fiona

L’impact de la tempête Fiona, dans la nuit du 16 au 17 septembre, a été si terrible sur la Guadeloupe, qu’Emmanuel Macron, président de la République française, s’est cru obligé de dépêcher son ministre délégué à l’Outre-mer pour constater les dégâts.

Cette décision est normale et légitime, surtout en période de catastrophe naturelle. La démarche aurait été pareille si un tel phénomène avait eu lieu dans quelle que soit la région de France, en Bretagne, en Corse, en Auvergne ou ailleurs.
Pour nous en Guadeloupe, où l’Etat français a toujours pratiqué une politique coloniale de deux poids et deux mesures, cette visite revêt un sens politique profond et c’est sous cet angle qu’il faut analyser l’arrivée rapide de Jean-François Carenco sur le territoire guadeloupéen.
REPRENDRE LA MAIN TOTALEMENT SUR LA GUADELOUPE
Au lendemain des déconvenues subies par le présient de la Répu-blique Emmanuel Macron et ses suppôts locaux, lors des élections présidentielles du mois de mai dernier et des législatives qui s’en suivirent, l’Etat a besoin de reprendre la main totalement sur la Gua-deloupe pour redorer son blason. Le président de la République et son ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin ne peuvent se permettre des erreurs de stratégie ou d’appréciations politiques dont les issues peuvent déboucher sur un véritable chaos.
Après le conflit des soignants qui n’a que trop duré, le coût exorbitant des carburants, la hausse effrénée du prix des produits de premières nécessités, les problèmes de manque d’eau que Fiona est venue aggraver, tout cela constitue des ingrédients naturels pouvant faire éclater un conflit à tout moment. «Ventre affamé, n’a point d’oreilles !». Il faut donc faire preuve d’anticipation.
En la circonstance, le meilleur atout du gouvernement demeure Jean-François Carenco. Ce dernier, en tant que haut fonctionnaire, pour avoir occupé plusieurs postes, dont celui de préfet de la Guadeloupe et, tout récemment, celui de président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), a séjourné plusieurs fois en Guadeloupe. Il connait la musique et le tempo. Il saura comment atténuer les jérémiades de certains de nos élus et poursuivre au moindre frais la politique coloniale de la France en Guadeloupe. Il est en terrain connu, sinon conquis.
Nous vivons une situation économique très controversée, aucun continent, ni personne n’est épargnée. Ce que les médias aux ordres appellent crise économique ne concerne que les mêmes sur la planète. Toutes les études montrent que les pauvres deviennent plus pauvres et les riches deviennent plus riches. C’est l’essence même du système capitaliste.
L’ENGAGEMENT
DU GOUVERNEMENT
Des bruits de bottes ici et là se font entendre, avec en point d’orgue la guerre en Ukraine. La France, par centaines de millions d’euros, soutient cette guerre, au profit de Zélinsky. Soit ! Les Guadeloupéens qui sont aussi des contribuables français, à la différence des ukrainiens, en dépit de leur grande résilience et de leur solidarité à toute épreuve, n’auraient jamais accepté la visite de Jean-François Carenco sans que ce dernier, dès les premiers pas au contact de cette population sinistrée, n’ait déclaré de façon officielle l’engagement du gouvernement à leurs côtés par des annonces fortes et tangibles. C’est ainsi que l’arrêté de catastrophe naturelle fut pris et le plan orsec eau potable fut déclenché.
Dans son agenda, ô combien con-traint, le ministre est allé jusqu’à insérer une rencontre avec le collectif des organisations en lutte pour la réintégration des soignants. Cette démarche, aussi louable qu’elle puisse paraître, attise nos analyses et interpelle notre expérience des pratiques du colonialisme français en la matière. Avec un vieux rusé de la trempe de Carenco à la manoeuvre, nous demeurons très dubitatifs quant à un dénouement imminent de cette crise.
La délégation ministérielle a visité plusieurs communes et au bout de trente-six heures est repartie. La misère, le dénuement, la détresse et les émotions continuent de ronger de nombreuses familles. Fini le temps de la communication, il faut passer à l’action. Va-t-on véritablement bousculer les procédures pour que chacun y trouve son compte. La Guadeloupe n’est pas la France et pour éviter tout mimétisme et autres adaptations de procédures à chaque fois que de besoin, un véritable pouvoir autonome avec des élus intègres et responsables à la tête de ce pays nous mettrait à l’abri de tous ces ministres et autres fonctionnaires qui débarquent chez nous en «sauveurs».