"Et si la France hexagonale ne voulait plus de l'Outre-Mer"

Cette question est-elle un aveu d'é- chec de Claudy Siar ou la prise de conscience de cette réalité que la Guadeloupe n'est pas la France ? Il est évident que son expérience comme délégué à l'égalité des chances et le «zappage» des pays dit de l'Outre-mer dans le débat présidentiel en France, l'ont quelque peu déstabilisé dans ses convictions de Français. Ce qu'il oublie ou qu'il ne sait pas, c'est que les hommes qui ont mené la lutte pour l'égalité des droits dans l'assimilation à la France ont depuis 54 ans dénoncé le caractère colonialiste de la départementalisation et posé la revendication d'un statut d'Autonomie. Contrairement à ce qu'il semble affirmer, la Présidence de Sarkozy n'a rien changé à cette situation de pwofitasyon qui frappe les ori- ginaires des «Outres-mers» en France et dans leur pays. La seule réponse valable pour lut- ter contre les inégalités et les injustices du système se trouve, quel que soit le gouvernement en place ou les mesures de visibilité de la div ersité, dans le changement de statut comme il semble l'entrevoir.

DECLARATION DE CLAUDY SIAR

(*) Délégué Interministériel à l'égalité des chan- ces pour les Français d'Outre-Mer

LES DIX EXEMPLES FLAGRANTS D'INÉGALITÉS

I - LA « TÉLÉPHONIE MOBILE »

Les licences et les tarifications spécifiques et inégalitaires en Outre-mer positionnent ces régions comme des territoires étrangers à la France hexagonale : - forfait illimité inexistant pour les appels internes au territoire national, - tarifications particulièrement élevées pour les appels entre DOM, souvent supérieures à cer- taines destinations étrangères, - impossibilité d'envoyer des MMS entre DOM, de l'Hexagone vers les DOM et inversement. De plus, tous les opérateurs de téléphonie mobile appliquent la surtaxe (le péage) du roaming. Depuis des années les originaires crient au scandale sans que personne ne les entende. Lors des Etats Généraux de l'outre-mer en 2009, la commission n°12 avait déjà dénoncé la tarification «outre-mer/Hexagone». L'Outre-mer est privé de la conti- nuité territoriale pourtant instaurée dans ce domaine depuis bien longtemps pour les Corses. Un dispositif appliqué pour une région d'Outre-mer (la Corse) doit l'être pour toutes en respect du principe d'égalité.

II - LES BILLETS D'AVION

La multiplication des compagnies aériennes desservant l'Outre-mer n'a rien changé au coût élevé des billets pour les originaires d'Outre-mer résidant en Outre- mer ou dans l'Hexagone. Là encore, des accords initiés par le gouvernement permettent aux résidents de la Corse de bénéficier de la continuité territoriale depuis 1970, quand elle ne s'ap- plique que depuis 2004 et dans une bien moindre mesure au sein des autres départements d'Outre-mer . Il existe un billet «territorial» pour les Corses, rien pour les originaires des Antilles, de Guyane, de l'Ile de la Réunion, de Mayotte, de Saint-Pierre-et- Miquelon, et du Pacifique. Le principe d'égalité de traitement n'est pas respecté.

III - LE CHOMAGE CHEZ LES JEU - NES

Le chômage chez les jeunes en Outre-mer est largement supérieur à la moyenne nationale, battant à ce titre un triste record selon les chif fres disponibles à l'INSEE. Dans l'Hexagone en 2010, 30% de chômeurs pour la population active des -de 24 ans contre 60% à la Réunion en 2011, 25, 4% à Mayotte, 47, 83% en Guyane, 52, 9% en Guadeloupe, 60, 03% en Martinique. Des chif- fres effrayants dont personne ne fait état. La jeunesse d'Outre-mer est coupée du reste de la France.

IV - LES CHÈQUES HORS PLACE

Lorsque vous êtes en France hexagonale et que votre compte est domicilié aux Antilles par exemple, vous ne pouvez pas régler vos achats par chèque. On parle de «chèque hors place». Le problème est le même si vous vous rendez aux Antilles et que votre compte est domicilié dans l'Hexagone. L'Outre-mer est considéré par le système bancaire français comme étranger à l'Hexagone. La colère des clients d'outre-mer n'y a rien changé.

V - LA DRÉPANOCYTOSE

En France, la plus meurtrière des maladies génétiques est la drépa- nocytose, c'est une maladie galopante qui, chaque année, fait de plus en plus de victimes dans l'Hexagone. Elle est également la plus répandue dans le monde et touche essentiellement les origi - naires d'Outre-mer (Antilles- Guyane en majorité) d'Afrique, d'Amérique du Sud et du bassin méditerranéen. Cependant l'Etat néglige les souf frances de ces malades. Depuis des décennies, des associations et des «person - nels aidants» se battent pour que les drépanocytaires soient pris en compte et que les pathologies de cette maladie soient enfin recon- nues par une mise en place d'une politique de lutte contre la drépanocytose. Les avancées trop timides dans ce domaine ne répondent pas à l'urgence de la situation des malades.

VI - LES CAUTIONS

Les parents des personnes rési- dant en Outre-mer, souhaitant se porter caution pour un tiers installé dans l'Hexagone se voient systématiquement refuser un statut de 5 «garants». En ef fet, les agences et les particu - liers considèrent probablement que ces régions ne sont pas des terres françaises. Parfois il arrive que certaines personnes obtien- nent gain de cause après d'âpres négociations.

VII - LES MEDIAS

L'absence de l'Outre-mer dans les médias est flagrante. L'Outre- mer n'est représenté qu'à la faveur d'une catastrophe natu- relle, sanitaire ou de temps en temps à l'occasion d'une grève générale. Il aura d'ailleurs fallu 15 jours aux médias nationaux pour découvrir les grèves de 2009 aux Antilles et 10 jours pour celles de Mayotte en 2011. Cette absence de prise en compte et encore plus évidente dans les bulletins météo. A l'exception aujourd'hui de France info, TF1 épisodique- ment et France 2, tous les médias (radios, télés, journaux…) refu- sent d'inclure l'Outre-mer dans leur bulletin météo. Ce mépris témoigne du peu de considéra- tion et de la représentation que la classe médiatique se fait de la France, et qu'elle conforte auprès du public.

VIII - LE PASSEPORT

Sur les passeports les plus récents, la France n'est incarnée que par l'Hexagone et la Corse. Au fil des pages, après les continents, on voit en sous impression et par ordre alpha- bétique toutes les régions françaises sauf celles d'Outre- mer. Pour les découvrir il faut se référer à l'avant-dernière page où sont regroupés tous ses territoires. Les terres d'Outre-mer ne seraient-elles que « les confettis de l'ancien empire colonial français » ?

IX - LA POSTE

La tarification spécifique des envois de colis ou des transferts d'argent transitant par la poste est sans comparaison avec celle proposée dans l'Hexagone. La redistribution de courrier et les abonnements à la presse nationale font l'objet de surtaxes qui limitent l'accès à l'information. Nombre d'offres publicitaires portent la mention «of fre réser - vée à la France métropolitaine» pour ces raisons de surcoûts. Peut-on se contenter d'un systè - me de communication à 2 vites- ses ? Il est également plus onéreux d'envoyer ces colis dans les régions d'Outre-mer à partir de l'Hexagone. La Poste n'applique le principe de continuité territo - riale que pour le courrier.

X - LA POLITIQUE F AMILIALE

En France hexagonale, l'enfant génère un droit à la couverture des prestations familiales et quel que soit le statut professionnel des par ents. En Outre-mer , les travailleurs indépendants doi- vent démontrer qu'ils sont à jour de leurs cotisations sociales pour ouvrir le dr oit aux allo - cations familiales. Le principe d'é- galité est bafoué.