Pourquoi Victorin Lurel a voté NON le 7 décembre 2003 ?

Au stand du Comité central du Parti Communiste Français, à la Fête du journal l’Humanité, des députés élus dans les dernières colonies de la France, membres du groupe communiste et de la Nupes ont animé une conférence-débat, le 10 septembre sur le thème : «La France et ses Outre-mer : colonisation, départementalisation, décentralisation. Et maintenant ?». Le sénateur socialiste de la Guadeloupe, Victorin Lurel, ancien ministre des «Outre-mer», invité, était présent.

Après une critique en règle du diner qualifié de mascarade, organisé par le président Emma-nuel Macron en «l’honneur» des élus ultramarins, ce qui n’avait rien à voir avec la fameuse «Déclaration de Fort-de-France», les députés du groupe communiste, à partir de la situation respective de leur pays ont mis en accusation le système colonial français comme la cause principale de leur non-développement et de la crise sociale et sociétale qui fissure leur société.
Ils ont exposé arguments à l’appui leur stratégie pour rompre avec toutes formes de domination en exerçant leur droit à la libre disposition pour la conquête, à l’étape actuelle, d’un statut d’Autonomie. Dans ce contexte, le sénateur socialiste Victorin Lurel n’a pas osé aller à contre-courant des positions de rupture avec le système colonial développées par les députés affiliés au groupe communiste.
Il a surfé sur une probable révision de la Constitution française, en rappelant au passage qu’en 2003, il était le seul à s’opposer à l’article qui faisait du peuple guadeloupéen une population dans le peuple français, sans pour autant s’engager à demander son abrogation. Tout en lorgnant sur le statut qui sera accordé à la Nouvelle-Calédonie dans la révision constitutionnelle en gestation, il a annoncé sa nouvelle stratégie pour l’évolution de la Guadeloupe qu’il appelle pompeusement : la Graduation. C’est quoi ce nouveau truc ? A quoi faut-il s’attendre encore de Lurel sur la question du changement de statut ?
Nous sommes obligés de poser ces questions car, 20 ans après la consultation du 7 décembre 2003 qui a donné les résultats qu’on connait, Victorin Lurel devant le public de la Fête de l’Huma, après nous avoir accusé de l’avoir traité de réactionnaire a tenté à nouveau de justifier son choix, d’avoir fait voter NON.
Il nous faut clarifier cette question une fois pour toute pour ne pas laisser obscurcir une avancée sur le chemin qui se dessine. L’argument en défense de l’homme politique, aujourd’hui sénateur, et assené urbi et orbi qui consiste à dire : «J’ai voté NON car c’était un mauvais projet» n’exprime pas exactement sa pensée et installe volontairement la confusion dans le débat politique.
Le 7 décembre 2003, l’électeur n’a pas été appelé à voter sur un quelconque projet portant sur les compétences et l’organisation institutionnelle d’un nouveau statut pour la Guadeloupe. Alors que le projet guadeloupéen, élaboré pendant une année par les organisations politiques, sociales, professionnelles existait légalement et existe encore, parce qu’adopté par délibération au Conseil régional et faisant l’objet d’une résolution du Congrès des élus.
L’électeur guadeloupéen a été consulté par le président de la République, Jacques Chirac, en fonction à l’époque, sur la seule question suivante : «Ap-prouvez-vous le projet de création en Guadeloupe d’une Col-lectivité territoriale demeurant régie par l’article 73 de la Constitution et donc par le principe de l’identité législative avec possibilité d’adaptation et se substituant au Dépar-tement et à la Région dans les conditions prévues par cet article ?».
Cette question ne sort pas du chapeau du chef de l’Etat. Elle prend appui sur le document d’orientation politique adopté par le congrès des élus et validé par le Conseil général et le Conseil départemental.
Ce document a été largement inspiré par l’idéologie assimilationniste de la Fédération socialiste, par le GURS, le PPDG et Objectif Guadeloupe qui a du manger son chapeau sous la pression de la ministre de l’Outre-mer la chiraquienne Brigitte Girardin.
La ligne de fracture se situait entre les «accros» à l’identité législative au fondement de l’article 73, et les partisans de la spécialisation législative que comportait l’article 74, donc une forme d’Autonomie.
Victorin Lurel qui se situait dans le camp des assimilationnistes accrochés à l’article 73, n’avait aucune raison politique valable pour invalider la question posée par Jacques Chirac.
Les élus communistes qui ont guerroyé jusqu’au bout pour maintenir la ligne des résolutions du 1er et du 2e Congrès des élus qui nous mettaient sur la trajectoire de l’article 74 ont accepté un consensus sur l’article 73, sans pour autant renoncer à leurs objectifs de lutte.
S’il faut reconnaitre que le peuple guadeloupéen a été tenu à l’écart de ce projet, que Jacques Gillot et Lucette Michaux-Chevry n’ont pas mis en oeuvre, les préconisations du Congrès pour mobiliser les Guadeloupéens, Victorin Lurel qui a été un élu très actif dans la rédaction des résolutions des Congrès, connaissait parfaitement les tenants et les aboutissants du projet.
Il savait mieux que personne, que le OUI ne signifiait pas l’adoption d’un quelconque statut. Car, son camarade socialiste Lionnel Jospin avait posé le piège du Congrès pour laisser les mains libres au gouvernement et au Parlement pour nous imposer selon leur calendrier une évolution de leur choix.
Tous ceux qui connaissent le microcosme politique de la Guadeloupe savent que ce n’est pas pour s’opposer à l’identité législative que Victorin a voté NON à la consultation du 7 décembre 2003.
Alors, qu’il fasse preuve de courage et explique franchement aux Gua-deloupéens une fois pour toute, les vraies raisons de son retournement de veste et quels intérêts l’ont poussé à entrainer les Guadelou-péens dans une voie de garage en appelant à voter NON !