Haïti : La communauté internationale divisée sur le sort des Haïtiens

Haïti est englué depuis des années dans une profonde crise économique, sécuritaire, politique et l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 a profondément aggravé la situation avec une emprise de plus en plus forte des gangs.

Depuis, les élections pour trouver un successeur à Jovenel Moïse et renouveler une partie du personnel politique ont été repoussées sine die. Faute de président, le pays est dirigé par le Premier ministre, Ariel Henry. Non légitimé par des élections, ce dernier a beaucoup de mal à asseoir son autorité.
Depuis très longtemps, il a manqué à Haïti une colonne vertébrale forte en mesure de résister à la passion des dirigeants et à leurs coups de sang. Un état totalement absent face à l’insécurité et à la reconstruction et sous perfusion d’aides internationales diverses, lesquelles voient rapidement péricliter ce qui a été donné. Un pays complètement déstabilisé par la corruption et l’impunité !
ET LA FORCE QUE REPRÉSENTAIT L’ÉGLISE HAÏTIENNE, COMPLÈTEMENT DÉPASSÉE ?
Face à l’inaction de l’État, les évêques haïtiens ont continué à appeler inlassablement depuis plusieurs années, les citoyens et responsables politiques à un «réveil du peuple haïtien», par des prises de parole fortes qui tour à tour condamnent, accompagnent ou encouragent les Haïtiens. Ce sursaut comme l’a martelé Monseigneur Gontran Decoste à un appel à la conscience des responsables et des citoyens, à un sursaut citoyen et patriotique, à l’union, la concorde, la solidarité, le respect de la vie, des biens et de la justice, n’a visiblement pas été entendu. D’ailleurs, selon le père Steevenson Montinard, l’église de Haïti manque surtout de groupes de réflexion et de formation. «Je pense que l’église peut s’inspirer de ce qui se passe ailleurs. Quand le pays s’enlise dans une crise pareille, il nous faut des experts qui ont une capacité d’anticipation, explique-t-il. Une institution qui est capable de donner des repères, de manière anticipée, qui est capable de créer du sens, c’est tout ce dont nous avons besoin aujourd’hui».
Elle même attaquée dans ses infrastructures (comme par exemple la cathédrale de la capitale, Port-au-Prince sévèrement endommagée par un incendie d’origine criminelle), l’église haïtienne par la voix de ses évêques dénonce la connivence de l’État avec les auteurs des violences et «s’indignent contre l’impuissance de l’autorité».
D’OÙ VIENDRA ALORS LE SALUT ?
Si le pouvoir est en effet incapable de répondre au défi sécuritaire posé par les gangs, et l’opposition est morcelée, émiettée. Haïti est aujourd’hui le trou noir des Caraïbes, qui absorbe toutes les énergies et autorise tous les trafics -drogue, armes, etc.-, alors quel sort sera réservé au peuple haïtien ? L’ONU peut-être ?
En effet, au mois de septembre dernier, à la tribune des Nations unies, le ministre haïtien des Affaires étrangères, Jean Victor Généus, avait déclaré, au nom du Premier ministre Ariel Henry, que son pays traversait une crise multidimensionnelle qui menace la démocratie et les fondements même de l’Etat de droit, «une crise sociopolitique et économique sur laquelle s’était greffée l’insécurité», au point d’ébranler la «superstructure» de l’État.
Mais justement, ce qui a mis le feu aux poudres et donc la paralysie du pays, c’est l’annonce par le Premier ministre Ariel Henry d’une hausse des prix du carburant. Le pays a ainsi été le théâtre de nouvelles violences, de pillages et de manifestations. Et le terminal pétrolier de Varreux, le plus important du pays, est bloqué par des gangs armés. Conséquences : des pénuries graves dans tout le pays qui ont affecté en premier lieu le fonctionnement des trois quarts des hôpitaux du pays. Leur personnel ne pouvant plus se rendre au travail, l’approvisionnement en matériel et médicaments n’étant plus assuré, rendant de plus en plus difficile la conservation des vaccins et l’alimentation en eau potable !
En plus de la forte dégradation de la situation humanitaire, le choléra est de retour. Souvenir tragique pour les haïtiens car l’épidémie avait fait plus de 10 000 morts après l’introduction de la bactérie par des casques bleus en 2010 !
Face à cette tragédie, le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa réunion du 16 octobre dernier a envisagé comme solution l’envoi d’une force internationale à Haïti pour permettre à la population de sortir du «cauchemard» de la crise humanitaire et sécuritaire. Elle autoriserait une mission non onusienne internationale d’assistance pour la sécurité afin d’améliorer la situation sécuritaire et de permettre de délivrer l’aide humanitaire toutefois cadrée par un pays partenaire. Mais cette option n’a pas fait l’unanimité même si cette force serait à «vocation humanitaire» ! En plus de la résistance des Haïtiens (suite au drame causé par l’épidémie du choléra), la méfiance de la Chine et de la Russie contre toute interférence dans le processus politique haïtien notamment si ce sont les Etats-Unis qui pilotent cette mission.
Face à une deuxième option qui comporterait la mise en place de sanctions contre les gangs et leurs leaders, la Russie demande un peu plus de temps à la réflexion sur les conséquences de cette précipitation. Ce serait vraisemblablement ce week-end que des résolutions seront adoptées pat le Conseil de sécurité de l’ONU. Mais quelles que soient, nous restons persuadés que les vraies solutions de la crise haïtienne ne viendraient que du peuple haïtien car aucune mission de paix envoyée par les Nations unies n’ont porté des solutions durables en Haïti.
Cette crise nécessite tout de même un fort soutien de la communauté internationale, et notamment des acteurs de l’humanitaire. Pour l’heure, le gouvernement et les gangs devront discuter, avec l’implication de la communauté internationale s’il le faut, pour retrouver un semblant de paix et permettre aux populations d’avoir accès aux services essentiels comme la santé, l’eau ou encore le transport pour aller travailler.
Dans le cas où une intervention serait votée à l’ONU, elle devrait au-delà du rétablissement de l’ordre, elle devrait mettre fin surtout aux trafics, à la corruption, à l’impunité, etc. Une force au service du pays et non au service du gouvernement actuel ! Aider à la mise en place avec les forces haïtiennes y compris celles de l’opposition d’un gouvernement de transition en accord avec l’aide internationale. Mais avec les tensions internationales comme celle de la guerre en Ukraine, va t’on pouvoir trouver ce consensus international pour aider Haïti ? Nous revenons à la même solution : seul le peuple haïtien peut décider de son avenir !