Les Antilles, mauvais élèves de l’alimentation

A l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer a présenté, il y a peu, une série de travaux évaluatifs, prospectifs et de recherches autour de la nutrition dans les Outre-mer. Ceux-ci ont révélé que les Antilles étaient malheureusement touchées par une surconsommation de produits sucrés. Une mauvaise nouvelle qui expliquerait peut-être certains soucis de santé constants dans l’archipel.

Une politique publique profonde de l’alimentation est me-née actuellement par le gouvernement dans les territoires d’Outre-mer pour comprendre les comportements des ultramarins. «La thématique de la nutrition revêt une importance majeure dans les Outre-mer. Il s’agit pour nous d’analyser au mieux le contexte sur place pour réfléchir à des pistes et décisions ciblées qui sont assez urgentes» explique Hélène Courcoul-Petot, cheffe du bureau de l’évaluation des politiques publiques et de la prospective au sein du ministère de l’Outre-mer.
ANALYSER PUIS AGIR
Tout d’abord, a été souhaité d’établir une cartographie précise des habitudes de consommations alimentaires sur les Antilles. «Nous souhaitons créer des outils d’aides qui permettront de prendre en compte les spécificités de chaque territoire. Nous avons travaillé avec les acteurs locaux et également avec l’Inrae en Guadeloupe pour écrire une expertise collective. Il est essentiel de comprendre avant pour mieux agir par la suite». En effet, le ministère des Outre-mer est déterminé à instaurer une politique interministérielle efficace à destination des Antilles dans le domaine de l’alimentation. «Il s’agit aujourd’hui de présenter nos travaux d’analyses pour évoquer une programmation de politique transversale et adaptée et les premiers retours ne sont pas bons. Les Outre-mer ont des modes de consommations alimentaires qui ne s’avèrent pas très saines» ajoute Hélène Courcoul-Petot.
TROP DE PRODUITS
TRANSFORMÉS
Ce qui ressort de ces travaux est la surconsommation de produits sucrés et gras dans le quotidien des Antillais. «C’est au-dessus des recommandations journalières quand, au contraire, la consommation de légumes et de fruits est en dessous. C’est une nouvelle peu réjouissante. Il y a une transformation du mode d’alimentation beaucoup plus croissant et beaucoup plus impactant que dans l’Hexagone». Du mode de consommation traditionnel (fruits, légumes, poissons) qui dispose d’une qualité nutritionnelle élevée, les Antilles ont adopté le mode d’alimentation contemporain à base de fast-foods, snacks, charcuterie et biscuiteries, à faible qualité nutritionnelle. «Le taux de sucre consommé par jour par une personne vivant aux Antilles de 20 grammes quand il est de 12,5 grammes par jour pour un habitant de l’Hexagone. L’écart est quasiment de moitié. C’est énorme. De plus, les contenants de jus et boissons sucrés sont plus volumineux aux Antilles ce qui n’aide en rien». Or, la contradiction est tout de même effarante dès lors que l’on sait que les territoires d’Outre-mer proposent des produits locaux, frais et sains à faible coût. «Il semblerait que le prix ne soit pas un élément déterminant. Les Antilles ne con-somment pas suffisamment localement, sauf pour se tourner vers les produits issus de la restauration ambulatoire (bokits, etc) qui sont également très gras et peu intéressants au niveau de l’apport nutritionnel».
Les Antilles sont donc des mauvais élèves dans le domaine de l’alimentation, ce qui pourrait expliquer également l’explosion de certaines pathologies comme les maladies cardiovasculaires et le diabète. «C’est devenu un réel enjeu de santé publique et ce rapport va nous amener à agir directement auprès du public, d’un côté, pour changer leurs habitudes et des industriels, de l’autre, pour modifier leurs offres».
DÉVELOPPER UNE POLITIQUE
DE SANTÉ DURABLE
Ainsi, depuis la rentrée, le gouvernement a décidé de mettre en place un programme national nutrition-santé qui aura une déclinaison en Outre-mer. «Chaque département disposera de 200 000€ de budget pour mettre en place des actions publiques. Il est question d’éduquer au plus tôt la jeunesse en matière de goût», confie Hélène Courcoul-Petot. Second chantier : la promotion du sport et l’amélioration des infrastructures sportives. «Nous avons mis en lumière le besoin de sécuriser les abords des routes pour favoriser la course à pied et le vélo. C’est un sujet qui doit être pris en compte sérieusement pour retrouver un certain équilibre de vie et une santé préservée».
Mais le gros du travail reste la sensibilisation des publics, notamment les plus précaires, à une alimentation plus saine et durable. «La communication est l’essence même d’une meilleure alimentation. Le bon message doit arriver aux bons destinataires comme les personnes en surpoids, les personnes âgées ou sédentaires. Il faudrait davantage faciliter l’accès aux produits frais et locaux en mettant en exergue les petits marchés ou la vente de paniers. L’arrivée des produits importés a modifié la donne dans les Antilles et a totalement transformé l’offre alimentaire. Nous échangeons à ce sujet avec les industriels pour revoir leurs productions et baisser notablement le taux de sucre présent dans les produits transformés. Il y a une vraie démarche de transition alimentaire à initier et nous allons dans ce sens».