Le changement climatique dérègle aussi les cyclones

La tempête Fiona a sévèrement frappé la Guadeloupe il y a peu, causant des dégâts matériels conséquents. Si les autorités et les collectivités sont encore sur le qui-vive, il semblerait que l’activité cyclonique soit proche de son terme pour cette année. Une bonne nouvelle confirmée par le service Météo France Guadeloupe, qui assure la surveillance climatique de l’arc caribéen.

Fiona restera un épisode majeur dont l’archipel se souviendra longtemps. Alors que l’alerte Tropical Storm avait été émise par les Etats-Unis quelques jours auparavant, peu d’indicateurs auraient pu prévoir un tel niveau de précipitations sur une durée aussi courte. «Nous en avions également informé la préfecture comme il est d’usage mais les dangers liés à l’intensité des pluies ont été encore plus importants que nous l’avions imaginé. C’est un aléa qui reste difficile à appréhender» explique Thierry Jimonet, responsable du centre météorologique de Guadeloupe.
DES PRÉCIPITATIONS DE PLUS
EN PLUS INTENSES
En effet, le service de Météo France Guadeloupe travaille avec sérieux pour établir des prévisions sur plusieurs jours et s’attache à donner des tendances aussi précises que possible mais elle fait face à un phénomène nouveau. «D’un point de vue météorologique, il est délicat de quantifier l’intensité des précipitations qui peuvent survenir en cas de cyclone. Pour Fiona, nous avions estimé la force des vents entre 60 et 100 km/h

. Ce qui fut le cas. Par contre, il est tombé plus de 400 millimètres de pluie, une pluviométrie plus importante sur le sud Basse-Terre que lors du passage de l’ouragan Maria en 2017. Est-ce le signe du bouleversement climatique dont nous parlons chaque jour dans les médias ?». Cela s’explique par une augmentation de la chaleur de l’atmosphère. «Il y a davantage de vapeur d’eau dans l’atmosphère et sa concentration donne une augmentation du volume d’eau précipitable. Les projections climatiques de Météo-France indiquent sur la période 2031-2080, une augmentation de 20% des précipitations liées aux ouragans. Les épisodes pluvieux pourraient donc être beaucoup plus forts dans ce cas. De plus, ce chiffre est d’autant plus dangereux quand on sait que le danger majeur d’un ouragan reste l’eau», ajoute Thierry Jimonet. «Nous restons très prudents sur nos analyses mais le réchauffement climatique de la planète aura forcément un impact sur les Antilles». Si les précipitations pourraient être plus intenses en cas d’ouragan, elles seraient pour autant moins nombreuses avec une diminution des précipitations de 15 à 20% en moyenne sur l’année. «La modification du transport de la chaleur de l’équateur vers les pôles opérée par le changement climatique est visible au travers d’une modification des trajectoires cycloniques plus au Nord vers le centre de l’Atlantique et avec la modification de du Gulf Stream. L’activité cyclonique sera plus présente dans ces régions et l’arc antillais sera peut-être, sur le long terme, plus épargné. Mais cela n’évitera pas d’autres problématiques».
UNE HAUSSE DU NIVEAU DE LA MER ET DES TEMPÉRATURES
La montée des eaux semble, elle, inévitable. «Chaque année, le niveau de l’eau monte et elle s’infiltre dans les terres. D’ici peu, certaines îles pourraient disparaître comme, par exemple, les Maldives. Heureuse-ment, la Guadeloupe a une topographie riche de reliefs qui lui permet de faire face à cette montée des eaux au prix d’un aménagement du littoral. Mais les changements climatiques vont tellement vite qu’il est compliqué d’avoir une analyse sûre et long-termiste».
Autre conséquence majeure et désastreuse, l’assèchement des régions. La terre se réchauffe à vue d’oeil et les contrastes entre les régions se creusent. «Nous allons vers des extrêmes de températures, notamment des très fortes températures couplées à une forte humidité comme cela se produit en Inde ou au Pakistan. De nouveau, en Guadelou-pe, nous sommes quelque peu chanceux grâce à la présence des alizées et des brises marines qui nous permettent de juguler ces fortes chaleurs. Le système climatique est clairement en train d’évoluer. Il sera suffisamment solide pour se réguler lui-même et trouver un nouvel équilibre mais nous, le sommes-nous ? L’hu-main peut appréhender ces modifications mais, biologiquement, le corps a aussi ses limites…» pointe Thierry Jimonet.
QUELLES PROJECTIONS FAIRE ?
Le service de Météo France intervient régulièrement auprès d’organismes compétents dans le domaine de l’agriculture et l’innovation technologique pour asseoir des bilans et ouvrir des discussions sur les changements climatiques. «A notre niveau, nous n’avons guère de réponses précises. Nous sommes sollicités par des secteurs météorologiques sensibles comme l’Inrae (Institut national de recherche pour l''agriculture, l''alimentation et l''environnement) et le pôle d’innovation Synergîle. Le projet Explorer, porté par l’Inrae, vise à dessiner une transition vers une agriculture climato-intelligente. Il y aura certainement des nouveaux comportements à avoir dans un futur proche car désormais, c''est à nous de nous adapter à la terre et non plus l''inverse».