Le destin de Guy Tirolien retracé en film documentaire

La journaliste marie-galantaise Yaël Selbonne est l’auteure et la réalisatrice du documentaire Sur les traces de Guy Tirolien, diffusé en juin sur Guadeloupe la 1ère. Elle a récemment été invitée par le Festival du film des droits humains de Guadeloupe Monde En Vues où elle a, de nouveau, été plébiscitée pour son oeuvre qui met en lumière le destin du poète et homme politique Guy Tirolien.

Vous êtes originaire de l’île de Marie-Galante, tout comme Guy Tirolien. Cela a-t-il un lien avec le choix de votre première réalisation ?
Yaël Selbonne : Oui, évidemment ! C’est le point de départ de mon souhait de retracer l’histoire de ce poète et militant guadeloupéen (1917-1988), finalement peu connu des Guadeloupéens. Aucun support documentaire audiovisuel n’avait été fait et je trouvais nécessaire de lui rendre hommage à travers ce film qui retrace son passé et ses engagements politiques en Afrique et dans l''archipel. A l’école, nous avons tous appris et récité ce poème si célèbre Prière d’un petit enfant nègre qui a accompagné mon enfance.
Pour un premier documentaire, la presse semble unanime sur sa qualité. Etes-vous fière ?
Je suis reconnaissante du très bon accueil et de tous ces retours positifs. Pouvoir présenter son oeuvre sur France Télévisions ainsi que dans plusieurs festivals, notamment au FIFAC en Guyane, est très satisfaisant et me remplit d’énergie pour la suite

. C’était, en effet, une grande première pour moi de me lancer dans une telle aventure (soutenue par Cinquillo Films & Barcha Bauer). J’ai travaillé pour divers médias à Paris (L’équipe, Canal +, France 3) où j’ai pu réaliser des formats magazines mais j’attendais le bon moment et le bon projet pour aller vers de plus grandes ambitions et, ce projet, je l’ai réfléchi dès mon retour en Guadeloupe en 2019. J’avais cette volonté inavouée d’explorer ma passion du documentaire et cet homme, Guy Tirolien, m’a semblé comme une évidence, notamment dans une période compliquée pour la Guadeloupe, en proie à des questionnements internes forts et une crise sociale sous-jacente. C’était un challenge professionnel pour moi de montrer le parcours d’un poète, de mettre en image et en musique sa poésie et le rendre accessible et compréhensible pour tous. La poésie est un art soumis à l’interprétation et Guy Tirolien a délivré de nombreux messages à travers ses mots et ses rimes que je devais présenter avec justesse.
Comment avez-vous élaboré
ce projet ?
J’ai tout fait de A à Z grâce à la liberté que m’a accordé mon producteur Barcha Bauer. Je voulais être libre tant sur l’écriture, la réalisation, le montage, l’étalonnage etc. J’y ai mis tout mon coeur et j’ai voulu relater ses poèmes dans chaque séquence à travers d’autres arts comme le chant, la peinture ou la musique. J’ai voulu aussi relater cette atmosphère des années 60 où les écrivains s’insurgeaient contre l’aliénation culturelle et où beaucoup d’Antillais fustigeaient l’empire colonial. Ce fut une période importante pour l’histoire des Antilles et je m’y suis plongée avec grand intérêt. Guy Tirolien a marqué les Marie-Galantais par ses alexandrins mais également par ses contradictions et de son rôle d’administrateur dans les colonies africaines. Pour comprendre cela, je suis allée à la rencontre de témoins et de rapporteurs d’histoires comme la militante George Tarer, le professeur de lettres Wonal Selbonne, le poète Max Rippon, l’artiste peintre Joël Nankin, les auteurs Bernard Leclaire et Alain Rutil ou encore le romancier Daniel Maximin.
Qu’avez-vous découvert sur Guy Tirolien ?
Je pense qu’il désirait profondément l’autonomie de la Guade-loupe. Il a été précurseur d’un sentiment qui refait surface aujour-d’hui. Nous, territoires d’Outre-mer, sommes dépendants d’un territoire qui se situe à des milliers de kilomètres et qui décide de tout sans connaître notre réalité. Guy Tirolien a exprimé cela très vite. Je pense qu’il aurait souhaité que les territoires de la Caraïbe unissent leurs forces pour créer une véritable politique et économie locale. Il aurait souhaité voir l’émancipation de nos peuples et la mise en exergue d’un environnement riche de forces vives. En faisant mes recherches, j’ai été conquise par son message humaniste et dans cet espoir qu’il avait de défendre la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, toujours en conservant une part de mystère. Notam-ment lorsqu’il a soutenu les velléités d’indépendance des colonies africaines dans l’ombre.
On sent que la réalisation de ce documentaire vous a chamboulée. Dans quel sens ?
Ce projet m’a ouvert les yeux sur mes désirs et ceux-ci se tournent davantage vers la production de films plus affirmés et avec une empreinte locale plus forte. J’ai envie de mettre ma patte dans des films qui racontent mon île et mon environnement. Nous som-mes une société malade et nous avons besoin de créer pour renaître et s’affirmer au monde.
Disponible en replay sur le site
de FranceTV.fr