CONCLUSION DE LA COP 27 Des échanges au forceps pour une naissance à la césarienne
Qu’adviendra-t-il de ce bébé, né à Charm el-Cheikh en Égypte, entre les mains du ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri qui a présidé le plateau pour l’accouchement du 6 au 18 novembre 2022 ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les débats ont été fort difficiles pour parvenir à une conclusion, avec deux jours de retard, le dimanche 20 novembre 2022. Car, parler de protection de la planète, c’est mettre en jeu de gros intérêts financiers, géopolitiques, stratégiques et hégémoniques des pays les plus industrialisés et particulièrement les puissances qui dirigent le monde, économiquement et politiquement.
Les pays pauvres ou en voie de développement qui ont pourtant contribué durant des siècles, voire des millénaires à l’enrichissement de ces derniers s’en sortent habituellement avec plus ou moins de dépit, étant les plus affectés par le changement climatique.
La déclaration finale du résident, Sameh Choukri en dit long : «Ça n’a pas été facile, mais nous avons finalement rempli notre mission». Il avait d’ailleurs «imploré», préalablement à la signature, ses interlocuteurs, d’adopter les résolutions, assurant qu’elles reflétaient des «équilibres délicats» et «la plus haute ambition qui puisse être atteinte à ce moment». Un aveu qui ne peut qu’évoquer : lassitude, insatisfaction, découragement et scepticisme pour l’avenir.
L’effectif de participants qui a atteint plus de 45 000 participants pour 200 pays témoigne du niveau des attentes pour que des dispositions soient volontaristes et effectives afin de protéger l’humanité des catastrophes qui se précisent de plus en plus, si les dispositions adéquates ne sont pas mises en oeuvre.
C’est donc pourquoi, les peuples autochtones, les communautés locales, les villes et la société civile, les jeunes et même les enfants, ont présenté leur implication, non seulement pour faire face au changement climatique, mais aussi l''impact de celui-ci sur leur quotidien.
QUE PEUT-ON RETENIR
DE CET ACCORD ?
Des décisions arrêtées à la césarienne, après des échanges au forceps, pourrait-on dire et des promesses certes nombreuses, on peut retenir quelques-unes à l’horizon de la COP 28. Avec beaucoup de prudence cependant car, comme le traduit notre proverbe : «sa ki an bèk pa an fal», ce qui se traduit pour les pays pauvres ou en voie de développement ; «Rien n’est gagné d’avance». C’est bien l’éternel défi Nord-Sud. On note donc :
- La réaffirmation de l’objectif de l’Accord de Paris lors de la COP 21 de contenir l’augmentation de la température moyenne nettement en dessous de 2°C avec la volonté de limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels.
- L’urgence de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le secrétaire général de l’ONU, Anto-nio Guterres, a cependant regretté le manque d’ambition de la COP 27 pour «drastiquement réduire les émissions».
- La prise en compte de la nécessité de s’adapter aux conséquences inévitables des changements climatiques.
- Un soutien financier, technologique, pour renforcer les capacités des pays en développement.
- La création d''un fonds spécifique, non prévue pourtant à l’ordre du jour officiel, pour les pertes et préjudices en faveur des pays en développement. Un dossier qui a failli faire capoter la conférence et qui a fait l’objet d’un compromis de dernière minute. Les mécanismes de fonctionnement de ce fonds seront définis par un «comité de transition» dont la première réunion se tiendra en mars 2023, pour une application lors de la COP 28 en 12 mois, à Dubaï. Il est à noter qu’il faudra définir quels seront les attributaires de ce fonds et les modalités d’attribution. La Chine qui s’est enrichie durant ces trente dernières années et les Etats-Unis n’ont pas encore exprimé leur position dans l’immédiat.
- La demande d’accélérer les efforts vers la réduction progressive de l’utilisation du charbon et la suppression des subventions aux combustibles fossiles et de tendre autant que possible vers les énergies renouvelables. Qu’en sera-t’il effectivement, quand on pense, qu’inexorablement, l’une des priorités pour tous les pays impliqués dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, sera la reconstruction et le réarmement.
- La nécessité de donner à toutes les parties prenantes les moyens de s''engager dans l''action climatique.
- La promesse du secrétaire exécutif d''ONU-Climat d''exhorter les gouvernements à prendre en compte les propositions pertinentes des jeunes, pour l’élaboration des politiques climatiques.
UN ACCORD DIVERSEMENT APPRÉCIÉ
En fonction des attentes de chaque pays, de chaque région du globe ou de chaque Organisation mondiale, cet accord a été diversement apprécié, générant amertume, regret, déception ou satisfaction.
- Pour la France : «L’accord de la COP27 n’est pas aussi ambitieux que nous, Français et Européens, l’aurions souhaité».
- Pour l''Allemagne par la voix de sa cheffe de la diplomatie Annalena Baerbock «l''espoir et la frustration» se mêlent dans les résultats.
- Pour l’Union européenne, c’est une «déception»
- Pour l’ONU, c’est accord traduit «un véritable manque d’ambition».
- Les pays du Sud, victimes des dégâts occasionnés par les pays industrialisés saluent des avancées «historiques» eu égard à la création du fonds spécifique. On peut cependant craindre l’affirmation du proverbe : «les promesses n’engagent que ceux qui y croient».