Pour un Front de libération décolonial

Cet écrit est un appel à la création d’un Front de libération décolonial, dont nous, Azadî et Assyl, sommes les deux membres fondateurs. Partant de l’analyse de la contre-révolution coloniale des années 60-70 nous considérons qu’il est urgent de lancer une nouvelle offensive décoloniale.

De même pour comprendre les rouages du capitalisme devenu mondialisé. C’est la raison pour laquelle il ne faut cesser d’insister sur l’importance de la lutte anti-impérialiste. Cette dernière est extrêmement faible aujourd’hui en France alors qu’elle est essentielle. Nous pensons qu’une des raisons de cette faiblesse réside dans le manque de formation et de con-naissances sur les questions internationales et anti-impérialistes.
Le Front de libération décolonial (FLD) est une tentative de remédier à cela. Bien sûr, à notre humble niveau nous ne prétendons pas renforcer à nous seuls la ligne anti-impérialiste en France. De même, nous ne pourrons, du moins au début, englober la totalité des questions anti-impérialistes actuelles. Il nous a fallu faire des choix stratégiques.
Voici une présentation succincte du projet du FLD : son origine, ses objectifs, son format. Partant de l’analyse des décolonisations du 20e siècle et pourquoi celles-ci ont échoué à libérer totalement les peuples, nous avons constaté la force de la contre-révolution coloniale depuis plus de 50 ans

. C’est en partie ce qui explique la faiblesse de l’anti-impérialisme mondial. Il y a bien d’autres effets à prendre en compte dans cet échec mais ce papier se limite à une compréhension globale et donc nécessairement incomplète du passé décolonial. Nous reviendrons au cours des futures productions écrites ou vidéos dans l’analyse approfondie de cette période pour apprendre de ces échecs et tenter de les dépasser.
Partant de l’analyse (simplifiée) décrite au début, nous avons ainsi vu dans cette contre-offensive coloniale deux éléments cruciaux : la première est la force de cette offensive et la seconde la faiblesse des ex-colonisés. La force de la contre-révolution coloniale n’est plus à démontrer : les assassinats, les coups d’États, les manipulations d’élections, la corruption, tout ça est bien connu. Mais une telle puissance d’attaque démontre surtout la peur et la crainte des puissances impérialistes : l’Ordre capitaliste mondial a réellement tremblé face à la montée des leaders anti-impérialistes. Il y a une vérité à peine voilée dans cette analyse : la violence de leur répression prouve la force et la justesse de leurs revendications. C''est pourquoi, nous devons nous inspirer de ces leaders qui ont fait vaciller les puissances impérialistes.
Néanmoins, il ne faut pas oublier de faire l’analyse critique de la faiblesse des mouvements décoloniaux du 20e siècle. Nous pensons que la principale cause de cette faiblesse réside dans l’isolement de ces mouvements. L’une des pratiques coloniales la plus répandue est celle de «diviser pour régner» et c’est bien ainsi que les puissances impérialistes sont parvenues à diviser les peuples entre eux, aussi bien à l’échelle des nations mais aussi au sein des états eux-mêmes en propageant la peste qu’est l’État-nation (et le capitalisme), joug féroce empêchant toute diversité. Ce n’est pas anodin si le monde capitaliste a le plus tremblé face à la Tricontinentale (union des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine) ou la conférence de Bandung (regroupant les peuples colonisés ou nouvellement libérés). C’est ensemble que nous sommes le plus fort face au joug impérialiste ou néocolonial.
En définitive ce fut une question de rapport de force et c’est essentiel de le voir ainsi. Nous pensons que nous devons reconstruire un nouveau rapport de force en renforçant notre ligne anti-impérialiste. Le meilleur cadre théorique pour cela est sans aucun doute la pensée décoloniale. Nous n’avons pas cité Sadri Khiari et Saïd Bouamama au hasard. Ce sont tous deux des auteurs et signataires de l''appel «Nous sommes les indigènes de la République» qui débouche sur la création du mouvement des Indigènes de la République. Ils sont au coeur de la pensée décoloniale en France. Nous nous considérons dans la droite lignée de la pensée qu’ils ont développé.
Nous les rejoignons sur l’analyse de la continuité coloniale du monde actuel tout comme nous décrions l’État-nation et la modernité occidentale qui ont été mis en place dans les pays ex-colonisés conduisant à l’échec de la libération totale des peuples. C’est pourquoi le terme décolonial dans FLD prend un double sens : à la fois pour signifier la continuité décoloniale avec les penseurs et mouvements de décolonisation du 20e siècle mais aussi pour expliciter le cadre théorique de pensée politique dans lequel nous nous inscrivons.
Aujourd’hui la pensée décoloniale est principalement inscrite dans l’antiracisme politique en France qui a des liens évident avec la lutte anti-impérialiste. Nous souhaitons, avec cette démarche de création du FLD, renforcer la ligne anti-impérialiste déjà présente dans l’antiracisme politique en ne nous occupant pas de l’antiracisme. Oui, nous considérons que les organisations déjà existantes font un très bon travail sur l’antiracisme politique tout en englobant l’anti-impérialisme.
Mais nous considérons qu’il est nécessaire de créer un front de lutte à côté (mais ensemble, c’est-à-dire lié à l’antiracisme politique) car l’anti-impérialisme nécessite un temps d’analyse et de développement conséquents au vu des nombreux sujets à aborder. En quelques sortes, notre but est de «libérer» un peu de poids à l’antiracisme politique tout en permettant une analyse plus approfondie des sujets internationaux car nous nous limiterons uniquement à cela. Nous nous occuperons uniquement de l’actualité internationale, avec bien sûr une analyse de la récupération politique en France mais nous n’empiéterons pas, autant qu’il se peut, sur l’antiracisme politique qui reprend peu à peu des forces. Nous souhaitons accompagner cette renaissance en renforçant la ligne anti-impérialiste.
Comment renforcer la lutte anti-impérialiste ? Voilà la question principale du Front de libération décolonial. Tout le but du FLD est de répondre à cette question donc nous n’allons pas y répondre dans ce papier. Nous avons déjà effectué une analyse historico-politique (succincte) qui a naturellement porté notre regard vers le cadre théorique le plus conséquent pour cette question : la pensée décoloniale. Tout le travail du FLD sera d’analyser l’actualité internationale avec des lunettes décoloniales.
Dans un premier temps, compte-tenu des connaissances et affinités des membres fondateurs, nous nous limiterons aux situations des peuples kurdes, palestiniens et sahraouis qui subissent non pas un néocolonialisme mais bien une colonisation. C’est un point non abordé dans ce papier : oui, il y a des peuples encore colonisés qu’il faut libérer. Nous ne développerons pas ici ces situations coloniales car elles seront le sujet de nos premières créations (orales et écrites). Nous considérons que ces situations doivent être abordées en premier lieu car elles regroupent l’essentiel de l’analyse faite précédemment mais aussi parce qu’elles concernent des situations de colonisations et sont donc au coeur même de la lutte défendue par le FLD. Dans un second temps, nous souhaitons développer d’autres situations coloniales (peuple kanak, Ouïghours, Baloutchistan, Cachemire, …) et néocoloniales en regroupant progressivement des militants de chacune de ces causes afin de renforcer le front de lutte commun contre le colonialisme, l’impérialisme, la Modernité et, in fine, le capitalisme.
Avant de conclure voici quelques explications concernant notre logo et notre nom.
Le Front de Libération Décolonial souhaite se placer dans la continuité des mouvements de décolonisations du 20e siècle. De nombreux mouvements de cette période se sont nommés Front de Libération … : FLN algérien, FLP palestinien, FLP polynésien, etc. De plus, nous souhaitons traiter d’un maximum de luttes anti-impérialistes à travers un front commun dans lequel chaque peuple sera représenté, ses luttes décrites, analysées, et ainsi renforcées tout en conservant ses particularités et son contexte. En résumé : ensemble et à côté. Ensemble contre le Capital et la Colonialité-Modernité car c’est l’ennemi final commun mais à côté car chaque lutte a son histoire, son contexte et sa solution de libération propre. Nous devons reconstruire le rapport de force en notre faveur : un front uni est nécessaire. Cette démarche est à nos yeux essentielle et rejoint l’analyse faite précédemment : l’Histoire nous prouve que c’est ensemble qu’on vaincra.
Concernant le terme «Déco-lonial» dans FLD, il est à prendre dans un double sens : à la fois pour signifier la continuité décoloniale avec les penseurs et mouvements de décolonisation du 20e siècle mais aussi pour expliciter le cadre théorique de pensée politique dans lequel nous nous inscrivons.
Le logo est une union des trois drapeaux des peuples colonisés que l’on traitera initialement : Palestine à gauche, Kurdistan au centre, Sahara occidental à droite. Au centre il y a l’union de l’emblème de la Répu-blique kurde de Mahabad de 1946, symbole de résistance kurde face à la colonisation avec le Soleil et les trois couleurs kurdes : rouge, jaune, vert, et Hanzala, enfant palestinien créé par Naji al-Ali, symbole vivant des injustices subis par le peuple palestinien et les peuples arabes en général. Il y a une double symbolique très forte dans cet emblème. L’enfant symbolisant l’amertume, la tristesse de la colonisation regarde le Soleil levant, symbole de la renaissance et du renouveau, porteur de message d’espoir.
De plus, l’union d’un emblème kurde et d’un symbole arabe est lourde de sens : deux peuples vivant ensemble depuis des millénaires, avec une histoire de luttes intestines, de colonisations, de massacres et de manipulations impérialistes qui s’unissent dans ce front commun de lutte anticolonial. C’est plus qu’un clin d’oeil au modèle décolonial mis en place au Nord-Est de la Syrie regroupant arabe et kurde : un espoir vivant pour tous les peuples colonisés.
Nous traiterons, dans un premier temps donc, des sujets de la Pales-tine, du Kurdistan et du Sahara occidental à travers des articles, du contenu sur Twitter (informations relayées, analyses, Space de discussion-analyse-débat), des vi-déos YouTube à terme, voire des live Twitch.
Nous sommes deux pour l’instant mais nous invitons toute personne se retrouvant à la fois dans l’analyse faite précédemment, approuvant la pensée décoloniale et appréciant nos contenus, à nous rejoindre et à renforcer la ligne anti-impérialiste en France.
La révolution mondiale sera décoloniale ou ne sera pas ! Pour un Front de libération décolonial.